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Les locutions prépositives à compter de et à partir de appartiennent à la langue usuelle, mais elles sont d’un usage si fréquent et à ce point important dans la rédaction juridique que le traitement des questions qu’elles soulèvent s’impose à juste titre.
Elles sont toutes deux d’un intérêt particulier pour tout ce qui porte sur la notion du temps en droit, notamment les questions du régime d’application et d’exécution des dispositions législatives, de la prescription des actions publiques, des peines, des délais dans l’exercice des voies de recours, et ainsi de suite.
En contexte, elles imitent le sens de la locution à dater de, de la locution adverbiale dès lors et de la locution conjonctive dès lors que au sens de dès l’instant où. Elles sont suivies dans la cooccurrence la plus fréquente des substantifs moment et instant.
Aussi leur emploi est-il généralement interchangeable et dit-on que ce sont de parfaits synonymes. S’il s’agit de considérer un moment, une heure, un jour, une date, un événement, une éventualité pour point de départ et de procéder à un compte dès l’instant de leur survenance, les deux locutions paraissent s’équivaloir parfaitement. « Les peines prononcées pour un crime se prescrivent par vingt années à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive. » « Les délais de réhabilitation courent, pour chacune de ces condamnations et y compris en cas de condamnations multiples, à compter de la date à laquelle la condamnation est non avenue. » « Le découvreur ne devient inventeur aux yeux de la loi qu’à partir du moment où il prend possession de la chose. » (= qu’à compter du moment où).
Ainsi, s’agissant d’une analyse concernant la computation des délais, les juristes considèrent, à l’instar du législateur, que les délais indicatifs seront appliqués moins rigoureusement que les délais impératifs ou que les délais de rigueur ou délais obligatoires, ce qui, on le voit, rend plus flou le moment à partir duquel (et non [à compter duquel]) il pourra y avoir retard dans l’exécution de l’obligation ou même de l’inexécution de l’obligation.
Autre exemple. En droit bancaire, l’établissement financier considère la date de valeur comme constituant la date de référence à partir de laquelle il met en mouvement le calcul des intérêts débiteurs sur un prêt qu’il a consenti ou des intérêts créditeurs sur un dépôt qu’il a reçu. La notion de point de départ de son calcul est en ce cas statique et c’est bien à partir de qu’il convient d’employer, et non [à compter de]. « Les dates de valeur correspondent aux dates à partir desquelles les opérations effectuées sur un compte bancaire sont prises en compte, que ce soit au débit ou au crédit d’un compte. »
Illustration complémentaire. « En cas d’échec des négociations, l’obligation de confidentialité survivra à la charge des parties pendant une durée de trois ans à partir de la constatation de l’échec. » (et non [à compter de]).
Dans la procédure française de divorce, à compter de leur première audition, les époux doivent attendre trois mois, comme délai de réflexion, avant de réitérer leur requête, leur consentement mutuel au divorce étant exprimé par écrit une deuxième fois. L’emploi de la locution à partir de dans cet exemple eût été une incorrection de sens.
De même : « Le liquidateur exerce, à compter de l’ouverture de la succession et pendant le temps nécessaire à la liquidation, la saisine des héritiers et des légataires particuliers. » L’emploi du verbe exercer ici, qui connote l’idée du début d’une durée d’exercice, commande celui de la locution à compter de pour marquer expressément l’acte progressif que représente la saisine des bénéficiaires du legs.
Enfin, un texte entre en vigueur, il prend effet, il est mis à exécution et devient exécutoire à compter d’une date fixée par proclamation ou par la réglementation; écrire à partir de dans cet exemple n’aurait pas été une incorrection, même s’il faut admettre que la connotation eût été différente.
À partir de a un sens figuré dont à compter de est entièrement dépourvu lorsqu’il signifie, entre autres, au regard de, selon, dans la perspective de, par rapport à, en tenant compte de, et ainsi de suite.
Dans tout ce rameau sémantique, on ne peut dire qu’à partir de et écarter [à compter de]. « Constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre de membres de ce groupe, l’un des actes suivants :() ». À partir d’une problématique, d’une situation, d’un énoncé.
à partir de remplace avantageusement la locution sur la base de « On entend par position commune l’accord dégagé par le Conseil à partir de la proposition initiale de la Commission. » ou au moyen de : « Les distinctions s’établissent à partir des adjectifs qui qualifient le mot droit. » « Le mot droit se conçoit généralement à partir d’une vue dualiste de la réalité du droit, dans des perspectives doubles. »
Un mot est formé, il se construit à partir d’un adjectif, d’un verbe ou d’un préfixe, d’un suffixe ou encore d’un mot racine, d’un mot base.
Au sens concret de provenance ou de moyen, [à compter de] ne permet guère de concurrencer à partir de, qui occupe tout ce territoire sémantique. « Dans la ligne collatérale, on compte autant de degrés que de générations, à partir d’un des parents intéressés, en remontant à l’auteur commun et en redescendant à l’autre intéressé. », et non [à compter de]. « À partir de la mise en délibéré, seules peuvent être remises au tribunal les notes en délibéré. » et non [à compter de]. Les mesures de soutien aux banques seront financées pour moitié par l’Irlande à partir de sa réserve de liquidités. » (= payer, prélever sur, à partir de). Métaux obtenus à partir de minerais, hydrogène comme source d’énergie produite à partir de gaz naturel.
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton