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Executive summary

Raymond Pepermans
(L’Actualité terminologique, volume 19, numéro 5, 1986, page 7)

L’expression executive summary, devenue très courante dans le vocabulaire administratif anglo-saxon depuis un certain nombre d’années, semble poser de réels problèmes aux traducteurs chargés de la rendre en français.

Elle désigne, dans son acception la plus générale, un résumé, généralement destiné aux cadres d’une entreprise ou d’une administration publique, ayant pour objet de présenter de façon brève et concise les grandes parties constituantes d’un rapport.

Si personne ne conteste l’emploi des termes résumé ou sommaire pour traduire summary, il n’en va pas de même pour le qualificatif executive. Cette situation n’est pas surprenante dans la mesure où l’adjectif executive est polysémique et que nous ne disposons, jusqu’à preuve du contraire, d’aucune définition de l’executive summary en anglais. La porte est donc ouverte aux conjectures.

Tout traducteur expérimenté n’a habituellement aucune difficulté à rendre l’adjectif executive dans les expressions dont il fait partie; les possibilités abondent et il suffira de consulter les sources pour se faire une idée de l’extrême malléabilité de ce concept. Ce qualificatif est cependant facilement identifiable, soit par le contexte dans lequel il est inséré, soit par la définition du terme dont il forme un des éléments. Or, executive summary semble échapper aux procédés habituels de l’identification sémantique; après plusieurs années, on se demande toujours ce que, dans cette expression, executive veut dire. Situation pour le moins inhabituelle pour un terme de ce genre. Comme il est pratiquement impossible de déterminer le sens exact de cette notion, nous n’avons d’autres ressources que de soumettre à la critique les solutions déjà proposées, ce qui nous permettra, en opérant par la négative, d’exclure certaines possibilités et, d’autre part, d’étudier l’usage français en la matière. Cette méthode, qui s’apparente à la lexicographie comparée, nous aidera à établir, à défaut d’une équivalence parfaite, une correspondance notionnelle acceptable et satisfaisante en français.

Demandons-nous d’abord à quelle catégorie d’objets appartient notre executive summary et ensuite, une fois ce rattachement effectué, à quelle classe, parmi ces objets, il est susceptible d’être intégré. Cette notion renvoie à un document de la classe des documents administratifs. En français, un document est généralement caractérisé par sa forme (document imprimé, non imprimé, manuscrit), par sa destination (document d’embarquement), par son origine (document ministériel, d’archives), par son contenu (document administratif, scientifique) et non par son destinataire. Une qualification de ce genre existe bien pour d’autres écrits (livre scolaire, ouvrage de vulgarisation), mais elle n’est pas courante pour les différents genres de documents. Le destinataire peut, bien entendu, être spécifié lorsque les circonstances le requièrent, par exemple, dans la phrase suivante : « Un rapport à l’usage des cadres a été envoyé par la Direction générale. » Cependant, dans le cas présent, « rapport à l’usage des cadres » ne constitue en aucun cas une unité terminologique ou lexicale, mais un regroupement fortuit de termes dans une phrase.

Les constatations que nous venons de faire s’appliquent d’autant plus à un résumé, texte qui n’est pratiquement caractérisé que par son contenu (résumé des nouvelles, du cours).

Hélène Du Bois Des Lauriers1 dresse la liste des équivalents proposés pour le terme executive summary :

  1. résumé pour la direction ou à l’intention de la direction, termes proposés par les Services linguistiques du Canadien National. Cette proposition n’est pas acceptable parce que, comme nous venons de le voir, en caractérisant un résumé par son destinataire, elle s’inscrit en faux contre l’usage. De plus, elle traduit une forme hautement lexicalisée –executive summary –par une expression qui ne l’est pas, ce qui n’est pas recommandable du point de vue de la traduction. S’agissant du résumé, on ne spécifie jamais que le résumé d’un polycopié de cours est « à l’intention du lecteur  », pas plus qu’un escalier est fait « pour monter » ou « pour descendre » : cela va de soi.
  2. résumé ou sommaire administratif, aussi proposés par les Services linguistiques du Canadien National. À ce propos, nous sommes d’accord avec Hélène Du Bois Des Lauriers pour rejeter ce qualificatif, malgré qu’il fasse allusion au contenu ou à la provenance du texte en question. Pris littéralement, ce syntagme évoque un résumé relatif au service public ou à l’ensemble des fonctionnaires qui en sont chargés, ou bien un résumé relatif à l’action administrative. En fait, il s’agit du résumé d’un document administratif, un résumé étant toujours un abrégé de quelque chose.
  3. résumé analytique : ce terme est inacceptable en raison de la redondance qu’il exprime. Il va de soi qu’un résumé est toujours analytique.
  4. sommaire ou résumé-recommandation : cette proposition d’Hélène Du Bois Des Lauriers est intéressante parce qu’elle est plus conforme à l’usage qui tend à désigner un type de document par son contenu. Cependant, elle ne peut être retenue car ces résumés ne comportent pas toujours des recommandations. Très souvent, celles-ci sont formulées à part, dans une autre section du rapport, au début ou à la fin de ce dernier.

À la suite de cette étude, nous pouvons constater que tout se passe comme si chaque tentative de rendre l’adjectif executive était vouée à l’échec. C’est particulièrement le cas des tentatives impliquant les solutions consacrées pour ce terme : « administratif », « des cadres », etc. Plutôt que de poursuivre l’étude des équivalents possibles de notre terme, demandons-nous à présent comment cette réalité est exprimée en français dans des documents originaux portant sur le rapport administratif. Dans leur ouvrage consacré à la rédaction technique, Gérard Laganière et ses collaborateurs désignent sous le vocable de sommaire la notion qui nous concerne :

Tous les rapports ne sont pas nécessairement précédés d’un sommaire, mais il est souvent exigé par le destinataire. Le sommaire a pour objet de présenter de façon brève et concise les grandes parties constituantes du rapport et les idées principales de l’introduction, de chacun des chapitres et de la conclusion. Il doit également faire ressortir l’intérêt et, le cas échéant, la nouveauté de la recherche.

Se présentant comme un condensé du rapport, il peut servir de communiqué ou de résumé succinct permettant à un lecteur de se renseigner sur l’essentiel du contenu2.

Le Bureau international du travail, dans son guide à l’intention des conseils en management, opte pour le terme résumé :

Beaucoup de cadres très occupés liront le résumé et cela leur donnera une vue générale de la structure du rapport, même s’ils ne lisent pas tous les chapitres3.

Cette dernière solution est aussi retenue à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris où, à côté de la mention résumé, on précise le titre et le numéro du rapport. Le terme abrégé, quant à lui, est préféré par un organisme canadien comme l’Institut de recherches politiques4. On trouve aussi, dans un ouvrage bilingue publié par cet organisme, l’expression résumé de l’étude, traduction correcte dans certains contextes comme nous l’avons fait valoir ci-dessus.

En conclusion, nous croyons pouvoir affirmer que la solution à ce problème complexe s’impose d’elle-même : on traduira executive summary par résumé, sommaire ou abrégé selon les cas et, à la rigueur, par résumé de l’étude, sommaire du rapportetc., lorsque le terme apparaît dans le corps du texte. Par conséquent, il faut admettre que dans cette expression, le qualificatif executive ne se traduit pas. Ce n’est d’ailleurs pas un cas unique dans les annales de la traduction. Nous ne pouvons nous empêcher, pour étayer notre argumentation, de signaler qu’en anglais, on trouve aussi la forme écourtée summary pour exprimer cette notion :

Summary. The next part of the business report is the summary. The summary is a brief presentation of the findings, and is placed early in the report so that a busy executive will not need to read the entire report in order to get the gist of it. The summary may be only a paragraph in length or it may be several pages, depending upon the amount of material that has been gathered5.

Bibliographie

  • Retour à la note1 Du Bois Des Lauriers, Hélène, Le problème que pose la traduction d’executive summary, in : C’est-À-Dire, vol. XV,  1, 1984, p. 5.
  • Retour à la note2 Cajolet-Laganière, Hélène, Collinge, Pierre, Laganière, Gérard, Rédaction technique, Sherbrooke, Québec, Éd. Laganière, 1981, p. 66.
  • Retour à la note3 Kubr, Milan (dir.), Le Conseil en management; guide pour la profession, Genève, Bureau international du Travail, 1981, p. 374.
  • Retour à la note4 Smart, C.F., Stanbury, W.T. (Eds.), Studies on Crisis Management, Toronto, Institute for Research on Public Policy/Institut de Recherches Politiques, Butterworth and Co., 1978, p. v et 19.
  • Retour à la note5 Reed, Jeanne, Business Writing, NY, Gregg Division Mc Graw-Hill Book Company, p. 172 (Gregg Adult Education Series).