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Supercherie délibérée, le dol, élément intentionnel et donc psychologique, doit être distingué de la tromperie – laquelle peut ne pas être intentionnelle –, de l’erreur – laquelle est une représentation fausse et déformée de la réalité – et de la fraude – laquelle vise tout acte de mauvaise foi commis en vue de préjudicier à des droits que l’on est tenu de respecter, d’où la formule sans dol ni fraude.
La jurisprudence et la doctrine récentes conçoivent le dol non plus comme un vice du consentement, mais comme une erreur qui vicie le consentement. Plusieurs auteurs le considèrent plutôt comme une faute précontractuelle. Quoi qu’il en soit, il est d’usage de distinguer le dol principal ou dol déterminant du dol incident 2, autrefois appelé dol accidentel, même si la doctrine contemporaine condamne de plus en plus cette distinction, la jugeant spécieuse. Il reste que, dans le premier cas de dol, les agissements dolosifs (dont le but est d’amener la victime à contracter sous l’inspiration ou l’empire de fausses déclarations) visent l’essence même du contrat et peuvent, pour cette raison, emporter son annulation. Dans le second cas, les manœuvres dolosives permettent de soutirer à leur destinataire des conditions désavantageuses sans toutefois porter sur un élément essentiel du contrat. Puisqu’elles n’atteignent que les accessoires ou un élément secondaire du contrat, elles n’entraînent pas sa nullité, mais donnent lieu à des dommages-intérêts.
La doctrine québécoise oppose le dol actuel ou réel au dol présumé.
En matière de commerce surtout, on distingue le dol honnête ou bon dol (dolus bonus), qui est une tromperie de peu de conséquence n’entraînant pas la nullité du contrat (se laisser surprendre par un dolus bonus), du dol ou dol répréhensible, dol malhonnête, dol malicieux ou mauvais dol (dolus malus), les adjectifs péjoratifs remplissant le rôle linguistique d’accentuer la valeur du substantif dol, qui, lui, étant plus grave puisqu’il lèse les droits d’autrui, peut obliger le tribunal à prononcer l’annulation d’un contrat ou d’un marché. Le dol principal et le dol incident sont tous deux de mauvais dols. « Toute négociation internationale, même menée de bonne foi, suppose une part de rouerie, et la distinction entre le bon dol et le mauvais dol n’est pas aisée. »
Dans le droit des sociétés, le dol peut viser un souscripteur d’actions. La nullité de la souscription doit être demandée par l’actionnaire qui a subi les manœuvres dolosives. Pour être une cause de nullité de souscription, le dol doit être déterminant et émaner des fondateurs. Il consiste plus précisément en des agissements destinés à tromper le souscripteur par la communication de faux renseignements sur la situation de l’entreprise faisant l’objet d’un apport. Le fait de fournir de simples renseignements inexacts ou incomplets ne constitue pas un dol, mais la volonté délibérée de le tromper pour l’amener à souscrire des actions peut entraîner la nullité de la souscription. L’action en nullité se prescrit par cinq ans à compter du jour où le dol a été découvert.
On appelle dol négatif le simple mensonge ou même la réticence, le silence gardé sur un aspect du contrat ou de son objet que le cocontractant devrait connaître.
En droit international, les principes applicables en matière de vices de consentement dans le droit interne des contrats inspirent les règles concernant la validité des conventions internationales. Le droit international sanctionne, selon la Convention de Vienne de 1969, les vices affectant la volonté tels le dol, l’erreur, la corruption et la contrainte. Dans le cas du dol, il vicie le consentement de l’État amené à conclure un traité par la conduite frauduleuse d’un autre État ayant participé à la négociation. Texte de l’article 49 de la Convention de Vienne : « Si un État a été amené à conclure un traité par la conduite frauduleuse d’un autre État ayant participé à la négociation, il peut invoquer le dol comme viciant son consentement à être lié par le traité. »
Le dol est ainsi une atteinte directe au principe de la bonne foi puisque celle-ci oblige les parties à agir dans un esprit de loyauté et d’honnêteté. C’est en ce sens que l’on peut dire que la mauvaise foi est un élément constitutif du dol. « Le dol suppose toujours une intention frauduleuse ou une mauvaise foi caractérisée. »
Voir aussi la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international où, à l’article 25 de l’annexe 1 de la Loi sur le transport aérien, le dol est assimilé à une faute, étant rendu dans la version anglaise par le terme "wilful conduct". « Le transporteur n’aura pas le droit de se prévaloir des dispositions de la présente Convention qui excluent ou limitent sa responsabilité, si le dommage provient de son dol ou d’une faute qui, d’après la loi du tribunal saisi, est considérée comme équivalente au dol. »
Les types de conduites susceptibles de donner lieu à une action pour dol en common law se limitent aux conduites dans lesquelles leur auteur a intentionnellement voulu frauder autrui dans un dessein illicite.
Dans la common law de l’obligation contractuelle, le dol suppose ici encore la présence de manœuvres frauduleuses. Il faut qu’une assertion inexacte ait été faite, cette assertion doit porter sur un fait, elle doit émaner de celui contre lequel on agit, elle doit avoir été faite en vue de décider le demandeur à contracter et elle doit avoir déterminé effectivement le demandeur à contracter.
L’action pour dol ("action for deceit") a pour objet de sanctionner le délit civil consistant à faire une fausse assertion, la sachant telle, dans l’intention claire et résolue de tromper autrui en vue de l’amener à agir à son propre détriment, à se faire du tort dans l’accomplissement d’un acte juridique, par exemple en passant un contrat. « Il va sans dire que, dans une action pour dol, il faut prouver la fraude. » « Elle a fait valoir que l’omission de divulguer le bénéfice secret donnait ouverture à une action pour dol ou pour manquement à l’obligation fiduciale. » « Le juge de première instance a conclu que la société Hydro était responsable du délit civil de dol. » Dol personnel. « La requête civile était fondée sur le dol personnel de la partie qui avait eu gain de cause. »
Dans l’évolution du droit de la responsabilité délictuelle en matière de dol, il convient de remarquer que le délit civil de dol donne lieu à une réparation convenable, ce qui explique qu’on recourt rarement, dans des cas de fraude, à la réparation offerte par l’equity. De plus, conformément à une tendance jurisprudentielle récente, on admet désormais que le silence ou la réticence ("withholding") puissent être constitutifs de dol dans certaines circonstances. « Il est des situations où le simple fait de laisser le contractant croire une chose par erreur sans le détromper, ou de s’abstenir de lui dévoiler un fait important qui changerait sa volonté de contracter, est tout aussi répréhensible que le mensonge ou les manœuvres frauduleuses. »
Suivant l’application des règles usuelles de preuve, en particulier celle de la présomption de bonne foi, le dol ne se présume pas, il doit être prouvé. Mais il peut se prouver par présomptions. Il s’établit en démontrant que l’accusé était tout à fait conscient de la portée de ses actes et qu’il était libre dans sa volonté de commettre le délit. « La majorité a conclu que, d’après les faits de l’espèce, le fondement nécessaire à une conclusion de dol ne ressortait pas de la preuve parce qu’il n’y avait aucune preuve établissant l’intention malhonnête. »
En cas de manœuvres frauduleuses ou dolosives, l’acte commis est également répréhensible pénalement.
Le droit pénal français considère le dol comme un des éléments de l’escroquerie. Il distingue le dol général, soit la volonté de commettre l’acte prohibé en toute connaissance de cause, du dol spécial, lequel subordonne l’existence de l’infraction à une volonté criminelle généralisée. Dans le dol spécial ou déterminé, il y a volonté de commettre le crime dans une intention particulière, spécifique, par opposition au dol indéterminé ou dol simple, dans lequel l’auteur a agi intentionnellement sans se fixer un résultat dommageable précis dans son rapport avec la gravité du résultat ou l’identité même de la victime.
Dans le dol éventuel ou dol possible, l’auteur a mesuré le risque sans vouloir le résultat dommageable, mais a poursuivi sa machination en acceptant le résultat pour le cas où il se produirait. Sa faute est non intentionnelle en ce sens.
Le dol pénal est une espèce d’escroquerie grâce à laquelle une personne obtient d’une autre par le jeu d’une supercherie la remise d’une chose mobilière.
Le droit anglo-saxon admet lui aussi des degrés dans l’intention criminelle. Pour la Chambre des lords, il y a dol simple toutes les fois que le résultat paraît quasi inévitable et que l’accusé a agi en connaissance de cause. Le dol éventuel est admis lorsque l’auteur a eu à tout le moins la certitude que le résultat préjudiciable se produirait; il demeure dans le cadre de la faute par absence de scrupules ou insouciance ("recklessness") manifeste.
Le Code criminel du Canada classe le dol sous la rubrique des opérations frauduleuses en matière de contrats et de commerce. Il l’appelle supercherie ("deceit") et ne distingue pas le moyen dolosif ("fraudulent means") de l’acte frauduleux. Frauder, frustrer, léser, leurrer, tromper le public par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif. « Si la plupart des fraudes comportent une supercherie ou un mensonge, la fraude par ’un autre moyen dolosif’ vise tous les autres moyens qu’on peut proprement qualifier de malhonnêtetés. »
Le troisième volet de la définition de fraude (autre moyen dolosif) au paragraphe 380(1) a suscité une abondante jurisprudence, les tribunaux considérant que l’adjectif dolosif était ambigu dans les circonstances et moins précis que son équivalent anglais "fraudulent". Cette équivalence terminologique imparfaite ne les a pas empêchés de circonscrire le concept en soulignant les éléments de conduite objective (ou subjective selon les tribunaux anglais), de malhonnêteté, d’illégitimité et d’intention coupable qui constituent le dol. « La malhonnêteté de l’’autre moyen dolosif’ tient essentiellement à l’emploi illégitime d’une chose sur laquelle une personne a un droit, de telle sorte que ce droit se trouve éteint ou compromis. »
Le français étant la langue d’arrivée, "fraud" est souvent rendu par dol, s’il est employé seul ou s’il n’est pas accompagné de la notion de "deceit".
Mais "fraud" est rendu par fraude, s’il est accompagné d’une notion complémentaire telle que "duress" ou "deceit".
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