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L’étude des mots débat et débats se limite ici à leur sens et à leur emploi en droit judiciaire, exclusion étant faite du droit parlementaire et du droit général des assemblées délibérantes.
C’est dire qu’on ne saurait les considérer comme de parfaits synonymes, même si tous deux partagent un élément procédural commun dans leur définition, à savoir celui de la discussion orale des parties à l’instance.
Par conséquent, dans une même aire sémantique, les mots débat et débats expriment une nuance fondamentale qu’il est impératif d’exprimer clairement.
Il faut se refuser à les concevoir et à les employer pour désigner une réalité juridique identique, ce qui risquerait, à défaut, de conduire au glissement de sens et, même, suivant le contexte, au contresens.
Plus précisément et comme terme appartenant au vocabulaire de la procédure, le débat désigne, en un sens restreint, la phase de la discussion orale à l’audience. « En matière gracieuse, le juge peut se prononcer sans débat. » Le mot débats évoque un sens plus large et vise tous les éléments constitutifs de la « phase terminale du procès contentieux (civil, pénal ou administratif) qui, suivant l’instruction et précédant le délibéré, a lieu à l’audience (publiquement ou à huis clos) et qui, essentiellement consacrée à la discussion orale entre adversaires (…) peut également comprendre, outre les plaidoiries du demandeur et du défendeur, les questions du juge et les réponses à ses demandes d’éclaircissement (…) »
S’agissant du caractère de la procédure, il faut distinguer la procédure écrite – ensemble des actes déposés par les parties à l’instance – de la procédure orale, laquelle englobe les interrogatoires oraux, les témoignages rendus de vive voix et la phase du débat.
Dans la common law en français (se reporter à Juriterm), le mot débat désigne la phase de l’audience au cours de laquelle les avocats présentent leurs arguments ("argument"), tandis que le mot débats correspond à "proceedings". Décision sans débat = "ruling without argument"; obscurcir le débat = "to confuse the issues"; obscurcissement du débat = "confusion of issues". Procès-verbal des débats = "notes of the proceedings".
Toutefois, il importe d’ajouter que les débats suivent la phase interlocutoire du procès, plus précisément à l’audience avant le procès ("pre-trial hearing") et forment l’étape que couvrent le début du procès proprement dit et le jugement que rend le tribunal.
Au regard de la procédure pénale, le débat a lieu dès que, l’accusé ayant plaidé non coupable, commence le procès proprement dit faisant suite à la phase du choix du tribunal compétent par l’établissement des faits de la cause et la présentation des éléments de preuve en la possession des parties.
Quant à eux, les débats se tiennent à la suite de l’enquête préliminaire ("preliminary inquiry") et se terminent par le réquisitoire du poursuivant et l’argumentation de clôture de la défense ("closing address", "closing argument", "closing speech" ou encore "closing statement").
La difficulté réside dans la similitude des deux mots. Il importe malgré tout de rappeler que le juge ne [conduit] pas la procédure; ce sont les parties qui la conduisent. Son rôle consiste plutôt à présider les audiences et à diriger le débat, les débats.
Il reste que la distinction sémantique demeure de rigueur dans les textes juridiques en dépit de l’homonymie approximative, laquelle est inévitablement cause d’erreur.
Par exemple, pour exprimer le fait que le juge statue sur l’intégralité des questions litigieuses, qu’il règle le débat en lui apportant une solution définitive, on dit qu’il vide le débat. Il serait illogique de dire qu’il [vide] les débats. Vider l’entier débat. Le tribunal rend sa décision après consultation, réflexion ou délibéré. Il vide le débat lorsqu’il prononce son jugement en audience publique.
De même, on dit que les faits sont dans le débat (et non [dans les débats]) quand, ayant été énoncés par les parties, ils font l’objet (et non le [sujet]) de la discussion orale engagée entre les plaideurs.
Au surplus, le juge fonde sa décision sur les éléments du débat (et non [des débats]), c’est-à-dire sur les faits allégués par les parties et sur ceux qu’il estime pertinents quant au débat (et non pertinents [au] débat).
Enfin, les parties doivent limiter le débat (et non [les débats]) par les qualifications et les points de droit qu’elles attribuent aux faits et aux actes du litige.
En parlant de la preuve produite, rapportée à l’audience, elle est qualifiée de concluante parce qu’elle conclut tout débat sur un point donné. C’est en ce sens que le débat est concluant.
Si on dit correctement la clôture du débat, la clôture des débats, peut-on dire le ou les clôturer? « Le président a décidé de clore le débat. » « Le juge a clôturé les débats. »
Dans le bon usage, les verbes clore et clôturer entrent en vive concurrence et se disputent les cooccurrents. La documentation atteste aussi bien clore que clôturer le débat ou les débats. Dans un sens général, les deux verbes signifient déclarer clos, terminer, mettre un terme à quelque chose. Toutefois, la nuance serait la suivante : tandis que clore a le sens de mettre fin définitivement, avec autorité, clôturer exclut l’idée d’arrêt définitif, mais accueille plutôt celle d’arrêt provisoire ou temporaire.
On dit, au figuré, que le jugement est rendu sur le siège (et non [sur le banc]).
Il faut entendre par l’expression police judiciaire l’ensemble des mesures que le tribunal peut s’autoriser à prendre pour faire régner l’ordre, la tranquillité et le fonctionnement de l’audience, particulièrement à l’occasion du débat, notamment les rappels à l’ordre concernant l’abus éventuel de la liberté de parole des avocats.
Étant présente aux débats et placée à égalité, chaque partie a le droit d’être entendue, de débattre des preuves apportées contre elle et de présenter ses plaidoiries, ses observations (et non ses [soumissions]) et ses conclusions. « Le principe du débat contradictoire caractérise le système judiciaire canadien. »
Par exemple, selon le droit public canadien, l’effectivité des décisions judiciaires (autrement dit, l’aptitude des actes juridiques à produire des effets de droit) ne soulève aucun débat (= la question recueille une unanimité générale). « La question litigieuse a soulevé un débat vif et passionné sur la signification exacte de cette disposition 1 et 2 législative. »
Dans le même sens, on dit aussi susciter un débat, le provoquer, y donner lieu, l’occasionner, le ranimer, le relancer.
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton