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Juridictionnaire

dilemme

  1. Se reporter à l’article ALTERNATIF.
  2. En complément. Terme de logique, le dilemme se classe dans la catégorie des arguments par division. C’est, proprement, un raisonnement où tous les cas sont ramenés aux deux termes contraires d’une alternative. Aussi peut-on dire que tout dilemme comporte une alternative, mais que l’inverse n’est pas vrai; d’où la locution cerner un adversaire dans l’alternative du dilemme.

    Dans son argumentation, l’avocat peut, pour emporter l’adhésion du tribunal ou du jury, circonscrire le débat à deux solutions en recourant à l’argument du dilemme. Ce procédé de discussion se présente selon la formule suivante : ou A, ou B; si A, hypothèse inacceptable; si B, hypothèse inacceptable; donc, dans les deux cas, hypothèses à rejeter. On le définit aussi comme un syllogisme disjonctif; il consiste à examiner deux hypothèses (appelées les deux branches ou les deux cornes du dilemme, de là l’expression argument cornu pour désigner le dilemme) pour en conclure que, quelle que soit l’hypothèse choisie, on aboutit à la même réponse soit parce qu’elles conduisent à un même résultat ou à deux résultats identiques, soit parce qu’elles entraînent dans chaque cas une incompatibilité avec une règle prescrite. Le modèle peut être celui-ci : supposons que l’argument du demandeur fait intervenir le dilemme suivant : si telle loi est ultra vires, alors(…); si, par ailleurs, elle est constitutionnelle, alors(…); la conclusion n’est admissible dans ni l’un ni l’autre des cas. L’avocat peut aussi attribuer à l’adversaire, pour suggérer sa mauvaise foi ou discréditer son point de vue, un dilemme dans lequel deux possibilités contradictoires mènent à une même conclusion.

    Pour limiter ainsi le cadre du débat à deux solutions, l’avocat plaidant peut enfin proposer deux possibilités, toutes deux difficilement acceptables, mais entre lesquelles le choix paraît aller de soi; le reste de son argumentation consistera à prouver que la solution proposée revient à préférer le moindre des deux maux.

    De son côté, le juge peut placer le plaideur devant un dilemme, pour conclure que, dans l’une ou l’autre branche de l’alternative, il est tenu de prendre une certaine décision. Les exemples abondent du profond dilemme de l’intervention judiciaire, dont le choix entre droits collectifs et droits individuels n’est pas le moindre. Le juge est ainsi enfermé parfois dans un dilemme de conscience insupportable.

  3. Par extension, le dilemme est l’obligation pour quelqu’un de choisir entre deux partis présentant l’un et l’autre de graves inconvénients, une situation problématique offrant des issues apparemment inconciliables. On pense ici au dilemme de l’assurance et de la dissuasion dans le droit moderne de la responsabilité délictuelle qu’ont souligné les tribunaux.

    Être placé devant un dilemme est donc se trouver dans une situation sans issue favorable, être dans une impasse. Par exemple, pour répondre à une question qui lui est posée dans une requête, la cour doit résoudre un dilemme : il peut être nécessaire, pour examiner à fond la question soumise à son appréciation, que soient révélés des renseignements confidentiels que l’on cherche par ailleurs à protéger. La requête présentée perd alors tout son sens. Ou encore, le commerçant qui veut observer le samedi en n’ouvrant pas son commerce en raison de ses croyances religieuses se trouve aux prises avec un dilemme faute de loi sur l’observation du dimanche : il doit choisir entre l’observance de sa religion et l’ouverture de son commerce afin de faire face à la concurrence; s’il choisit d’observer les préceptes de sa religion et qu’existe une loi sur l’observation du dimanche, il se trouvera dans une position fâcheuse : son entreprise restera fermée le samedi et le dimanche.

    La compétence des tribunaux affrontant celle des organismes législatifs est un exemple de dilemme juridique que les juges tranchent souvent en adoptant le principe de nécessité. Le législateur peut s’ingérer dans la common law; par ailleurs, la common law peut s’immiscer dans le droit. Le principe de nécessité permet au tribunal de sortir de ce dilemme et de statuer.

    En ce sens extensif, le piège sur lequel on risque de trébucher consiste à confondre les mots alternative et dilemme, à prendre abusivement l’un des deux vocables pour l’autre. « C’est un faux dilemme (= une fausse alternative) que celui de la justice et de l’équité. »

  4. L’expression [double dilemme] est fautive; on se trouve devant « un » dilemme, lequel comporte « deux » hypothèses contradictoires ou fâcheuses.
  5. Il faut éviter de donner au mot dilemme le sens vague de difficulté ou de problème. Les [dilemmes] constitutionnels du Canada sont plutôt des enjeux, tout en demeurant, certes, des casse-tête.
  6. La formule syntaxique du type dilemme + substantif + trait d’union + substantif, bien qu’elle soit elliptique, est acceptée par l’usage : le dilemme inflation-chômage.
  7. Rappel. Attention au barbarisme [dilemne] : la faute se commet par contamination ou analogie avec indemne.

Syntagmes et phraséologie

  • Dilemme abominable, angoissant, chargé d’émotion, cruel, difficile, douloureux, embarrassant, éprouvant, grave, immédiat, inacceptable, urgent.
  • Dilemme absolu, insoluble, sans solution, total.
  • Dilemme apparent, réel, véritable.
  • Dilemme clair, classique.
  • Dilemme complexe, cornélien, kafkaïen.
  • Dilemme (de nature) éthique, juridique.
  • Dilemme humain, moral (ou de conscience).
  • Dilemme inhérent à une question.
  • Énorme, grand dilemme.
  • Lourd dilemme.
  • Profond, terrible dilemme.
  • Espèce de dilemme.
  • Forme, termes d’un dilemme.
  • Mécanisme de résolution des dilemmes.
  • Objection à un dilemme, réfutation d’un dilemme.
  • Portée d’un dilemme.
  • Réponse à un dilemme, solution d’un dilemme.
  • Accabler qqn d’un dilemme, attribuer un dilemme à qqn.
  • Accepter, refuser un dilemme.
  • Amener, conduire à un dilemme.
  • Analyser un dilemme.
  • Chercher à échapper à un dilemme.
  • Construire, créer, décrire, exprimer, formuler, institutionnaliser, poser, résumer un dilemme.
  • Discourir sur un dilemme.
  • Enfermer qqn, être enfermé, s’enfermer (volontairement) dans un dilemme.
  • Être acculé à un dilemme, être devant un dilemme, être au cœur d’un dilemme.
  • Exposer un dilemme, en faire état.
  • Faire face à un dilemme.
  • Imaginer une réponse, apporter, envisager une solution à un dilemme, répondre à un dilemme, le résoudre.
  • Offrir, opposer un dilemme.
  • Réduire (une situation) à un dilemme.
  • S’agiter dans un dilemme.
  • Se trouver confronté à un dilemme, se trouver (pris) dans un dilemme, se trouver devant un dilemme.
  • Sortir d’un dilemme, le trancher.
  • Le dilemme de qqn (du juge, du prisonnier, de l’objecteur de conscience, du plaideur).
  • Le dilemme entre une chose et une autre, le dilemme d’une chose et d’une autre.
  • Le dilemme qui oppose une chose à une autre.
  • Un dilemme convainc, ébranle.
  • Un dilemme se pose, se présente à qqn, surgit à une occasion.
  • Un dilemme tient à qqch.