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Juridictionnaire

légistique

  1. C’est en 1950, quand est publié l’ouvrage de Masquelin et Frey sur la Légistique formelle, qu’apparaît pour la première fois la notion de légistique. Aussitôt critiqués comme belgicismes de mauvais aloi et impropriétés, le mot légistique et le terme légistique formelle sont malgré tout reçus en France, en Suisse et au Canada. Même en Belgique, aucun cas n’est fait de ces observations des puristes et l’ouvrage de 1950 est suivi d’autres réalisations : Code – formulaire de légistique en 1960 et Traité de légistique formelle en 1982.

    Les dictionnaires généraux et plusieurs vocabulaires juridiques n’enregistrent pas encore le mot légistique. Ce néologisme étant correctement construit sur le latin lex, legis (loi) et étant fort répandu dans les écrits juridiques et chez tous les auteurs, il reste à parier que le mot fera bientôt son entrée de plain-pied dans le vocabulaire français attesté par les lexicographes et qu’il perdra ainsi son caractère injustifié de particularité lexicale du français en Belgique.

  2. Entendue comme l’étude des aspects formels de la loi, la légistique est une méthode, une discipline, certains osent même dire une science, auxiliaire de la jurilinguistique et, plus généralement, de la science juridique. Elle s’intéresse au premier chef à toutes les questions se rapportant à la technique législative, notion qui recouvre l’ensemble des règles, procédés et usages concernant la forme et la rédaction des textes législatifs et réglementaires : présentation matérielle du texte, processus de son élaboration par les rédacteurs et les rédactrices législatifs (qu’il y a lieu de distinguer des légistes), forme linguistique, autrement dit la « plastique de la loi » pour suivre Ihering, composition de la loi (au sens de sa confection, comme l’entendait déjà Montesquieu), soit le plan de la loi, ses découpages, sa disposition, la formulation de la loi, plus précisément son style (aspects graphiques – lettres majuscules, signes de ponctuation, espaces, aspects lexicaux et syntaxiques –, aspects stylistiques et même juristylistiques du discours du législateur, organisation des lois, leur coordination et leur classement, les règles régissant leur modification, leur abrogation, leur codification ou leur consolidation, leur refonte, leur interprétation, leur application dans le temps et leur réception juridique).

    Cette ample matière de la légistique oblige à la diviser en trois catégories grâce auxquelles se répartiront les travaux réalisés dans cette discipline : légistique formelle, légistique matérielle ou substantielle et légistique comparée.

  3. La légistique formelle s’attache principalement aux règles de la rédaction législative, à la structure, à l’organisation interne et à la forme des textes de lois. Elle étudie les règles formelles qui régissent la formulation et l’apparence du texte, la composition des lois et le style législatif. « Le style et la langue législatifs sont au cœur des préoccupations des chercheurs en légistique. »

    Plus précisément, la légistique formelle se penche sur les principes et les mécanismes essentiels de la technique rédactionnelle. Elle énonce, parfois sous forme de préceptes (Byvoet), parfois sous forme de guides de rédaction, des règles de légistique qui sont des principes propres à éclairer les rédacteurs et les rédactrices de textes de lois et de règlements. Ces principes définissent les conditions qui assurent la qualité et la sécurité juridiques de la législation et de la réglementation, les érigeant en normes rédactionnelles pour les sections de législation des autorités publiques. Les travaux de légistique canadienne et belge en particulier ont fourni et fournissent encore de nombreux outils de travail qui visent à améliorer la qualité linguistique de nos lois et à leur assurer une uniformité et une cohérence nécessaires. Légistique française, suisse. Usages de la légistique anglaise et américaine.

    La légistique formelle étant une méthode relativement nouvelle, les auteurs en donnent des définitions diverses. « Recherche de procédés, de règles et de formules, destinés à une rédaction correcte et à une meilleure appréhension des textes normatifs, et s’efforçant de parvenir à cette fin par l’harmonie, la clarté et le rejet des différences non fondées. » « Science (science appliquée) de la législation, qui cherche à déterminer les meilleures modalités d’élaboration, de rédaction, d’édiction et d’application des normes. »

  4. La légistique matérielle ou substantielle s’attache à la procédure législative, à la méthodologie législative, à la théorie de la législation, à la sociologie législative, bref, à la science législative. Elle a pour objet les questions diverses qui portent sur les normes et sur les valeurs établies par l’énoncé de la règle de droit, sur la philosophie du droit dans la perspective du droit législatif, sur le respect des compétences, sur l’harmonie des textes avec le droit positif existant, sur l’inflation législative, sur la motivation des actes administratifs, sur la codification, la consolidation et la refonte des lois, sur leur interprétation et sur leur réception. Pour elle, la technique législative est soumise à une véritable éthique, dirait-on, qui régit aussi bien l’interprétation que l’application du droit législatif.

    La légistique matérielle ou substantielle a été définie comme « la méthode visant à rationaliser le processus de formation et de mise en œuvre de la loi. »

  5. La légistique comparée s’intéresse aux techniques de transposition des règles de droit en contexte de dualité ou de pluralité juridique et de bilinguisme ou de multilinguisme, en somme, à ce qu’on a appelé tour à tour la « cohabitation » du bilinguisme ou du multilinguisme et de la dualité juridique ou de la pluralité juridique dans la législation, et, au Canada, à l’« harmonisation » de la législation fédérale avec le droit civil québécois et la dualité juridique (que plusieurs appellent le bijuridisme). Exemple d’application : la Loi d’harmonisation du droit fédéral avec le droit civil.

    Différente de celle qui inspire la légistique formelle, cette méthode étudie les difficultés de la rédaction législative et réglementaire qui ne sont pas d’ordre linguistique mais politique, dans pareil contexte, ce qui la conduit à explorer des thèmes comme les techniques de corédaction et de rédaction parallèle et l’examen du processus législatif inspiré par le droit civil et la common law.

    Dans ce cadre de réflexion, les juristes se penchent sur la science de la législation en analysant divers aspects d’ordres aussi différents que la théorie générale du droit, la sociologie du droit, l’évaluation législative ou le rôle des droits étrangers dans l’élaboration du texte de loi qui caractérisent le processus législatif d’autorités législatives telles que la Grande-Bretagne, la Belgique, le Canada, la France, la Suisse ou la Bulgarie.

    Les études de droit comparé qui s’organisent autour du thème unificateur des législations nationales et des codes participent des travaux de légistique comparée, notamment dans la mesure où elles ne perdent pas de vue les aspects formels de l’acte législatif.

  6. Comme adjectif, le mot légistique s’emploie d’abord au sens de ce qui se rapporte à la technique législative. Réforme légistique. Méthodes légistiques. « Au Canada et au Nouveau-Brunswick, la réforme légistique a eu plus de succès dans la formulation des articles que dans la structuration du texte législatif. » « Dans bien des cas, la réforme légistique n’a été qu’une concession faite par les légistes anglophones à leurs homologues francophones, sans que les premiers aient senti le besoin de changer leur manière traditionnelle de confectionner des lois. » « Les méthodes légistiques se distinguent aussi du point de vue du découpage du texte et du recours aux divisions, technique beaucoup plus poussée dans les pays de tradition civiliste. »

    Autre sens : ce qui se rapporte à l’aspect formel de la loi. « On ignore les vicissitudes linguistico-culturelles qui ont conféré une connotation légistique au terme « article », venu d’un mot latin dépourvu de signification juridique particulière. » « Semblent relever évidemment de la catégorie qui est en tête, dans l’ordre numéral, les articles 1er qui ne touchent qu’à l’aspect formel des lois. On dénommera la sous-espèce : Article premier légistique. »