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Article paru dans Le Mot, nº 9 (mai 1983), bulletin du Centre de traduction et de terminologie juridiques de l’école de droit du Centre universitaire de Moncton. Avec la permission de M. Snow, directeur du Centre. (N.D.L.R.)
Selon Halsbury’s Laws of England1, l’expression without prejudice date de la toute fin du dix-huitième siècle. The Oxford English Dictionary2 définit ce terme de la façon suivante : … without prejudice, without detriment to any existing right or claim; esp. in Law, without damage to one’s own rights or claims. » Cette expression est également mentionnée dans la dernière édition du Black’s Law Dictionary3 et du Jowitt’s Dictionary of English Law4 avec, grosso modo, la même signification. Comme toujours avec les formules toutes faites, nous nous trouvons devant un problème de traduction. Le mot préjudice ne signifie pas la même chose en français et en anglais.
D’après Pierre Daviault5, « Ce mot [prejudice] a gardé en anglais toutes ses acceptions étymologiques. Il signifie donc préjugé (favorable ou défavorable), prévention, mais aussi dommage, tort. Le français a deux termes qui se partagent ces sens : préjudice, qui veut dire dommage, et préjugé qui désigne une opinion arrêtée sans examen. » Le Robert6 définit le mot préjudice, dans son deuxième sens, de la manière suivante : « Ce qui est nuisible pour, ce qui va contre (quelque chose)… Sans préjudice de… sans porter atteinte, sans renoncer à… sans préjudice de ses droits, de ses intérêts. » Le sens général de l’expression anglaise est très bien défini par la jurisprudence. Pour ce qui est de la traduction de ce terme, l’affaire Lanciault c. Forest, [1953] C.S. 1 (Québec) illustre très bien la concurrence existant entre divers termes en français. Dans ce jugement, trois expressions différentes ont servi à exprimer la même idée : sans préjudice des droits, sans aveu de responsabilité et sous toutes réserves. Ce manque d’uniformité existe également dans les dictionnaires juridiques et commerciaux.
Après examen des dictionnaires et de la jurisprudence, nous proposons l’utilisation de l’expression sous toutes réserves. Quoique l’expression sans préjudice décrive bien la protection que l’on recherche, nous considérons que cette traduction constitue un anglicisme à proscrire; de fait, le terme sans préjudice doit généralement s’accompagner d’un déterminant, comme par exemple dans l’expression sans préjudice des droits. En droit, cette expression exprime plutôt un préjudice au sens physique, comme dans le domaine de la responsabilité civile délictuelle. Le mot préjudice ne porte pas nécessairement à confusion, mais nous croyons que l’expression sous toutes réserves a un sens plus spécifique. Henri Capitant, dans son Vocabulaire juridique7, dit ceci à l’article intitulé « Réserves » :
I. (Dans un acte juridique). Énonciation insérée dans un acte juridique par une personne qui y participe, pour écarter les conséquences qui pourraient être déduites de sa participation pure et simple à l’acte. Ex. : faire un paiement comme y étant contraint et forcé et sous réserve de se pourvoir en justice pour obtenir l’annulation de l’acte et la restitution des fonds.
II. (Dans un traité international). Clauses restrictives apportées par un État au moment de la signature ou de la ratification d’un traité.
Sans aveu de responsabilité constitue une autre solution, qui a l’avantage de ne présenter aucune ambiguïté quant à sa signification.
Cependant, nous suggérons que la mention de caractère without prejudice soit traduite par sous toutes réserves, étant donné que cette expression semble respecter davantage l’esprit de la langue française.
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