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(Cet article est le dernier d’une série de quatre sur la nouvelle grammaire.)
Pourquoi, dans la nouvelle grammaire, a-t-on modifié les méthodes d’analyse traditionnellement enseignées? Pour donner à l’élève le plus d’outils possible pour l’aider à comprendre le fonctionnement de la langue. Il est essentiel de bien en saisir les rouages pour savoir ensuite l’utiliser dans différents contextes et la comprendre dans les cas complexes. Regardons d’abord un échantillon des anciens outils d’analyse, puis ceux que les élèves utilisent en nouvelle grammaire.
On constate plusieurs différences entre la méthode d’analyse de la grammaire traditionnelle et les méthodes de la nouvelle grammaire. Pour déterminer la classe des mots et analyser les phrases, on n’a plus recours aux questions, mais plutôt aux manipulations syntaxiques. Le principe consiste à utiliser différents procédés pour tirer une conclusion plus sûre, comme le font d’ailleurs scientifiques et chercheurs. Étant donné toutes les particularités de la langue, souvent bien difficiles à étiqueter, le recours à une seule méthode laisse beaucoup de place aux erreurs.
Examinons cette phrase :
Supposons que, dans un examen, un élève doive trouver le sujet de cette phrase en utilisant la méthode traditionnelle du questionnement (rappelons que la méthode consiste à formuler la question qui est-ce qui/qu’est-ce qui, suivi du verbe conjugué de la phrase dont on cherche le sujet). Dans l’exemple, la question posée serait donc qu’est-ce qui a tordu? Du point de vue de l’élève, la réponse risque d’être le métal. Ne disposant pas d’autres moyens concrets de trouver le sujet, il perdra des points même s’il a utilisé correctement le procédé qu’on lui a enseigné. De quoi démotiver même un bon élève… alors imaginez celui qui éprouve des difficultés!
Autre point souvent soulevé par les enseignants à propos de la méthode traditionnelle : la syntaxe parfois douteuse de ces questions. Quand le sujet est au singulier, le problème ne se pose pas, comme nous l’avons vu dans l’exemple précédent qu’est-ce qui a tordu? Mais prenons la phrase suivante :
Si on demande à un élève de trouver le sujet, sa question devrait être : Qui est-ce qui organisons? Cette phrase n’est évidemment pas correcte puisque le sujet est à la première personne du pluriel. Pourtant, voilà bel et bien ce qu’on enseignait à l’élève de faire en grammaire traditionnelle. N’est-il pas contradictoire d’encourager ce genre de construction alors qu’on essaie d’inculquer les fondements de la syntaxe?
Une autre différence majeure entre la grammaire traditionnelle et la nouvelle grammaire est la méthode d’analyse. Exercice incontournable pour bien cerner le fonctionnement de la langue, l’analyse est forcément différente puisqu’il faut d’abord comprendre les groupes de la phrase. Pour ce faire, on soumet des segments de phrase à cinq manipulations pour en déterminer les caractéristiques, comprendre la construction de la phrase et corriger les erreurs de syntaxe et de ponctuation.
Ce procédé consiste à effacer un mot ou un groupe de mots dans la phrase. On l’utilise pour déterminer quels sont les éléments obligatoires et facultatifs de la phrase.
Claudine et moi organisons une fête à l’école.
= Claudine et moi organisons une fête à l’école.
On ne pourrait effacer, par exemple, un attribut.
Adèle est somnambule.
≠ Adèle est somnambule.
Les jumeaux de Rosalie mangent de la purée.
≠ Les jumeaux de Rosalie mangent de la purée.
= Les jumeaux de Rosalie mangent de la purée.
Le déplacement d’un mot ou d’un groupe de mots aide à l’isoler et à en déterminer la fonction. Quand un déplacement permet de former une phrase syntaxiquement correcte, le groupe déplacé devrait être accompagné de virgules.
Mon cousin fait l’élevage de lévriers depuis douze ans.
= Mon cousin, depuis douze ans, fait l’élevage de lévriers.
= Depuis douze ans, mon cousin fait l’élevage de lévriers.
≠ De lévriers depuis douze ans, mon cousin fait l’élevage.
Vous entendez le serin de ma tante.
= Entendez-vous le serin de ma tante?
L’encadrement sert à identifier un groupe dans une phrase en plaçant des éléments prédéterminés de part et d’autre du groupe en question.
Le raton laveur a mangé tous les raisins dans la vigne.
= C’est le raton laveur qui a mangé tous les raisins dans la vigne.
Au loin, des mouettes s’envolent en criant.
= Au loin, ce sont des mouettes qui s’envolent en criant.
Ce film changera tes habitudes de consommation.
= Ce film ne changera pas tes habitudes de consommation.
Le chercheur aborde la question de la cyberdépendance.
= Le chercheur n’aborde pas la question de la cyberdépendance.
Le remplacement consiste à remplacer un mot ou un groupe de mots dans la phrase par un autre mot. Cette manipulation est utilisée depuis longtemps pour différencier les homophones.
Ces ananas sont mûrs.
= Quelques ananas sont mûrs.
Les discussions d’hier étaient passionnantes.
= Elles étaient passionnantes.
Chaque minute d’attente semble interminable.
= Chaque minute d’attente est interminable.
Thalie et Uranie sont des muses de la mythologie grecque. Thalie et Uranie sont les filles de Zeus.
= Thalie et Uranie sont des muses de la mythologie grecque. Elles sont les filles de Zeus.
On utilise l’ajout pour former une nouvelle phrase ou ajouter de l’information.
Tu renégocies ton salaire à la fin de l’année.
= Est-ce que tu renégocies ton salaire à la fin de l’année?
Le coucher de soleil est magnifique.
= Que le coucher de soleil est magnifique!
Ma mère écoute les disques de Barbra Streisand.
= Ma mère écoute souvent les disques de Barbra Streisand.
= Ma mère écoute trop souvent les disques de Barbra Streisand.
N’oublie pas de mettre des chaussettes.
= N’oublie pas de mettre des chaussettes noires.
Demande un pain à la boulangère.
= Demande poliment un pain blanc tranché à la boulangère.
On peut effectuer plusieurs manipulations dans une même phrase afin de confirmer l’analyse. Par exemple, l’élève pourra faire les manipulations suivantes pour accorder le verbe avec son sujet :
Les frères de Julie (courir) dans la rue.
Effacement
≠ Les frères de Julie court dans la rue.
= Les frères de Julie courent dans la rue.
Encadrement
≠ Les frères de c’est Julie qui court dans la rue.
= Ce sont les frères de Julie qui courent dans la rue.
La phrase se fonde sur une structure hiérarchisée, donc non linéaire, et compte différents niveaux d’organisation (mots < groupes de mots < phrase). La représentation en arbre permet de voir comment les mots et les groupes de mots s’articulent entre eux. Il existe plusieurs façons de dessiner la phrase. La première que je présente (graphiques 1 à 3) permet de mettre les mots à différents niveaux selon leur importance dans la phrase.
Pour faciliter les choses, on dessine l’arbre du plus grand élément au plus petit. Commençons avec un groupe nominal (GN) : les biscuits de Mamie. Les abréviations utilisées dans les arbres sont définies dans l’encadré en fin d’article.
Graphique 1
Graphique qui illustre la méthode d’analyse avec un groupe nominal.
En plaçant ainsi les éléments de ce groupe, on voit clairement que le complément vient appuyer le noyau (biscuits) et non l’inverse. Les éléments de la phrase et les marques d’analyse correspondent respectivement aux rectangles et aux cercles. Ainsi, on les différencie même s’ils sont côte à côte. Prenons la phrase suivante : Les biscuits de Mamie plaisent aux enfants gourmands.
Graphique 2
Graphique qui illustre la méthode d’analyse avec le groupe du sujet et le groupe groupe verbal placés au même niveau.
Dans toutes les phrases, les deux groupes principaux sont le GS et le GV; on les place donc au même niveau dans l’arbre.
Si la phrase contient un complément de phrase (graphique 3), on le place au même niveau que le GS et le GV, car il complète l’ensemble de la phrase et non un seul segment. Par contre, le complément de phrase est lié au sommet de l’arbre par une ligne pointillée puisqu’il est facultatif.
Graphique 3
Graphique qui illustre la méthode d’analyse contenant un complément de phrase.
Une autre façon de dessiner l’arbre de la phrase consiste à écrire la phrase sur une même ligne puis à placer les marques d’analyse au-dessus de la phrase aux niveaux appropriés.
Graphique 4
Graphique qui illustre la méthode d’analyse d’une phrase.
La phrase conserve ainsi son apparence habituelle, à l’exception des cadres qui entourent les groupes. Dans le cas d’une phrase complexe, par exemple comportant une subordonnée, on peut aussi mettre la case du GS en couleur pour l’accentuer. Dans ce type d’arbre, on n’encercle pas les marques d’analyse puisqu’elles ne côtoient pas les mots de la phrase.
Les méthodes d’analyse que nous venons d’aborder vous rappelleront peut-être des souvenirs. En effet, des enseignants utilisaient déjà la représentation en arbre dans les années 1980 pour apprendre aux élèves la grammaire traditionnelle, mais elle n’était pas très répandue. Quant aux manipulations syntaxiques, vous les avez peut-être effleurées, par exemple pour apprendre à formuler les questions. Certains professeurs de langue étrangère y ont également recours surtout quand les structures de phrases diffèrent de celles que nous connaissons en français.
Voilà qui conclut un survol de ce nouveau courant qu’est la nouvelle grammaire. Les plus curieux voudront peut-être approfondir le sujet. Plusieurs sources gratuites existent en ligne. Je vous en donne quelques-unes ci-après. De nombreux sites intéressants proposent des textes par thème et des exercices. Les ouvrages imprimés ne manquent pas non plus; je mentionne les trois que j’ai trouvés les plus utiles.
Centre collégial de développement de matériel didactique (pour la simplicité des explications et la grande quantité d’informations)
Érudit (consortium interuniversitaire – Université de Montréal, Université Laval et Université du Québec à Montréal – articles sur la théorie)
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