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Juridictionnaire

probatoire

  1. L’adjectif probatoire est issu du latin probatorius, dérivé adjectival du verbe probare signifiant prouver. Est qualifié de probatoire ce qui tend à prouver, ce qui vise à démontrer, à établir, ce qui a pour objet de faire accepter quelque chose comme bon, juste, satisfaisant, valable. D’où les épreuves, les examens, les essais, les tests dits probatoires parce qu’on les fait passer au crible pour s’assurer qu’une personne (un élève, une candidate, un postulant) ou qu’une chose (une machine, un produit, un service) satisfait à des critères adoptés ou répond à des normes établies.

    On fait un usage probatoire d’une chose lorsqu’on l’utilise comme élément de preuve pour justifier le bien-fondé d’une position, d’une hypothèse. « Par la notion d’usage probatoire, on entend désigner ici l’utilisation de l’entretien unique comme preuve de la validité et de la supériorité d’une hypothèse. »

    Pour les occurrences du mot probatoire, on le trouve principalement employé dans le droit de la preuve, en droit pénal, dans le droit de la sécurité routière et dans le droit du travail.

  2. Dans le droit de la preuve, l’adjectif probatoire qualifie tout ce qui permet de fournir une preuve, de l’établir ou de la réfuter. Dans un sens plus faible, il désigne tout ce qui se rapporte à la preuve juridique, autrement dit à la preuve judiciaire.

    Dans la désignation des domaines et des sous-domaines du droit, l’adjectif remplace le complément de nom lorsqu’il se définit comme étant ce qui est relatif à l’objet de ce droit. Ainsi parle-t-on du droit procédural ou du droit de la procédure, du droit contractuel ou du droit des contrats, du droit successoral ou du droit des successions, du droit communautaire ou du droit des communautés, du droit européen ou du droit de l’Europe, du droit fiscal ou du droit de la fiscalité, du droit administratif ou du droit de l’administration publique, du droit municipal ou du droit des municipalités, du droit familial ou du droit de la famille, du droit commercial ou du droit du commerce, du droit comptable ou du droit des valeurs comptables, et ainsi de suite. Aussi peut-on justement et correctement parler du droit probatoire en parlant du droit de la preuve. Droit probatoire général, droit probatoire pénal, droit probatoire civil.

    Un régime probatoire s’entend d’un ensemble de règles et de dispositions qui régissent l’administration de la preuve dans une matière particulière telle que le régime probatoire de la signature, du document, du commerce électronique ou encore le régime probatoire de la discrimination. Par exemple, il y a adoption d’un régime probatoire lorsqu’une loi vient adapter le droit de la preuve en une certaine matière pour le rendre conforme à un autre régime probatoire. Par exemple, en adoptant le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information, la France inscrit en 2000 son régime probatoire dans le cadre commun de la Communauté européenne.

    Un système probatoire est constitué d’un ensemble légal organisé qui est prévu pour régir l’administration de la preuve, les modes et les moyens de preuve, la hiérarchie des preuves, les techniques de preuve (modes, moyens, hiérarchies, techniques probatoires) dans une matière particulière. Par exemple, le système des preuves de la filiation en droit familial est un système probatoire de la filiation, le système des preuves du mariage est un système probatoire du mariage et le système des preuves des infractions sexuelles est un système probatoire des infractions sexuelles mis à la disposition des victimes pour établir qu’il y a eu commission de telles infractions.

    Les modes probatoires sont les méthodes de preuve légales comme la preuve littérale, la preuve testimoniale, la preuve indiciaire ou indiciale, la preuve présomptive ou circonstancielle, l’aveu 1 et le serment décisoire ou litisdécisoire. Effet probatoire des modes de preuve. Modalités probatoires.

    La preuve elle-même dans son sens premier d’opération ou de mécanisme probatoire se conçoit comme un élément probatoire exigé par la loi.

    Les restrictions probatoires sont celles qui sont apportées dans l’administration de certaines preuves relatives à des actes juridiques où à des faits. On dira que ces actes ou que ces faits sont soumis à des restrictions probatoires.

    La valeur ou la force probatoire est appréciée selon qu’elle permet d’apporter la preuve de l’existence juridique ou de la validité d’un acte ou d’un fait. « En droit français, l’écrit a soit une valeur probatoire, soit une fonction solennelle tendant à protéger le consentement des parties. Dans ce dernier cas, il est exigé ad validitatem pour assurer la validité juridique de l’acte. » Valeur probatoire de l’écrit. Statut probatoire. L’écrit destiné à servir de preuve présente une valeur probatoire. L’acte établi en vue de l’établissement d’une preuve est qualifié de probatoire ou d’acte ad probationem.

    La liberté de la preuve ou liberté probatoire renvoie au principe de liberté qui régit les moyens de preuve en certaines matières. Par exemple, il y a liberté probatoire quand un texte prévoit que des écrits peuvent être contredits par tous moyens (article 2836 du Code civil du Québec) ou que, comme le dit l’article 109 du Code du commerce français : « À l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi : » Un principe d’UNIDROIT applicable au contrat électronique prévoit une grande souplesse quant à la preuve à rapporter en matière contractuelle. Souplesse probatoire. « Au nom de la souplesse probatoire nécessaire dans le droit du commerce électronique, le contrat électronique peut être prouvé par tous moyens, y compris par témoins. » Fonction probatoire de l’écrit électronique.

    On parle de l’enjeu probatoire quand on considère comment est administrée la preuve dans des branches de droit différentes ou dans des régimes de droit différents. Ainsi, l’enjeu probatoire est particulier selon que l’on se trouve sur le terrain du droit pénal, où il s’agit de reconstituer les faits objet de la poursuite et les acteurs, ou sur celui du droit civil, où la preuve devient le moyen offert à une partie demanderesse d’assurer l’efficacité du droit dont elle se prévaut.

    Les locutions à des fins probatoires ou à titre probatoire signifient en vue de servir de preuve.

    Le discours probatoire s’entend de la démarche linguistique adoptée pour présenter ou exposer une série de preuves au tribunal. Dans ce type de discours persuasif, la rhétorique probatoire est l’ensemble des moyens argumentatifs et stylistiques mis à la disposition du plaideur pour convaincre ou persuader le tribunal de la vérité ou du bien-fondé de ses prétentions.

  3. On ne peut parler de preuve [probatoire], sauf si on entend commettre sciemment un pléonasme vicieux. « La Cour a jugé qu’il y avait une distinction entre l’affidavit d’attestation, qui énumère les faits pertinents, et le constat d’assermentation, qui constitue une preuve probatoire de l’état d’achèvement de l’affidavit. » (= Il eût fallu dire une pièce probante, une preuve concluante).
  4. Dans la procédure civile française, le référé est une procédure de prompte intervention qui permet, du fait de la célérité de l’affaire, de régler rapidement et provisoirement une question soulevée d’urgence en vue d’une solution judiciaire éventuelle. La juridiction des référés a pour mission primordiale de rendre à très bref délai des décisions provisoires qui, en raison de ce caractère provisoire, sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée.

    Le référé probatoire prévu à l’article 145 du Nouveau Code de procédure civile est ainsi qualifié parce qu’il se rapporte à la conservation ou à l’établissement d’une preuve destinée à servir dans un éventuel litige. Par voie de requête, demande est présentée au juge des référés d’ordonner toutes mesures d’instruction propres à conserver ou à établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige. Cette disposition fonde aussi l’action probatoire, encore appelée action en référé probatoire. Par exemple, l’employeur qui entend démontrer au moyen de courriels que son employé commet ou a commis des actes fautifs justifiant son congédiement pour motif réel et sérieux s’adressera au juge pour obtenir l’autorisation de procéder à la recherche et à la sauvegarde des éléments de preuve tout en préservant les droits et les garanties fondamentales de l’employé au titre de sa vie privée. « L’article 145 NCPC sert à la recherche et à la conservation des preuves sans qu’il puisse permettre de découvrir un fondement probatoire pour une demande en justice postérieure. »

    Le fondement probatoire (ou fondement de preuve) désigne la preuve ou les éléments de preuve nécessaires dans les circonstances d’une espèce, la suffisance de preuve nécessaire pour justifier une position, une conclusion ou une décision, pour trancher une question, pour emporter la conviction du tribunal ou pour étayer une conclusion. Fondement probatoire d’une affaire, d’un arrêt, d’une cause, d’une demande, d’un litige. Fondement probatoire raisonnable. « Si le dossier faisait état d’un fondement probatoire raisonnable sur lequel le membre a pu apprécier les facteurs, il n’incomberait pas à la Cour de repeser la preuve. »

    Fondement probatoire, minimal, pertinent, suffisant, utile. Absence, manque de fondement probatoire des accusations, des allégations, des arguments, des déclarations, des prétentions. Fournir un fondement probatoire. Reposer sur un fondement probatoire. « Le tribunal a appuyé ses conclusions sur des présomptions ne reposant sur aucun fondement probatoire. » Constituer, établir un fondement probatoire. Disposer d’un fondement probatoire. S’appuyer sur un fondement probatoire.

  5. En droit pénal, l’adjectif probatoire qualifie le temps accordé à une personne déclarée coupable d’un délit ou d’une infraction pour lui donner l’occasion de démontrer que sa probation a porté fruit et qu’elle ne récidivera pas.

    Ainsi en est-il en droit pénal français du délai probatoire applicable au délinquant qui lui permet de démontrer que le temps écoulé depuis sa détention l’a aidé à se réformer et à satisfaire aux conditions de sa probation de telle sorte à pouvoir être reclassé. L’ordonnance probatoire l’oblige à demeurer sous la surveillance d’un agent de probation.

    En matière de probation, le sursis dit probatoire est celui qui est ordonné pour que l’exécution de la peine d’emprisonnement encourue par le délinquant soit suspendue. Le tribunal décide alors d’éprouver la sincérité du délinquant qui déclare être déterminé à ne pas récidiver et à vivre désormais dans le respect des lois. Le sursis de la peine est assorti d’une probation, d’où la qualification du sursis.

    L’adjectif probatoire entre en concurrence avec l’adjectif probationnaire pour qualifier, en droit criminel canadien, la période accordée au probationnaire – personne déclarée coupable d’une infraction criminelle, mais bénéficiant d’une suspension de peine et mise en probation – pour respecter les conditions dont sont assorties sa probation et éviter de purger une peine de détention ou d’emprisonnement.

  6. Dans le droit de la sécurité routière, le permis probatoire a été institué par des lois dont l’un des objets est de lutter contre la conduite automobile sans permis ou contre la conduite routière irréfléchie et dangereuse. Permis de conduire probatoire. Délai, période probatoire.

    Le permis probatoire est accordé aux personnes qui obtiennent leur permis pour la première fois et à toutes celles qui ont repassé l’examen du permis de conduire après avoir perdu leur permis par décision judiciaire ou de police ou après avoir perdu tout leur capital de points à la suite d’une infraction grave ou de plusieurs infractions au code de la route.

    En France, le permis probatoire est doté d’un capital de six points pendant une période probatoire de trois ans. Au Québec, il est délivré au titulaire d’un permis d’apprenti conducteur qui, après une période de conduite automobile de douze mois, réussit l’examen pratique de la Société de l’assurance automobile du Québec.

  7. Dans le droit canadien du travail, le mot probation est un canadianisme employé pour désigner la période que l’employeur accorde à son employé pour lui permettre de démontrer qu’il possède les aptitudes attachées au poste auquel il a été nommé ou promu. La période probatoire ou d’attente est aussi celle au cours de laquelle le salarié doit laisser s’écouler un certain temps dans le poste qu’il occupe avant de pouvoir adhérer à un régime quelconque, que ce régime soit prévu par la convention collective qui le régit, s’il en est, ou autrement.

    Selon le point de vue adopté, cet espace de temps plus ou moins long selon le régime d’emploi est une période probatoire dans l’optique de l’employeur et une période d’attente dans celle de l’employé.

    Le stage probatoire est la période pendant laquelle le stagiaire doit démontrer qu’il possède les qualités ou les aptitudes nécessaires pour satisfaire à des exigences imposées et obtenir la permanence. On peut appeler du terme d’employé en stage probatoire tout employé dit stagiaire, en stage, en probation, à l’essai ou à l’entraînement.

  8. On confond souvent les adjectifs probatoire et probant, tous deux issus du verbe latin probare. Ces deux termes ne sont pas interchangeables. Probatoire signifie qui est destiné à prouver (acte, fait probatoire), tandis que probant signifie qui constitue une preuve (pièce probante), qui prouve (fait probant). C’est dans son deuxième sens, celui de concluant, de convaincant, que probant se prend en une acception toute autre que probatoire : la force probante d’un élément de preuve, c’est sa valeur de preuve convaincante.

    On ne dit jamais d’un témoignage probant qu’il est [probatoire]. Une preuve probante a du poids, elle est convaincante, concluante, et non [probatoire]. Le fait probatoire dans le régime français de la common law permet d’établir l’existence d’un fait substantiel, d’un fait sur lequel repose le fond du procès, ou de le réfuter, tandis que le fait probant est concluant.

  • BRANCHE.
  • FORME.
  • HYPOTHÈSE.