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Q. Selon vous, pourquoi ne peut-on pas employer relié dans une tournure comme : frais reliés au transport?
R. Il faut dire en effet frais liés au transport ou, pour régler vite la chose, comme me l’a suggéré une collègue : frais de transport. Mais puisque relié est très souvent employé de cette façon, rappelons la différence de sens entre les deux mots.
Selon le Petit Robert, lier consiste à « unir par un rapport logique, fonctionnel, structural », tandis que relier, c’est simplement « mettre en rapport ». Le vieux Bénac1 soulignait que si lier « dit moins qu’unir, mais plus que joindre », relier ne consiste qu’à « joindre ». L’exemple classique donné par beaucoup d’ouvrages pour relier est la voie de communication – par exemple le pont ou l’autoroute qui relie deux villes.
C’est un exemple trompeur, parce qu’il suggère que relier ne se dit que de choses concrètes. Or, si des questions sont liées entre elles parce qu’on y voit un lien de dépendance logique et nécessaire plus profond qu’un simple rapport, rien n’empêche de relier aussi des idées. Proust écrit dans Du côté de chez Swann : « … comme si Combray n’avait consisté qu’en deux étages reliés par un mince escalier », et plus loin : « il ne vit pas de raisons pour relier cette infamie plutôt à la nature de l’un que de l’autre2 ».
Il y a d’ailleurs bien des cas où les deux mots sont interchangeables : on peut lier ou relier deux phrases avec « et », sans différence de sens. Mais, en général, ce qui est relié n’est pas uni de façon aussi forte ou aussi immédiate que ce qui est lié. Proust écrit encore : « Son sort était lié à l’avenir3 », phrase où relié aurait été impossible. Bénac ajoute que relier « marque la communication la plus lointaine … entre choses qui demeurent séparées4 ». Le sens de relier est donc trop faible pour l’appliquer à des frais directement entraînés par une activité quelconque.
Il est bien possible que les traducteurs et rédacteurs qui emploient relié à quand il faut lié à ne fassent que calquer l’anglais related to, que les dictionnaires bilingues ne rendent pourtant jamais par relié.
Mais peut-être la confusion vient-elle simplement de la mauvaise habitude de préfixer re- à des verbes à tout propos.
Le français au bureau5 rappelle cette manie répandue chez nous de dire, par exemple, rentrer au lieu d’entrer (Ne rentre pas trop tard est correct, mais pas rentrer une aiguille dans la peau), retrouver au lieu de trouver, se réchauffer (et faire des exercices de réchauffement) au lieu de s’échauffer (et faire des exercices d’échauffement), – sans parler des choses qui rempirent (barbarisme? régionalisme? archaïsme?) au lieu d’empirer, ce qui est pourtant déjà assez fâcheux.
Guy Bertrand signalait dans Le français au micro de Radio-Canada (dans la semaine du 6 au 12 juin 2011) qu’on ne devrait pas dire : Il a pris un café noir auquel il a rajouté un peu de crème, mais bien : auquel il a ajouté un peu de crème. Parce que s’il n’y avait pas déjà de crème dans le café, on ne peut en rajouter6.
Lionel Meney a résumé la situation en un mot : le préfixe re- « est "très productif" en québécois », dit-il ironiquement dans son Dictionnaire québécois-français7. Remarquons que le problème existe aussi, bien qu’à une moindre échelle, en français européen, puisque le Bon usage prend la peine de rappeler que le « langage soigné » devrait éviter de substituer rentrer dans à entrer dans quand le sens est simplement « pénétrer dans8 ».
Comme ici nous soudons le préfixe à beaucoup de mots, il s’ensuit un lot d’impropriétés. Par exemple, on n’est pas censé rejoindre quelqu’un au téléphone, parce que rejoindre veut dire « aller retrouver » et non « entrer en communication », qui se dit par joindre.
Mais bien souvent ces re-, qui semblent donner plus de force expressive au mot et peuvent même avoir une valeur euphonique, sont tout à fait inoffensifs, comme toutes les fois où l’on va reconduire une personne quelque part plutôt que d’aller la conduire. Mais dans un cas comme relier, le sens ne suit pas.
Q. J’aimerais avoir votre avis sur l’emploi de l’infinitif dans l’énumération suivante :
Si vous souhaitez faire bénéficier le journal d’un don, voici la marche à suivre :
R. Comme l’énumération est introduite par voici la marche à suivre, je crois qu’il est tout à fait normal de se servir de l’infinitif. Il n’est certainement pas obligatoire : on aurait pu employer l’impératif; mais l’infinitif me semble approprié et plus élégant. On aime bien mieux lire : remplir le coupon, l’envoyer, etc., que remplissez le coupon, envoyez-le, etc.
Dans un récent article consacré à la traduction de should, j’ai parlé de l’infinitif injonctif servant à formuler une consigne (prendre un comprimé deux fois par jour9). Le dernier Grevisse décrit ainsi cet emploi général (§ 901, d) :
Il s’agit ordinairement d’un ordre général et impersonnel, notamment dans les proverbes, les avis adressés au public, les recettes, les notices.
L’infinitif se prête en fait à tout mode d’emploi et à diverses formes d’indications, comme les itinéraires, et on ne voit pas pourquoi cet usage ne pourrait s’étendre à des conseils et autres marches à suivre.
L’important est d’être cohérent : soit l’infinitif partout, soit l’impératif partout, ou des phrases déclaratives partout. Dans l’énumération que vous citez, le manque d’uniformité est criant : non seulement le dernier élément (votre reçu fiscal…) jure avec le reste, mais il ne fait même pas partie de la marche à suivre; il aurait dû en être séparé.
Une autre chose cloche. De manière générale dans les listes à puces, autant les éléments doivent être parallèles et avoir la même structure, comme le rappelait Frances Peck dans sa chronique du précédent numéro10, autant chaque élément doit lui-même être cohérent. En écrivant libeller votre versement, l’auteur de l’énumération a mêlé les deux modes à l’intérieur de la même phrase : libeller le (ou son) versement et libellez votre versement. Avec l’infinitif, pronoms et possessifs ne peuvent être à la deuxième personne.
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