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Tandis que le premier terme se dit de ce qui relève d’une obligation absolue, d’un ordre formel et péremptoire émanant de ce qui fait autorité et appelant soumission inconditionnelle, le second qualifie ce qui commande de façon pressante et urgente, ce qui apparaît comme irrésistible et nécessaire.
Du fait de ce rapprochement de sens, les deux épithètes accompagneront souvent les mêmes substantifs (nécessité impérieuse, impérative; ordre impérieux, impératif) et provoqueront, ce faisant, une hésitation dans leur emploi.
Puisque l’obligation a pour effet de créer un lien de droit, il y aura nécessairement lieu de qualifier d’impératif tout ce qui donne l’occasion d’établir pareil rapport juridique. Contrairement à impératif, impérieux ne crée pas dans la qualification d’un lien de droit, d’obligation absolue, mais une contrainte d’agir, comme il en est, par exemple, de l’acte juridique qualifié de comminatoire, lequel comporte, de par son caractère, une menace et, donc, une contrainte dans l’action ou la mesure envisagée.
Autrement dit, les mots impératif et impérieux ne sont pas interchangeables ou synonymes quand il s’agit d’exprimer l’idée d’une obligation absolue : impératif s’impose immédiatement à l’esprit pour qualifier une réalité abstraite, une notion (jamais une personne) dont le caractère juridique est obligatoire, mais impérieux, qui se dit aussi bien d’une chose que d’une personne (un meneur impérieux, un regard impérieux), comporte un élément psychologique plutôt que juridique.
Cependant, sont impérieuses les obligations morales, sociales et professionnelles qui relèvent de l’honneur, de la conscience et de la bienséance et qui créent des devoirs, des engagements étrangers au lien de droit.
Et puisque impérieux se dit de ce qui est autoritaire, commandant, dictatorial ou dominateur, on comprend que tout acte juridique entraînant une obligation absolue peut être qualifié d’impérieux, si et uniquement si on entend parler de son ton, de sa forme, de sa rédaction, mais que, vu son caractère et compte tenu de sa nature obligatoire, cet acte ne pourra être qualifié que d’impératif. Ton impérieux d’une prescription ou d’une prévision légale, caractère impératif de la prescription, nature essentiellement impérative de la prescription.
Si la formule exécutoire qui clôt les actes juridiques ou les décisions juridictionnelles est impérative, c’est qu’elle comporte l’obligation stricte de s’y conformer; on la qualifie d’impérieuse quand on l’envisage dans son aspect formel, dans son ton autoritaire et tranchant.
Dans l’exemple qui suit, les deux adjectifs sont employés correctement. « L’honneur, la loyauté, l’indépendance et la délicatesse sont pour l’avocat des devoirs impérieux. C’est là une règle impérative que pose le Règlement Intérieur. » Mais il se peut que la loi soit source de devoirs impératifs; ils emporteront alors obligation rigoureuse de ne pas s’en détourner. Adresser des exhortations impératives (on ne peut pas les ignorer), formuler des exhortations impérieuses (étant de l’ordre du souhait pressant, on n’est pas tenu pour autant de s’y plier nécessairement). Critère impératif, circonstance impérieuse. Besoins impérieux, motifs impérieux d’ordre général. Invoquer des raisons impérieuses ou des exigences impératives d’intérêt général.
Toutefois, si la notion d’obligation absolue s’estompe pour faire place à une simple idée de nécessité ou de diligence, alors impératif et impérieux se disent l’un pour l’autre au sens de ce à quoi on ne peut échapper. Nécessité impérative, impérieuse; exigence impérative, impérieuse; solution impérieuse, impérative; consigne impérative, impérieuse; modalité impérative, impérieuse; raison impérative, impérieuse; circonstance impérative, impérieuse; situation impérieuse, impérative; question impérieuse, impérative; règle impérieuse, impérative; logique impérieuse, impérative; condition impérieuse, impérative; considération impérieuse, impérative.
Par exemple, les lois prévoient généralement un régime d’exceptions; elles sont soit impératives (exceptions expresses auxquelles on ne peut déroger), soit discrétionnaires (exceptions applicables au cas par cas, au gré de l’autorité compétente 1 et 2, auxquelles il est permis de déroger). Les dispositions impératives sont celles auxquelles nul ne peut se soustraire; ce sont des dispositions contraignantes rédigées à l’aide du verbe devoir ou à l’indicatif présent – formule impérative –; on leur oppose les dispositions potestatives (celles qui, rédigées à l’aide d’une formule potestative bâtie généralement au moyen du verbe pouvoir ou d’une tournure impersonnelle exprimant la notion de faculté reconnue, dépendent de la volonté individuelle).
Il en est ainsi de la condition impérative opposée à la condition (négative) (purement) potestative dans le droit des contrats. Aux règles impératives ou règles de droit d’application impérative (celles auxquelles on ne peut déroger) s’opposent les règles supplétives (celles que l’on peut éluder ou celles qui s’appliquent à défaut d’autres dispositions ou dans le silence de la loi). Dans la même conception, on oppose la loi impérative (elle s’applique sans possibilité de la contourner ou d’y déroger à l’amiable), souvent une loi dite d’ordre public, à la loi supplétive (elle s’applique en l’absence de volonté contraire, suppléant au silence des parties, à leur volonté présumée, tel le cas des régimes matrimoniaux).
« Il est impératif que ces normes soient respectées. » (= il faut absolument). « Il est impératif que soit respecté l’accord que nous avons signé. » (= il est de rigueur). « Il est impératif que les dispositions du règlement d’application soient conformes aux dispositions de la loi. » (= il est de nécessité absolue). « Il est impératif que le Règlement soit interprété et appliqué conformément à l’objet de la Loi. » (= il s’impose que). « Il est impératif que toute personne accusée ait la possibilité de se défendre. » (= il est de règle absolue). « Il est impératif que la communication des documents ait lieu avant l’audience. » (= il est de toute rigueur).
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton