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Le fait que cette décision échappe au contrôle d’une juridiction supérieure nous permet de parler d’un pouvoir souverain.
Quand le juge de première instance constate l’existence des faits que les parties soumettent à son examen, cette constatation et l’évaluation des faits correspondent à une appréciation factuelle. Partie intégrante de son activité juridictionnelle, cette appréciation fait de lui un appréciateur souverain des faits et non [maître du fait].
Ainsi, la détermination des faits relève de l’appréciation souveraine du premier juge, lequel a vu et entendu les témoins et se trouve mieux à même d’apprécier la crédibilité à accorder au témoignage de chacun. Aussi l’appelle-t-on pour cette raison le maître des faits.
L’appréciation judiciaire comporte trois volets : l’appréhension des faits litigieux, leur évaluation, puis les constatations tirées de cet exercice intellectuel.
La discrétion judiciaire, quant à elle, doit être comprise comme la faculté attribuée à l’autorité juridictionnelle d’opérer cette appréciation en décidant. Discrétion absolue de la juridiction d’appel.
Par conséquent, on peut dire que le tribunal jouit de la liberté d’appréciation dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, lequel lui est confié légalement en tant que pouvoir discrétionnaire. Le pouvoir d’appréciation est un pouvoir d’examen, le pouvoir de discrétion, un pouvoir de décision. « Le moyen de défense peut être soumis à l’appréciation et à la décision du jury. »
Ce n’est pas le pouvoir d’appréciation qui est absolu ou souverain, mais l’appréciation elle-même : pouvoir d’appréciation souveraine.
Le critère et le fondement du pouvoir d’appréciation souveraine reconnu au juge des faits reposent, en droit civil, sur l’intime conviction et, en common law, sur la prépondérance de la preuve et la cause probable, en matière civile, et sur la preuve hors de toute doute raisonnable, en matière pénale.
Appréciation souveraine et libre appréciation sont des formules équivalentes. Pouvoir, liberté, marge d’appréciation.
Ce qui est confié à l’appréciation du tribunal est, autrement dit, laissé ou abandonné à son appréciation. « L’impossibilité absolue d’agir est une incapacité de fait laissée à l’appréciation du tribunal. » (et non [à sa discrétion]).
L’appréciation étant une forme d’arbitraire, on dit aussi de ce qui est abandonné à l’appréciation du juge qu’il est laissé à son arbitraire.
Une autre formule qui traduit parfaitement le sens de la discrétion judiciaire se trouve dans l’énoncé d’une règle jurisprudentielle essentielle : l’appréciation de la preuve est laissée à la discrétion du juge.
Ainsi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire permet au tribunal d’apprécier la preuve. Ses conclusions sont fondées sur une appréciation des témoignages. Il tire une conclusion après appréciation d’un élément de preuve dans l’exercice de sa discrétion et, par exemple, sa décision d’écarter un élément de preuve relève d’un devoir découlant de ce pouvoir discrétionnaire.
Il n’y a pas redondance dans la formule appréciation exclusive et souveraine : l’appréciation exclusive est celle qui n’appartient qu’à une seule autorité juridictionnelle, alors que l’appréciation souveraine est celle qui est soustraite à tout recours en révision.
Le pouvoir discrétionnaire est la faculté d’appréciation de la juridiction, soit celle qui lui confie l’entier pouvoir de se laisser convaincre et de décider sans qu’il y ait à son encontre possibilité d’intervention. « Cette appréciation relève généralement du pouvoir discrétionnaire du juge du procès. »
Par exemple, le poids et l’effet qui sont accordés aux avantages d’un contrat seront laissés à l’appréciation du juge des faits : il lui revient, de par sa discrétion, de décider, dans le cadre de sa marge d’appréciation, de la nature de l’intention des parties contractantes.
Par conséquent, la latitude de l’appréciation se manifeste dans l’examen des facteurs pertinents et le pouvoir discrétionnaire permet de modifier la situation des parties résultant de leur accord, de leur situation ou des circonstances.
On le voit, le pouvoir d’appréciation du premier juge comporte en lui un difficile exercice judiciaire. Il dispose d’une large discrétion que lui a conférée le législateur.
Pour sa part, la cour d’appel fera preuve de déférence, de retenue, à l’égard des conclusions factuelles qu’aura tirées le premier juge. Invoquant son pouvoir discrétionnaire, sa discrétion souveraine, elle n’interviendra et ne se fondera sur sa propre appréciation de la preuve que s’il a commis une erreur manifeste et dominante.
Le pouvoir discrétionnaire dont jouit un agent de police, par exemple, est lié à une prise de décision de sa part qui n’est pas strictement gouvernée par les règles légales du code de la route ou de la loi sur la police et de ses règlements. Il comprend plutôt un élément significatif de discernement et de jugement personnel qui l’autorisera à donner un avertissement plutôt qu’une contravention ou à ne pas poursuivre un échange de renseignements ou une vérification de papiers.
Le juge est investi du pouvoir discrétionnaire d’écarter les obstacles qui causeraient un retard dans le déroulement de la procédure. Ses prérogatives discrétionnaires sont des compétences ou des attributs qui se rattachent à des pouvoirs de décision.
Il convient de préciser ici que sa discrétion n’est pas exercée de façon judiciaire ou judiciairement quand il fonde sa décision sur un mauvais principe de droit, sur une interprétation erronée des faits ou sur des considérations ou des motifs non pertinents. « Le juge a indiqué clairement que cette disposition confère au tribunal une discrétion qui doit être exercée de façon judiciaire par le juge de première instance. » Attribuer, conférer, donner une discrétion. Exercice conféré de la discrétion. « La compétence du médiateur parlementaire ne s’étend pas aux restrictions opérées dans l’exercice correct du pouvoir discrétionnaire conféré par le règlement pénitentiaire ou les consignes du ministre de l’Intérieur. »
Critère, erreur, exercice, norme d’appréciation. Contrôle, modification, révision de l’appréciation. Démonstration d’une appréciation. Processus d’appréciation.
Faire, effectuer, opérer, porter une appréciation. « Juger, c’est porter une appréciation sur les êtres ou les choses », Larousse, 1975. Procéder à une appréciation.
Adopter une appréciation. Écarter, mettre de côté, remettre en question, contester une appréciation. Invoquer une appréciation, se fonder sur une appréciation. Guider, éclairer une appréciation. Fausser, obscurcir une appréciation. Soumettre (une défense, un moyen) à l’appréciation (du jury). Substituer sa propre appréciation (à celle du juge de première instance).
Étant une opération intellectuelle, l’appréciation est un processus mental plus avancé que celui qui résulte du simple fait de savoir, aussi est-on autorisé à employer des tournures telles que au cours de, au milieu de l’appréciation. « Cette mention que fait le juge survient au milieu de son appréciation de la crédibilité de l’appelant. »
Outre son caractère souverain, libre, l’appréciation peut être générale, globale, exclusive ou quasi exclusive, justifiée ou non, erronée, juste, réaliste ou non, raisonnable ou non, in abstracto ou in concreto, controversée, formelle, morale, décisive, pondérée, appropriée ou non, compétente, suffisante ou non, nouvelle, étroite, objective ou subjective.
L’appréciation juridique a rapport au droit. Domaine de l’appréciation juridique des faits. Méthode d’appréciation juridique (par la rationalité notamment).
L’appréciation commerciale relève du droit des sociétés et du droit des affaires. Elle s’applique à évaluer l’équité des décisions commerciales prises de bonne foi par les administrateurs dans l’exécution des fonctions pour lesquelles ils ont été élus.
Il convient de distinguer le critère de l’appréciation commerciale de la règle de l’appréciation commerciale. Le premier vise à déterminer, par exemple, si un arrangement proposé est équitable et raisonnable compte tenu des intérêts de la société en cause et des parties intéressées, alors que la seconde exprime la nécessité de faire preuve de retenue à l’égard de l’appréciation qu’opèrent les administrateurs de ce qui sert le mieux les intérêts de leur société.
En ce sens, ce qui est attribué, laissé à la discrétion de quelqu’un est abandonné à son libre pouvoir et dépend de son entière faculté de décider. À l’unique discrétion de, à la seule discrétion de. « Si l’employeur détermine, à sa seule discrétion, qu’une condition d’emploi n’a pas été respectée, il lui appartiendra de décider des mesures à prendre. » Le recours au doublet syntagmatique permet de renforcer par l’emploi d’un second élément le sens du premier (seule et unique discrétion, seule et exclusive discrétion, seule et absolue discrétion), comme dans l’exemple suivant : « Vous reconnaissez que la société X pourra, à tout moment et pour tout motif ou sans motif, mettre fin à votre compte à sa seule et absolue discrétion. »
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton