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Juridictionnaire

dépens

  1. Le substantif dépens n’a pas de singulier. Issu du latin dispensum, il signifie littéralement dépensé. Aucuns dépens. Sous peine de tous dépens. Les entiers dépens. La masse des dépens. « Le procès ne m’a occasionné aucuns dépens. » « Le preneur d’un bien rural est tenu, sous peine de tous dépens, dommages et intérêts, d’avertir le propriétaire des usurpations qui peuvent être commises sur les fonds. »

    Dépens ne s’écrit jamais avec la lettre d à l’avant-dernière lettre.

    On évitera de qualifier les dépens d’[onéreux]; ce qualificatif s’entend de ce qui occasionne des frais et, par définition, les dépens sont des frais occasionnés par un procès. Ils sont plutôt élevés, coûteux, ruineux.

    Le mot dépens renvoie à la partie des dépenses légales qu’entraîne un procès. Ce sont des frais de justice ou des frais judiciaires.

  2. Il faut se garder de confondre les débours et les dépens. On appelle débours (ou déboursés dans la langue usuelle) les frais que l’avocat de la partie qui a gain de cause a engagés ou exposés (et non [encourus] ni [assumés]). On dit débours parce que ce sont des frais que l’avocat a avancés et qu’il entend bien récupérer ou recouvrer quand l’action en justice sera terminée. Les débours font partie des dépens.
  3. Les dépens, qui sont comme tous les frais irrépétibles des frais de justice, comprennent, outre les débours, les honoraires judiciaires, lesquels sont des frais obligatoires. On dit judiciaires parce qu’ils sont prévus, au Canada, au tarif figurant dans les Règles de procédure. Ils seront calculés, fixés, déterminés, évalués en fonction d’un montant clé.

    Il ne faut pas confondre les dépens avec les frais extrajudiciaires, soit les honoraires ou les frais que l’avocat peut réclamer pour ses services professionnels ou en sus des frais judiciaires et qui découlent de l’exercice de sa profession.

  4. Les dépens étant des frais, on évitera d’user de la formule redondante [frais et dépens], lui préférant celle, plus logique, des dépens et autres frais.
  5. La défaite en justice entraîne des conséquences sur les dépens. Un des principes maîtres qui régissent le droit procédural en la matière établit que l’adjudication des dépens représente un compromis entre l’indemnisation de la partie gagnante et l’application d’une charge non excessive à l’endroit de la partie perdante.

    En ce sens, on dit que les dépens constituent le sort de la succombance, la condamnation aux dépens étant une conséquence de la défaite.

  6. Les dépens sont alloués, accordés, attribués au plaideur victorieux et il appartient au plaideur succombant de les payer, de les supporter, de les mettre à sa charge. Étant une charge financière, on dit de la charge des dépens qu’elle est supportée par le perdant (et non [assumée]). « En raison de sa succombance, l’appelante supportera la charge des entiers dépens. » L’expression entiers dépens signifie l’intégralité des dépens, leur montant entier. Mitiger, compenser les dépens. « La partie succombante supporte les dépens, à moins que, par décision motivée, le tribunal ne les mitige, ne les compense ou n’en ordonne autrement. » « Chacune des parties les supporte par moitié quand toutes deux ont succombé sur quelques chefs. »
  7. Il faut se garder de confondre la mitigation des dépens et la compensation des dépens. La première, abandonnée à l’appréciation souveraine du tribunal, est un mécanisme qui permet d’atténuer le montant élevé des dépens dans des circonstances qui s’y prêtent. « Le tribunal peut, par décision motivée, mitiger les dépens relatifs aux expertises faites à l’initiative des parties, notamment lorsqu’il estime que l’expertise était inutile, que les frais sont déraisonnables ou qu’un seul expert aurait suffi. » Le tribunal se charge de la compensation des dépens, c’est-à-dire de leur répartition, de leur partage, si les parties à l’instance succombent respectivement sur certains chefs. Compensation totale (ou simple), compensation proportionnelle (ou partielle) des dépens.
  8. Le juge qui déclare qu’il fait masse des dépens ou qui emploie la tournure impersonnelle il est fait masse des dépens entend que tous les dépens, les entiers dépens sont réunis en une seule masse qui est attribuée ou adjugée au gagnant et que le perdant devra supporter.

    Il convient de remarquer que le juge n’emploie pas le futur en ce cas; il n’écrit pas que le tribunal [dit] qu’il [sera] fait masse des dépens; il déclare, en statuant sur les dépens, qu’il est fait masse des dépens. « En raison de la succombance des parties, il est fait masse des dépens de première instance et d’appel que chacune supportera par moitié. » En faisant masse des dépens, il établit le total des frais constituant les dépens, qu’il partagera ensuite selon le sort ou l’issue de l’instance. Faire masse des dépens pour les défendeurs.

  9. On appelle adjudication des dépens l’acte consistant pour le tribunal à adjuger les dépens, à les allouer, à les accorder, à les attribuer. Ils sont adjugés à l’occasion ou au cours de l’instance.

    Le tribunal adjuge les dépens au gagnant, lequel pourra se les faire rembourser par le perdant, sauf décision juridictionnelle contraire. Les dépens sont par conséquent récupérables, recouvrables auprès de la partie perdante, laquelle se trouve de ce fait à être condamnée aux dépens.

    La condamnation aux dépens, c’est-à-dire la condamnation au paiement des frais de justice, constitue un principe fondamental du droit procédural. Selon ce principe, toute partie qui succombe ou qui perd son procès est condamnée aux dépens. Le perdant subit les dépens parce qu’il doit les payer. Cette obligation aux dépens de l’action permet de dire que les dépens incombent au perdant. Il appartient à celui-ci de rembourser les dépens engendrés, occasionnés, entraînés par le procès. C’est pour cette raison qu’on l’on parle de la charge des dépens. Les dépens sont à la charge du perdant, ils sont mis à sa charge.

    On dit qu’une partie a droit aux dépens pour signifier qu’elle a le droit de les recouvrer sur la partie perdante.

  10. Il arrive souvent qu’une ordonnance sollicitée par les parties n’entraîne pas l’adjudication de dépens. En ce cas, le tribunal se sert à cette fin de diverses formules. « Il n’y aura aucune ordonnance quant aux dépens » (ou relative aux dépens). « L’ordonnance est rendue sans dépens » (ou avec dépens).

    Le fait pour le tribunal de n’adjuger aucuns dépens ne signifie pas que l’instance n’a pas engendré de dépens : il n’existe pas d’instance sans frais. Le fait de ne rendre aucune ordonnance quant aux dépens signifie plutôt que le tribunal décide que les dépens resteront à la charge des parties qui les ont exposés.

  11. Perdre sa cause avec dépens. Un appel peut être accueilli ou rejeté avec ou sans dépens. On ne met pas la virgule après le participe passé ou le verbe. Pourvoi accueilli avec dépens. « Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens. »
  12. Dans la dernière partie du dispositif, généralement à la dernière phrase de la décision, le juge règle le sort des dépens, il statue sur les dépens. Il est habituel de souligner brièvement la cause de la condamnation aux dépens et de préciser, s’il le faut, comment ils seront recouvrés. « Condamne X aux dépens, qui seront recouvrés conformément à la loi. » Il pourra déclarer faire masse des dépens et ajouter, si nécessaire, qu’ils seront supportés, par exemple, par tel ou tel à concurrence de moitié chacun.
  13. Le tribunal réserve les dépens lorsqu’il ordonne la réouverture des débats à l’audience à telle date aux fins qu’il aura exposées précédemment. Il réservera le surplus des dépens en cas d’excédent des demandes et de nécessité de commettre un expert afin de pouvoir être en mesure de statuer définitivement.
  14. En principe, le montant des dépens est indiqué dans le dispositif du jugement. Mais, s’il arrive que le montant global des dépens (et non le [montant total], expression pléonastique puisque le montant est, par définition, un total) ne sera connu qu’après l’exécution du jugement, ce montant ne pourra être liquidé (c’est-à-dire calculé ou chiffré) dans le jugement, aussi appartiendra-t-il à l’avocat de la partie qui les a avancés ou au greffier de dresser les frais du procès que le gagnant récupérera sur le succombant. La liquidation des dépens relève du liquidateur des dépens.
  15. Les frais deviennent des dépens une fois qu’ils sont taxés soit par l’officier taxateur, dit le taxateur des dépens ou le fonctionnaire chargé du calcul des dépens, soit par le juge lui-même. Les dépens afférents à l’instance seront taxés sur une base : dépens taxés sur la base des honoraires réclamés par un avocat à son client (ou dépens taxés sur la base procureur-client), dépens taxés sur la base des frais entre parties (et non [frais taxés entre parties]). Taxation des dépens récupérables.

    Aux fins de taxation des dépens, le taxateur des dépens prend en compte le calcul des dépens dans l’établissement du mémoire de dépens ou de l’état des frais.

  16. Toujours dans le dispositif du jugement, le tribunal pourra employer une formule pour signifier que les dépens seront déterminés ou fixés en fonction du résultat de l’action. Relevant du style judiciaire, cette formule n’est pas figée, elle connaît des variantes, mais le verbe suivre, souvent au futur, y figurera presque constamment : les dépens suivront le sort de l’action, les dépens suivront l’issue de l’instance, les dépens suivront le sort du principal (en cas de pluralité de demandes). « Les dépens qui suivent la demande principale incomberont à la demanderesse, qui sera déboutée de sa demande. »
  17. En matière de règlement des dépens, la distraction des dépens (distraire les dépens) est un mécanisme par lequel, à la demande de l’avocat du plaideur gagnant, le tribunal l’autorise à recouvrer directement sur la partie perdante les frais qu’il a exposés pour son client. Par la distraction des dépens, le tribunal adjuge à l’avocat distractionnaire les dépens qu’il dit avoir avancés pour le compte de son client.En ce sens, la distraction est un droit de recouvrement des dépens. Prononcer la distraction des dépens au profit de l’avocat de la partie gagnante. Exécutoire de dépens. « Le greffier en chef liquide les dépens dont distraction a été ordonnée au profit des avocats-défenseurs. » « La société défenderesse sera condamnée aux dépens, sans distraction, la représentation par avocat n’étant pas obligatoire. »