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Juridictionnaire

caractère

  1. Le langage du droit use surtout de ce mot au sens d’élément particulier permettant de distinguer une chose. « Une mesure administrative revêt un caractère définitif dès qu’elle est entérinée par le ministre responsable. » « Le caractère défectueux d’un raisonnement apparaît mieux au stade de la rédaction qu’à celui de la conception abstraite. »
  2. Suivi d’un adjectif, le mot caractère forme un syntagme utile pour désigner l’état ou la qualité d’une chose abstraite. Il peut alors être remplacé par le mot nature : Octroi de pouvoirs à caractère attentatoire; entreprise à caractère lucratif ou de nature lucrative; ordonnance à caractère provisoire ou de nature provisoire. Caractère raisonnable, abusif d’une décision, d’une mesure. Caractère public d’un régime de retraite.

    Parfois, le syntagme ainsi formé remplace le substantif auquel il correspond : universalité = caractère universel (d’un régime, d’une mesure); généralité = caractère général (d’une disposition, d’un énoncé); illécéité = caractère illicite (d’un acte); difficulté = caractère difficile (d’une entreprise, d’une mission); confidentialité = caractère confidentiel (d’un document).

    Mais il arrive fréquemment que le syntagme formé ne puisse être remplacé par un substantif : caractère raisonnable d’une décision, d’une mesure; caractère secret d’un document, d’un dossier.

    Dans le contexte de la stylistique comparée de l’anglais et du français, il est intéressant de constater que ces syntagmes correspondent le plus souvent à des substantifs anglais formés sur les suffixes -ty, -lity ou -ness, sauf les cas des néologismes récents : arbitrabilité, immédiateté et raisonnabilité.

    caractère exécutoire (d’une décision) "enforceability"
    caractère exceptionnel (d’une mesure) "exceptionality"
    caractère involontaire (d’un acte) "involuntariness"
    caractère essentiel (d’une mesure) "essentiality"
    caractère arbitrable (d’un grief) "adjudicability"
    caractère sacré (de la vie) "sanctity"
    caractère éloigné (du dommage) "remoteness"
    caractère immédiat (du dommage) "proximity"
    caractère abusif (d’une fouille) "abusiveness"
    caractère définitif (d’un jugement) "finality"

    La liste de termes dans lesquels le caractère d’une chose est indiqué en français par le suffixe -ité est beaucoup moins longue. En voici quelques-uns :

    • aliénabilité : caractère de ce qui est aliénable.
    • annulabilité : caractère de ce qui est annulable.
    • antériorité : caractère de ce qui est antérieur.
    • applicabilité : caractère de ce qui est applicable.
  3. Sur le plan stylistique, l’emploi du mot caractère permet d’alléger la phrase en remplaçant l’adverbe en ment par un adjectif. Assurer le caractère progressif de l’élimination de cette mesure (au lieu de éliminer progressivement cette mesure).
  4. Doit-on faire précéder le mot caractère de la préposition à ou de la préposition de : établissement à caractère public ou établissement de caractère public?

    Il existe deux cas d’emploi : a) À et de sont interchangeables lorsque la détermination exprimée par l’épithète qui suit le substantif caractère est considérée comme absolue, c’est-à-dire lorsque la détermination est telle qu’on pourrait supprimer la locution de caractère ou à caractère : « La loi précitée prévoit la constitution d’un organisme (de caractère/à caractère) consultatif. » « Le gouvernement a annoncé que les régions désignées recevraient cette année un nouveau service (de caractère/à caractère) public. » b) L’épithète vient surqualifier le substantif caractère; on emploie alors la préposition à : « Tous les documents écrits à caractère officiel doivent être établis dans les deux langues officielles. » « Les populations autochtones bénéficient désormais de services publics à caractère scientifique. ». Dans ce dernier exemple, l’épithète scientifique forme avec caractère un syntagme qui s’ajoute à l’épithète public déterminant déjà le substantif services.

  5. Suivi d’un substantif, le mot caractère sert de base à un syntagme dont le deuxième élément est un complément déterminatif introduit par la préposition de; il s’emploie alors au sens de trait distinctif. Décision ayant un caractère de sanction. Revêtir un caractère d’urgence. Perdre son caractère d’acte juridique. « Le caractère d’acte administratif a été reconnu aux décisions des ordres professionnels. » « Leur illégalité a revêtu le caractère d’une faute de service. » « Les redevances d’abattage ont le caractère de redevances pour services rendus. »
  6. Dans le domaine de la preuve, il faut éviter d’employer le mot caractère au sens de moralité. C’est certainement par influence de l’anglais "character" que certains emploient à tort le terme témoin de [caractère] au lieu de témoin de moralité ("character witness"). « Cette personne rend un témoignage de moralité. »