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On hésite souvent sur la façon correcte d’écrire les toponymes étrangers. Certains noms possèdent un équivalent reconnu en français — comme Barcelone, Floride, Londres ou Rome, — mais beaucoup d’autres sont orthographiés de diverses façons dans les dictionnaires. De même, quantité de lieux ne sont pas désignés sous le même nom d’une langue à l’autre, notamment en anglais et en français. C’est le cas d’un bon nombre de villes qui ont conservé leur appellation originale en anglais, mais non en français :
Il faut donc toujours faire preuve de prudence dans ce domaine. Devant les caprices de l’usage, le rédacteur doit consulter les sources récentes les plus fiables, c’est-à-dire les bons dictionnaires de noms propres, les dictionnaires bilingues et les publications sérieuses de langue française.
L’orthographe des noms géographiques varie parfois d’un ouvrage à l’autre. Par exemple, le nom du Koweït s’écrit selon différents dictionnaires et encyclopédies Koweït, Koweit, Kuwait ou Kuweit. Pour la capitale de la Somalie, on relève les variantes Mogadiscio, Mogadishu, Muqdisho. Si l’on veut faire un choix éclairé, il faut s’appuyer sur certains principes :
Employer une forme courante. Il faut éviter les graphies parfaitement françaises mais qui sont inexistantes ou qui n’ont plus cours. Ainsi on doit écrire :
Lorsque l’usage est hésitant, on doit néanmoins choisir la forme la plus française possible. Par exemple, Koweït est préférable à Kuwait. De même, on évitera d’écrire Muqdisho au lieu de Mogadiscio.
Tenir compte de l’évolution de l’usage. L’usage anglais finit par s’imposer dans certains cas. Djakarta s’écrit souvent Jakarta; Hanoï est devenu Hanoi. De même, des pays changent de nom, par exemple :
Les nouvelles appellations ont préséance même si elles ne sont pas toujours entrées dans l’usage courant. On entend encore parler de la Birmanie, mais il ne s’agit plus du nom officiel de ce pays.
Éviter les graphies trop savantes. En français, on peut soit conserver, soit omettre les signes diacritiques des langues étrangères, tels que les accents graves, les accents aigus, les trémas, les tildes, les barres, etc. Ces signes servent à marquer l’accent tonique, surtout dans les langues latines :
ou bien à modifier la prononciation d’une lettre :
Certaines de ces graphies sont couramment employées. Aujourd’hui, le français, comme les autres langues, tend toutefois à normaliser l’orthographe des mots qu’il emprunte aux langues étrangères. Aussi est-il préférable en général d’éviter certaines graphies qui visent à refléter la prononciation exacte du nom dans la langue d’origine, comme :
Il est important de ne pas ajouter de signes de son propre chef : à moins que le rédacteur ait une connaissance parfaite de la langue en question, ce genre d’exercice peut s’avérer périlleux.
On trouve généralement le genre des noms de pays dans les dictionnaires courants (voir aussi 11.2.8 Liste des États souverains). Il est beaucoup plus difficile cependant d’y trouver celui des appellations qui désignent les États fédératifs, les régions, les villes, etc. Les dictionnaires et les encyclopédies n’en mentionnent habituellement pas le genre, bien que parfois un accord de participe dans le corps d’un article puisse nous éclairer. Et une fois connu le genre, il reste encore à savoir si le nom requiert l’article ou non.
Les ouvrages hésitent à se prononcer parce que l’usage n’est pas toujours fixé, tant pour le genre que pour l’emploi de l’article. Il existe heureusement des moyens de se tirer d’affaire :
Si aucun genre n’est indiqué. On peut employer un générique comme « l’État de », « la province de », « la région de », etc. :
Si le genre est indiqué. Le toponyme est parfois suivi de la mention « n. m. » ou « n. f. ». Il ne reste plus qu’à savoir s’il requiert l’article ou non. Si la réponse ne se trouve pas dans le corps du texte, on peut supposer que le toponyme exige l’article, comme c’est le cas la plupart du temps :
Si le genre est connu mais que les ouvrages se contredisent. Par exemple, Sri Lanka est féminin et s’écrit sans article selon Le lexique des Nations Unies, tandis que certains dictionnaires lui attribuent le genre masculin avec article (le Sri Lanka). En ce qui concerne les noms de pays, il est préférable de suivre l’usage adopté par les grands organismes internationaux.
Lorsqu’un substantif et un adjectif forment un toponyme administratif, ils sont reliés par un trait d’union, et chacun des termes commence par la majuscule [voir aussi 3.3.7b) Noms géographiques]. Car il ne faut pas confondre Australie occidentale et Australie-Occidentale : la première expression est une dénomination géographique qui désigne de façon générale la partie Ouest de l’Australie, tandis que la seconde est la dénomination administrative officielle de l’un des six États fédératifs formant l’Australie. D’où le trait d’union et la majuscule à « Occidentale ».
Lorsque plusieurs toponymes sont juxtaposés pour désigner un État, il convient de les relier par des traits d’union :
Si, au contraire, les toponymes ne sont employés que dans un sens géographique, on ne met pas de trait d’union :
Il arrive que l’on crée une dénomination administrative en juxtaposant deux toponymes de genres différents. Dans ce cas, l’euphonie veut que l’on confère à la nouvelle entité le genre du premier substantif :
Lorsqu’un toponyme comprend un point cardinal introduit par la préposition de ou l’article contracté du, les éléments ne sont pas reliés par un trait d’union :
Si le toponyme comporte en outre un adjectif, cet adjectif est relié au reste du nom par un trait d’union :
Si un toponyme comprenant un point cardinal est juxtaposé à un autre toponyme pour former une dénomination administrative, tous les éléments sont reliés par des traits d’union :
La juxtaposition directe d’un toponyme et d’un point cardinal, sans préposition ou article contracté, exige trait d’union et majuscules initiales :
Le nom des océans fait exception à cette règle :
Le gentilé des toponymes qui comportent un point cardinal se forme avec le trait d’union et la majuscule initiale :
Toutefois, ces formes, quoique répandues, peuvent être remplacées par des tournures plus françaises, mais plus longues :
Les noms de villes qui commencent par un article prennent le genre de ce dernier. Ainsi, Le Caire, Le Cap sont masculins et La Nouvelle-Orléans, La Paz sont féminins.
Pour les autres noms de villes, il n’existe pas de règle précise. L’usage ne marque pas de préférence pour le masculin ou pour le féminin, si ce n’est que le féminin se rencontre peut-être plus souvent dans les œuvres littéraires, tandis que le masculin semble vouloir s’imposer dans les textes plus courants; mais cette tendance n’est pas très nette.
La plupart des noms de villes ne comportent pas d’article initial. En position de complément, ils se font précéder de la préposition à , sans article :
Cette règle s’applique notamment aux villes qui portent le nom du pays dont elles sont la capitale :
Lorsqu’ils désignent l’État plutôt que la ville, les noms de Djibouti, Monaco, Saint-Marin et Singapour ne prennent pas non plus l’article. On écrira donc, dans ce cas aussi :
Mais Guatemala, Koweït, Luxembourg et Panama, quand ils désignent le pays, exigent l’article. Ils sont précédés de l’article contracté au :
Il vaut mieux éviter des expressions comme Guatemala City, qui n’ont pas d’utilité réelle en français.
Les noms de villes changent plus souvent que les autres noms géographiques. La recherche de la pureté linguistique, la fin du colonialisme ou divers bouleversements politiques peuvent expliquer cet état de choses. Ainsi, beaucoup de toponymes déchus ont refait surface dans les pays de l’ancienne URSS :
D’autres ont changé pour diverses raisons, comme Alma Ata, qui est devenu Almaty. Dans le cas particulier de la Chine, l’adoption du système de transcription pinyin, en 1979, a entraîné une mutation spectaculaire de nombreux toponymes, par exemple :
Ces nouvelles appellations sont officielles et doivent être employées.
Des toponymes tombent parfois en désuétude, remplacés par d’autres dont l’orthographe est conforme à la langue originale ou à l’anglais. Par exemple, New Delhi et Vilnius ont supplanté Nouvelle-Delhi et Vilnious. Cette évolution est constante. Dans tous les cas, les dictionnaires les plus récents donnent une bonne idée de l’usage.
Les ouvrages de langue ne sont pas clairs en ce qui concerne le genre grammatical des noms d’îles, et on constate que l’usage est fluctuant. C’est ce qui explique certaines variations dans les dictionnaires, comme dans le cas de Bornéo, féminin pour les uns, masculin pour les autres.
Certains auteurs proposent d’attribuer le genre masculin à toute île ayant le statut d’État, comme Bornéo, Madagascar, Porto Rico. Mais c’est une distinction qui n’est pas toujours évidente : par exemple, Fidji, État souverain, serait masculin, et Tahiti, territoire d’outre-mer français, serait féminin.
En fait, la façon la plus simple de procéder est de considérer que les noms d’îles sont généralement féminins, et de leur attribuer le genre féminin même lorsqu’il s’agit d’États. La règle ne comporte alors que deux exceptions :
Pour les noms d’archipels, un certain nombre prennent le genre masculin, même si chaque île qui compose l’archipel est du genre féminin. C’est le cas de Saint-Kitts-et-Nevis, de Saint-Vincent-et-les Grenadines, de Saint-Pierre-et-Miquelon, des îles Ryu-Kyu et du Vanuatu.
Un grand nombre d’îles connues ainsi que les îles moins connues ne prennent pas l’article :
Mais un certain nombre d’îles parmi les plus connues exigent l’article :
D’autre part, certains noms d’îles, qui sont en fait des archipels, s’emploient toujours au pluriel et exigent l’article les :
On emploie bien sûr la préposition à devant les noms d’îles qui ne prennent jamais l’article — et donc devant la plupart des noms d’îles, — mais aussi devant un certain nombre qui prennent l’article :
Mais un bon nombre d’îles connues qui réclament l’article se font précéder de la préposition en :
Il faut noter que l’usage tend à mettre la préposition en devant presque tous les noms d’îles qui s’énoncent avec un article. C’est pourquoi on voit souvent :
Ces formes ne sont pas fautives. D’autre part, on rencontre couramment les deux formes à Haïti et en Haïti. Certains grammairiens déconseillent dans ce cas l’emploi de en, qui est par ailleurs recommandé par les Nations Unies. L’usage reste très fluctuant sur ce point.
Les noms pluriels d’archipels commandent la préposition aux :
On sait qu’en général les noms d’îles s’emploient sans le générique île :
Mais certains noms prennent obligatoirement le générique. Ainsi, on écrit :
Il en va de même pour Maurice, que l’usage fait le plus souvent précéder du mot île :
Pour certains noms d’îles qui requièrent l’article les, l’emploi du générique reste facultatif :
Quant aux innombrables petites îles dont on ne sait pas si le nom exige l’emploi du générique, il est préférable d’employer île, suivi du spécifique :
Dans un texte courant, on laisse la minuscule initiale au mot île, comme pour les autres génériques. Toutefois, lorsqu’il est question de l’État souverain, il est d’usage de mettre la majuscule :
La translittération est la transposition en caractères latins des sons d’une langue qui ne s’écrit pas en caractères latins. Ainsi, les noms russes, arabes, grecs, entre autres, doivent être translittérés à des fins évidentes de clarté, car combien, par exemple, reconnaîtraient en lisant : MOCKBA, le nom de Moscou?
La translittération s’effectue selon le système phonétique de la langue d’arrivée. C’est ce qui explique que des noms russes, entre autres, ne s’écrivent pas de la même manière en anglais et en français. Idéalement, dans ce cas, il faudrait pouvoir consulter un ouvrage sur la langue russe comportant une table de conversion des caractères cyrilliques vers le français, ou encore la table de conversion établie par la Library of Congress, aux États-Unis, ou celle de l’Organisation internationale de normalisation (norme ISO).
Dans la pratique, il faut souvent passer par une langue intermédiaire, généralement l’anglais, pour connaître la translittération française d’un nom. On part d’une première translittération, par exemple du russe vers l’anglais, avant d’en faire une seconde, de l’anglais vers le français. On doit alors décrypter la phonétique à travers l’anglais et transposer les sons en français.
La meilleure façon d’y parvenir est de lire à haute voix le nom tel qu’il est écrit en anglais, et de retranscrire chaque son avec une orthographe française. Il faut porter une attention particulière aux sons suivants :
Bien sûr, cette méthode vaut également pour les noms de personnes. Voici quelques exemples de noms géographiques ainsi que de noms de personnes translittérés en anglais, puis en français :
La translittération des noms russes est particulièrement complexe. Le tableau qui figure au paragraphe 11.2.7 Tableau de translittération des noms russes, vise à faciliter la tâche du rédacteur.
Toute langue qui ne s’écrit pas en caractères latins devrait normalement se translittérer. Il existe toutefois de nombreuses exceptions, notamment parmi les langues orientales.
Voici une liste non exhaustive des langues qui requièrent la translittération : afghan, arabe, arménien, azéri, biélorusse, géorgien, grec, hébreu, kazakh, kurde, mongol, ouzbek, russe, serbe, tadjik, turkmène, ukrainien.
RemarqueDans la pratique, les noms issus de ces langues ne sont pas toujours écrits selon une graphie impeccablement française. L’usage impose souvent une graphie s’inspirant, en tout ou en partie, de l’anglais. C’est particulièrement le cas de l’arabe et de l’hébreu. En témoignent les noms d’anciens premiers ministres israéliens :
Cette tendance à l’anglicisation n’est pas constante; on consultera chaque fois un dictionnaire récent afin de connaître l’usage.
Les langues écrites en caractères latins, par définition, ne se translittèrent pas. Ainsi les noms géographiques des langues suivantes gardent la même forme en français : albanais, allemand, anglais, croate, espagnol, hongrois, italien, roumain, slovaque, slovène, suédois, tchèque, turc, etc. Rappelons qu’en français on peut soit conserver, soit omettre les signes diacritiques de ces langues (voir 11.2.1 Orthographe). Exemple : les îles Aland ou Åland (nom suédois d’un archipel finlandais).
Les langues qui s’écrivent avec des symboles ne se translittèrent pas non plus. C’est le cas d’un bon nombre de langues orientales. En théorie, il existe pour chacune des langues orientales un système de transposition vers le français. En pratique, les noms birmans, coréens, japonais, ourdous et thaïlandais, entre autres, s’écrivent de la même manière en anglais et en français. Exemple : Tokyo ou Tokyo. Notons en passant que le vietnamien s’écrit en caractères latins et, donc, qu’il ne se translittère pas.
Le chinois est un cas particulier. Depuis le 15 juin 1979, le Secrétariat des Nations Unies emploie le système de transcription pinyin pour les noms chinois. Ces derniers sont maintenant transcrits de façon uniforme dans toutes les langues à alphabet latin. L’adoption du pinyin a occasionné une mutation importante de l’orthographe de certains noms géographiques connus :
Tout comme les noms géographiques, les noms de personnes qui s’écrivent en caractères latins ne se translittèrent pas. On écrit :
Quant au système de transcription pinyin, il s’applique bien sûr aussi aux noms de personnes :
GRAPHIE ANGLAISE |
GRAPHIE FRANÇAISE |
EXEMPLE ANGLAIS |
EXEMPLE FRANÇAIS |
---|---|---|---|
ai | aï | taiga Kolontai | taïga Kolontaï |
in (déb. mot) | in (prononcé ine) | Intourist | Intourist |
in (fin mot) | ine | Lenin | Lénine |
oy | oï/oy | Tolstoy | Tolstoï Tolstoy |
u | ou | Kursk | Koursk |
ye (déb. mot) | ié/yé | Yedov | Yédov Iédov |
y (fin mot) | i/y | Trotsky | Trotsky Trotski |
ya (déb. mot) | ia/ya | Yalta | Ialta Yalta |
ya (fin mot) | ia | Katya | Katia |
yu | iou | Ryukov | Rioukov |
ch | tch | Chernobyl | Tchernobyl |
dzh | dj | Dzhambul | Djamboul |
kh | kh | Mikhail | Mikhaïl |
sh | ch | Shostakovich | Chostakovitch |
shch | chtch | Shcharansky | Chtcharansky |
zh | j | Brezhnev Zhukov | Brejnev Joukov |
Cette liste des États souverains est celle utilisée par les traducteurs du Bureau de la traduction affectés au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous la fournissons à titre indicatif : elle est généralement conforme à celle des grands organismes internationaux, comme l’ONU.
L’ONU préconise l’emploi de l’article.
L’ONU propose la forme : l’El Salvador (et en El Salvador).
L’usage est fluctuant. Les grands organismes internationaux comme l’ONU préconisent le féminin sans article : Sri Lanka, à Sri Lanka. Au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, on privilégie de plus en plus l’article et le masculin : le Sri Lanka, au Sri Lanka.
Ce nom comporte de multiples graphies, dont Viet Nam, recommandée par l’ONU.
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