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La notion d’immutabilité, et non, en droit, d’[immuabilité], permet de décrire le caractère immuable d’une situation, d’un état ou d’un régime de droit. Immutabilité du droit naturel, du droit musulman. Immutabilité du territoire, des droits territoriaux. Présenter un caractère d’immutabilité. Assouplir le principe d’immutabilité. Immutabilité absolue, totale, générale, partielle, relative, restreinte.
Du point de vue du nombre des occurrences, le mot immutabilité se rapporte surtout au litige et aux régimes matrimoniaux, mais son domaine d’emploi est vaste. Il est permis d’opérer un rapprochement entre cette notion et celles d’intégrité et d’inviolabilité en régime de common law en y apportant les distinctions et les nuances qui s’imposent compte tenu de l’évolution du droit.
Suivant ce principe, une fois l’instance engagée, ses éléments ne peuvent souffrir aucun changement. Autrement dit, dans la conception classique de l’immutabilité, le litige est fixé par l’acte ou la demande introductive d’instance. Les plaideurs ne peuvent changer, leur qualité doit rester la même tout au long du litige. L’objet précisé dans la demande doit, lui aussi, rester le même. Immutabilité du procès. « Attendu que, selon le principe de l’immutabilité du procès, le lien d’instance que fait naître entre les parties la demande introductive d’instance doit demeurer inchangé dans ses éléments (parties, qualité des parties, objet, cause) depuis l’acte initial de la procédure jusqu’au jugement; que, de ce fait, dès lors que l’instance a été engagée, ses éléments, son cadre ne doivent pas être changés ou modifiés en ce sens qu’on ne peut substituer un tiers à un plaideur ou changer la qualité de ce dernier (…) »
Ainsi, le droit procédural a consacré le principe de l’immutabilité de la demande. La demande originaire que présente l’un des protagonistes au procès, en l’occurrence la partie demanderesse, est revêtue d’une stabilité que traduit la notion d’immutabilité. Aussitôt formée puis soumise à l’appréciation du juge, elle doit demeurer en son état, intacte, identique à elle-même, pour permettre que soient appréciés ses mérites, son bien-fondé. La demande pourra subir certaines modifications de forme, mais celles-ci ne pourront toucher le fond de la demande et devront conserver un lien de connexité suffisant avec elle.
Du côté de la partie défenderesse et des autres intervenants, l’immutabilité est moins marquée. Le juge lui-même pourra faire évoluer le litige par des transformations que son pouvoir souverain l’autorise à apporter. En outre, les données de fait et le droit qui leur est applicable pourront contribuer au phénomène de l’évolutivité du procès par la survenance de faits nouveaux. C’est en ce sens que les juristes parlent de la mutabilité des éléments de fait et des éléments de droit.
Dans le déroulement du procès, les voies de recours pourront favoriser l’évolution du litige, par exemple en cas d’interjection d’appel. Mais le principe de l’autorité de la chose jugée en première instance constituera un facteur de fixation ou d’immutabilité du litige. « Le retour au principe d’immutabilité permettrait de traiter le litige de façon complète en première instance. Le jugement pourra dès lors être revêtu d’une autorité de chose jugée renforcée. »
Les exceptions au principe de l’immutabilité ont trait aux demandes additionnelles formées par le demandeur et aux demandes reconventionnelles introduites par le défendeur.
Le principe du double degré de juridiction justifie l’immutabilité stricte du litige en appel. « Au demeurant, c’est également le principe fondamental du double degré de juridiction, protecteur des droits de la défense comme de la hiérarchie judiciaire, qui s’oppose à ce qu’une demande non débattue en première instance puisse être directement déférée à la Cour. D’où le traditionnel principe de l’immutabilité du litige entre les deux degrés et, corrélativement, la règle de l’interdiction des demandes nouvelles en cause d’appel. »
Il demeure entendu que cette immutabilité n’est pas absolue mais relative. Les modifications et les abrogations législatives tout comme les revirements et les bris jurisprudentiels participent du caractère évolutif du droit.
Ce principe trouve son prolongement dans le droit de l’immigration. Règle de l’immutabilité du nom. « La francisation permet à un étranger qui acquiert la nationalité française de modifier son nom et/ou son ou ses prénoms pour leur donner une consonance française lorsque la consonance étrangère peut gêner son intégration dans la communauté française. Il s’agit d’une procédure dérogatoire à la règle de l’immutabilité du nom qui existe en droit français. »
Il en est ainsi pour les régimes matrimoniaux. Principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux, des régimes patrimoniaux, du contrat passé par les époux. « L’immutabilité des conventions matrimoniales se heurte aujourd’hui à la faculté dont dispose le juge de vérifier le respect de l’intérêt, juridiquement protégé, de l’enfant. » « Après le divorce, l’un des parents peut demander au juge de modifier la convention, si l’intérêt des enfants venait à se trouver gravement menacé par suite de ’circonstances imprévisibles’, formule extrêmement restrictive qui souligne l’importance encore accordée au principe de l’immutabilité du contrat. » Déclin du principe de l’immutabilité du régime matrimonial. « À l’origine, le droit des régimes matrimoniaux, droit rigide et complexe, était fondé sur l’immutabilité des conventions matrimoniales et la prépondérance maritale. » Au Québec, une loi de 1965 a aboli le principe de l’immutabilité du régime matrimonial, le remplaçant par une mutabilité contrôlée judiciairement d’après le critère de l’intérêt de la famille. Immutabilité de la pension alimentaire du conjoint.
Le contrat de travail, d’ailleurs, demeure assujetti au principe de l’immutabilité, sauf accord des deux parties. Cette immutabilité contractuelle correspond, en common law, au principe du caractère sacré (on trouve aussi sainteté) du contrat ("sanctity of contract"), par exemple le caractère sacré, donc immuable, des contrats entre conjoints, même si la validité de cette conception a été contestée par les tribunaux de common law, qui lui ont apporté des tempéraments.
Outre le caractère sacré des formes variées de marchés, de conventions et de contrats intervenus légalement, c’est-à-dire du libre consentement éclairé des parties intéressées, il convient de mentionner les formes de l’immutabilité juridique que constituent les principes sacro-saints de l’inviolabilité et de l’intégrité de la personne physique, de son corps, de la vie humaine et de la vie privée, de l’intégrité de la personnalité morale, de l’inviolabilité du foyer, de la demeure ou du domicile familial, du droit de propriété, de l’intégrité des clauses d’arbitrage 1 stipulées dans les conventions collectives ainsi que du caractère sacré, et, donc, de l’inviolabilité, du mariage, des biens, de l’ordre public, des relations professionnelles, telles que la relation entre l’avocat, le conseiller juridique ou le notaire et son client, du dossier de l’avocat, de la famille, des rapports juridiques ou encore du droit de vote dans les sociétés démocratiques.
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton