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L’auteur nous présente une recension du livre de François de Closets, Zéro faute – L’orthographe, une passion française, paru en 2009 aux Éditions Mille et une nuits.
On ne compte plus les livres sur l’orthographe ou sa réforme. Écrivains et grammairiens se sont succédé, qui pour célébrer, qui pour condamner cette orthographe considérée comme la plus difficile à apprendre. Aussi sommes-nous un peu méfiants de voir un journaliste scientifique n’appartenant pas au sérail naturel des « brillants causeurs » venir nous donner son opinion sur la question. D’entrée de jeu, François de Closets nous avoue que l’orthographe a toujours été sa bête noire. Force est de constater qu’après plus de vingt livres à son actif, les choses semblent s’être tassées. Du même souffle, il nous prévient qu’il préconise une réforme générale de l’orthographe et nous convie ni plus ni moins à la tumultueuse mais néanmoins passionnante histoire de l’orthographe française pour prouver son point de vue.
Et de fait, appliquant un raisonnement cartésien implacable qui n’est pas étranger à sa fonction de journaliste scientifique, Closets nous présente les aberrations de notre orthographe dans une démarche historique fort instructive, stimulée par un style des plus alerte. S’il flirte dangereusement avec la notion de « logique » appliquée à la langue, ses démonstrations sont malgré tout fort convaincantes, surtout lorsqu’une bizarrerie lexicale demeure sans justification. La réforme cherche à mettre fin aux aberrations de l’orthographe pour en faciliter l’apprentissage.
Certaines réformes ne semblent pas poser problème. Par exemple, en français, la règle prescrit qu’une voyelle surmontée d’un tréma se prononce séparément plutôt que de changer de son en se combinant à une autre voyelle, ce qu’on peut vérifier dans la paire de mots froide/humanoïde. Cependant, dans le féminin des adjectifs terminés par -gu, le tréma surmonte le -e marquant le féminin, mais c’est la voyelle précédente qui se prononce (aiguë, contiguë, exiguë, ambiguë). Une réforme de l’orthographe ramenant le tréma sur la voyelle réellement prononcée ne cassera pas trois pattes à un canard. Mais notre érudit journaliste ne s’en tient pas là : sans prôner ouvertement la phonétisation de l’écriture, il préconise, entre autres, la disparition des vestiges étymologiques des mots (par exemple ph et th venant du grec), sous prétexte que les consonnes qui ne se prononcent pas devraient être éliminées. Il part du principe que si cette déformation de l’orthographe n’oblitère pas le sens, elle n’aura aucun effet sur l’usage. Pourtant, il peut arriver qu’on puisse comprendre le sens d’un mot aperçu pour la première fois si, le cas échéant, il est possible de remonter à ses racines grecques ou latines. Réformer cette particularité pourrait en amener plus d’un à déchirer sa chemise en public.
Qu’on soit pour ou contre une réforme généralisée de l’orthographe, les arguments de Closets sont sérieux et difficilement contestables d’un point de vue purement « logique ». Ne serait-ce que le mot même d’« orthographe », qui devrait s’écrire « orthographie », sur le modèle de géographie, photographie ou calligraphie. Est-ce que vous « orthographez » ou orthographiez? Incontestable, vous dis-je.
Mais voilà! L’orthographe est une passion française qui a été sacralisée par une élite pour être transmise selon les canons de la rectitude langagière. Pourtant, après l’ordonnance (Closets parle de l’édit…) de Villers-Cotterêts, en 1539, qui établit le français comme langue officielle en France, une effervescence de réformes de l’orthographe se succèdent entre 1650 et 1835 selon les humeurs de l’usage. Ce n’est que vers le milieu du XIXe siècle que s’est figée l’orthographe telle qu’on la connaît aujourd’hui. Les écrivains tiennent le haut du pavé, et l’on s’en remet à leur jugement « éclairé » sur la question. Closets de constater : « Ce n’est pas le savoir, mais la notoriété qui confirme l’autorité. » La dictée devient la voie royale de l’apprentissage de l’orthographe. On excuse quelqu’un de ne pas avoir la « bosse des maths », mais on couvre d’opprobre celui qui ne parvient pas à maîtriser l’orthographe. La honte le guette, si ce n’est la culpabilité caractéristique de la morale judéo-chrétienne. D’ailleurs, ne commet-on pas une « faute » d’orthographe plutôt qu’une erreur?
L’orthographe française est une des plus difficiles à maîtriser tant les exceptions (pas toujours justifiées…) sont nombreuses. Il y a d’un côté ceux qui ne veulent absolument pas que l’orthographe subisse l’outrage de quelque réforme que ce soit, de l’autre, ceux qui veulent phonétiser au point d’aligner l’orthographe française sur l’espagnole. Au milieu se trouvent ceux qui proposent une réforme raisonnable et limitée des aberrations les plus criantes. Parmi eux, les linguistes, dont on n’avait jamais sollicité l’avis jusqu’à présent, les écrivains occupant tout le terrain. Par ailleurs, si Maurice Druon vouait aux gémonies toute réforme de l’orthographe, le général de Gaulle, une lame plus que fine dans la maîtrise de la langue française, favorisait discrètement une « rectification ».
La dernière réforme de l’orthographe a été publiée au Journal officiel de la République française en 1990. Elle touche plus de 2000 mots et se présente sous la forme de recommandations non obligatoires. À ce jour, plus de 60 % d’entre elles sont passées dans l’usage.
François de Closets aborde aussi la « menace » que représenteraient les SMS, ces minimessages d’écrans d’appareils mobiles (téléphones cellulaires, par exemple), pour la dégradation de l’orthographe. Selon lui, il n’y a pas péril en la demeure, car ces minimessages servent à transmettre une parole à la volée et non un texte à proprement parler, des contraintes d’espace et de tarif expliquant cette façon d’écrire. D’ailleurs, les auteurs de ces messages reprennent une orthographe plus conforme aux règles lorsqu’ils rédigent normalement un texte.
Au vu des nombreuses références et des personnages historiques et politiques cités, un index aurait été très utile. Closets nous présente de façon captivante les péripéties de l’orthographe française tout en prêchant pour sa paroisse. Mais il reconnaît, comme François Mitterrand, qu’il faut « donner du temps au temps ». Enfin, l’auteur conclut en nous invitant à « aimer notre langue comme il convient : avec passion pour le français, avec raison pour l’orthographe ».
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