La présente version du Juridictionnaire a été archivée et ne sera plus mise à jour jusqu'à son retrait définitif.
Veuillez consulter la version remaniée du Juridictionnaire pour obtenir notre contenu le plus à jour, et n'oubliez pas de modifier vos favoris!
Dans le vocabulaire imagé inspiré par le corps humain, le langage du droit retient, entre autres, les métaphores heureuses de la tête (de loin la partie du corps que privilégient les juristes), des yeux, du pied pour désigner des réalités ou des notions juridiques.
Si celle du pied permet de désigner le bas d’un acte par opposition à son en-tête (se reporter à l’article au pied de) et celle des yeux évoque l’idée de l’impartialité de la justice (et non de son aveuglement), toutes celles du bras évoquent à leur tour la nature, la portée, l’étendue, la force et les effets de la sévérité des lois, du mandat des agents d’exécution des lois ainsi que des ordonnances et injonctions des tribunaux de même que des actes de justice de leurs juges (le bras de justice, le bras armé de la justice, le bras séculier de la justice, le bras du fisc et le bras de l’État par opposition, ici, à celui des autorités militaires et ecclésiastiques).
Plus précisément, dans le discours doctrinal et jurisprudentiel surtout, l’image corporelle de la main associée à celle de la tête ou du chef (du latin caput) désigne métaphoriquement le sujet de droit – personne physique ou morale – actif ou passif, qui reçoit de la loi ou de la règle de droit, actuellement ou virtuellement, de par sa qualité et sa vocation, parfois de par sa mission même, des droits, des pouvoirs, des responsabilités inhérents à ses fonctions ou à son habilitation pour assurer la direction de sa vie juridique, la main étant de ce fait considérée comme le support d’un droit subjectif.
Cette qualité est assortie de diverses prérogatives et facultés qui lui sont reconnues et qui la distinguent des autres sujets de droit.
Ce qui est né en sa possession, ce qui est né de par sa personnalité juridique et qui l’oblige personnellement se trouve, selon le cas, sur sa tête ou entre ses mains.
Dans tous ces exemples, on constate que la locution sous main de justice s’emploie en fonction tant adjectivale (biens sous main de justice) qu’adverbiale.
En matière de saisie vente, le créancier peut demander le placement sous main de justice d’un bien appartenant au débiteur soit en vue de le faire vendre aux enchères publiques et de se payer sur le prix, soit à titre conservatoire pour que le débiteur ne le fasse échapper aux droits du créancier.
La locution en main(s) (accompagnée quand besoin est d’un adjectif) est apparentée. Biens placés par entiercement en main tierce, mis entre les mains du tiers convenu, entre des mains neutres. Dépôt fait en mains tierces.
Variante : en quelque main que ce soit. Faire valoir son droit sur un immeuble hypothéqué en quelque main qu’il se trouve.
Autres variantes au même sens : dans les mains de. Réunion des fonds dominant et servant dans les mains du même propriétaire (marquant l’extinction de la servitude). Biens existant dans les mains des légataires.
En sous main; de la main à la main. L’acte qualifié d’occulte se fait, s’établit en sous main, de la main à la main, pour tromper. De main en main. Par exemple, les biens fonciers des particuliers se transmettent de main en main, à la différence de leur possession par des personnes morales, d’où la qualification de mainmorte pour pareille possession.
Dans le droit de la preuve, on dit de la preuve par ouï-dire qu’elle est de seconde main, celle qui provient de l’auteur lui-même de la déclaration produite au tribunal étant qualifiée de preuve de première main.
Vider les mains. S’agissant de biens ou de sommes d’argent, la locution vider les mains signifie remettre un objet, un bien, de l’argent qui ne nous appartient pas, mais dont on se trouve à être possesseur. Ainsi dira-t-on que le tiers saisi est tenu de vider ses mains en celles de l’huissier de justice. En outre, le débiteur se vide les mains quand il remet au créancier judiciaire les sommes saisies en règlement de ses dettes.
Passer d’une main à l’autre. La locution venir aux droits de quelqu’un, courante en droit successoral (qui signifie succéder ou recueillir une succession), s’emploie au sens d’acquérir les droits d’autrui. Leur nouveau titulaire est dit alors tenir ses droits du titulaire précédent, nommé auteur par rapport à l’acquéreur. Les droits en question sont ainsi passés d’une main à l’autre.
Il convient de rappeler ici, même par moyen de digression, mais pour profiter avantageusement de l’occasion, que le mandat de main-forte n’est pas un mandat de perquisition. Une perquisition devient abusive lorsque les policiers agissent en vertu d’un mandat de main-forte dans le cadre de leur fouille, perquisition et saisie, alors qu’il leur eût fallu procéder régulièrement en vertu d’un mandat de perquisition.
Dans les actes sous seing privé, dans les conventions et les contrats et autres actes juridiques, il faut éviter, dans la clause dite en foi de quoi, de dire que les parties ont passé l’acte [sous la main] ou, en anglais, "under the hands", de leurs représentants compétents dûment autorisés à cet égard; la main dont il s’agit ici est plutôt, correctement, leur seing ou leur signature.
Il est d’intérêt, enfin, de souligner par rappel historique que, à l’origine, la main de justice était un objet matériel, un sceptre remis à l’autorité royale, puis, qu’avec le temps, elle est devenue l’emblème de l’autorité judiciaire symbolisée par une main d’ivoire reposant sur le bâton royal. Elle est passée, enfin, du monde concret des signes du droit au monde abstrait des images du droit par la création de l’expression sous main de justice. Pareille considération relève de la sémiologie juridique.
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton