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La distinction orthographique de ces deux homophones est la même pour un grand nombre de mots d’emploi fréquent dans les textes juridiques : adhérant/adhérent; coïncidant/coïncident; compétant/compétent; déférant/déférent; différant/différent; expédiant/expédient; négligeant/négligent; précédant/précédent.
Par exemple, dans la phrase « En établissant cette règle, le droit anglais est arrivé à un résultat équivalent », on peut dire aussi « (…) le droit anglais est arrivé à une solution équivalente », le mot est donc adjectif et s’écrit -ent. Dans la phrase « En établissant cette règle, le droit anglais est arrivé à un résultat équivalant à celui du droit français », la situation se complique puisqu’on peut dire « (…) est arrivé à une solution équivalente à celle du droit français », et le mot s’écrit alors -ent. Si on veut dire « est arrivé à un résultat qui équivaut à celui auquel est parvenu le droit français », on est justifié d’écrire -ant puisqu’on a affaire à un participe présent « Peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution. »
Le cas du mot équivalent suivi d’un adverbe est plus simple, puisqu’il s’agit nécessairement d’un participe présent : procédé équivalant parfaitement à ce qui est prévu; solution jurisprudentielle équivalant nécessairement au principe énoncé.
On le voit, la difficulté surgit lorsque le mot a un complément. Car, seul, c’est un adjectif; son rôle grammatical est de qualifier le substantif : « En matière de fiducie, c’est l’obligation fiduciaire qui établit le lien nécessaire. En matière délictuelle, le concept équivalent est le lien étroit » (on peut remplacer concept équivalent par notion équivalente; de plus, le mot équivalent qualifie le mot concept).
Dans le cas où le mot a un complément, étant accompagné de la préposition à, il s’écrit -ant, si on peut remplacer le mot par « qui équivaut » et s’il ne qualifie pas le substantif qui précède : absence d’instructions équivalant à des directives erronées dans l’exposé au jury; obstruction équivalant à des voies de fait; croyance sincère équivalant à l’absence de mens rea. Mais, on écrit -ent, si on peut remplacer le mot par « qui est l’équivalent de » et s’il qualifie le substantif qui le précède. « La Cour suprême des États-Unis devait trancher le litige en vertu du Sixième Amendement, qui ne comporte pas d’article équivalent (= de disposition équivalente) à notre article un de la Charte. »
La lecture de la jurisprudence et de la doctrine fournit une riche moisson de formules hésitantes. Les arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes et les traités, en particulier, parlent, par exemple, d’un droit imposé frappant spécifiquement un produit importé d’un pays membre, à l’exclusion du produit national similaire et ayant pour résultat, en altérant son produit, d’avoir ainsi sur la libre circulation des produits la même incidence (la notion d’équivalence ici) qu’un droit de douane; on qualifie ce droit indifféremment de taxe d’effet équivalant à celui d’un droit de douane et de taxe d’effet équivalent à un droit de douane. Autre problème parallèle : celui que soulève l’expression mesure d’effet équivalent à celui d’une restriction.
Puisque taxe d’effet équivalent signifie taxe ayant un effet qui est l’équivalent de l’effet d’un droit de douane, il faut considérer que le mot est ici un adjectif et qu’il s’écrit -ent et non [-ant], l’effet de la taxe en question n’équivalant pas à un droit de douane, mais à l’effet d’un droit de douane. Dans l’autre cas, l’expression mesure équivalant à des restrictions quantitatives résoud tout le problème.
C’est donc la fonction grammaticale du mot, déduite du sens à donner à celui-ci, qui permet de trouver la solution du casse-tête.
Si équivalent est introduit par de, il est adjectif : « En matière de divorce, la cruelty des droits de common law est tenue pour équivalente des sévices et injures graves du Code civil. »
Le mot équivalent signifie aussi tout ce qui a même valeur ou fonction qu’une autre chose et peut être remplacé par les adjectifs comparable, identique, similaire, synonyme. « Ces faits allégués dans les deux mémoires sont équivalents. » « Cette expression est équivalente à une autre. »
L’équivalent peut être un objet, par exemple un document identique ou comparable ayant le même effet juridique (« Quel est l’équivalent canadien de la disposition américaine sur l’application régulière de la loi? ») ou un substitut, par exemple dans le droit des biens, l’équivalent légal des emblavures (« En common law, tout preneur pour un certain nombre d’années dont le domaine prenait fin à la suite d’un événement incertain et indépendant de sa volonté pouvait revendiquer les récoltes sur pied, ou leur équivalent légal, aux mêmes conditions que pouvait le faire en pareil cas le possesseur à vie. »)
Attention aux prépositions qui accompagnent le mot équivalent dans plusieurs expressions courantes. On dit constituer un équivalent à qqch. : « En droit anglais, la ’consideration’ étant définie comme le prix qui a été payé par le demandeur pour obtenir que le défendeur s’engage envers lui, ce prix doit-il constituer un équivalent à la promesse qui a été obtenue? » On doit à qqn l’équivalent de qqch. : « L’acheteur doit au vendeur l’équivalent de tout profit ou avantage qu’il a retiré de la chose. »
Autres expressions : apparaître comme l’équivalent de qqch.; avoir, ne pas avoir son équivalent dans qqch.; donner, offrir l’équivalent de qqch.; proposer un équivalent à qqch.; reconnaître un équivalent dans qqch.; trouver l’équivalent de qqch.
Le mot équivalent signifie aussi terme ayant la même signification, ou presque, qu’un terme dans une autre langue. « L’équivalent ’illégalement’ du terme anglais ’unlawfully’ ne figure pas dans le texte français. » Les deux sens du mot sont réunis dans la locution sans équivalent, qui signifie soit introuvable ou sans exemple (« Ces principes juridiques du droit canadien sont sans équivalent en droit français »), soit intraduisible (« Certains termes de la common law sont restés à ce jour sans équivalents en français. »)
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton