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Juridictionnaire

demander / ester 1 / plaider

  1. En droit judiciaire, la demande adressée à la juridiction est l’acte au moyen duquel la partie demanderesse (le ou les demandeurs, la ou les demanderesses) formule une ou des prétentions qu’elle soumet à l’examen du tribunal pour qu’il statue sur celles-ci.

    L’objet de la demande intéresse le sujet du verbe (demander pour soi) ou toute autre personne (demander pour autrui). Demander (ou solliciter) la reconnaissance d’un droit, l’annulation d’un contrat, demander ou solliciter une injonction, une ordonnance, des dommages-intérêts.

    La demande ainsi conçue est dite formulée en justice. Demander en justice signifie donc, simplement, présenter au tribunal une ou des prétentions. Il y a lieu de distinguer cette locution de deux expressions apparentées : ester en justice et plaider en justice.

  2. Le verbe ester est intransitif et ne s’emploie qu’à l’infinitif. Essentiellement juridique, il a un sens large et un sens restreint, tous deux actifs.

    Au sens large, ester (du latin stare, ou se tenir debout) signifie exercer une action en justice ("to sue or be sued"), comparaître devant un tribunal pour y faire valoir ses droits. En un sens plus restreint, c’est agir en justice, intenter une action, entamer des poursuites, introduire une instance ou une demande ("to sue"). S’il est employé en ce deuxième sens, il ne forme pas une expression redondante dans l’exemple suivant : « N’ayant pas la personnalité morale, la coentreprise ne peut ester ou être poursuivie en justice. »

    On dit ester (en justice) « dans » une action, mais « devant » un tribunal. « Le principe de common law qui permet à quiconque d’ester en justice dans une action civile en dommages-intérêts est bien établi. » « Cette société ne peut ester en justice que devant les juridictions de droit commun et non devant la Cour de l’Échiquier du Canada. »

  3. L’action d’ester en justice est un droit, un pouvoir conféré à une personne physique ou morale, dont la capacité juridique est reconnue par la loi. Avoir la capacité, le droit, le pouvoir d’ester en justice. Être capable d’ester en justice. Être admis, autorisé à ester en justice. Être privé de son droit d’ester en justice.

    La capacité d’ester est celle de pouvoir se porter partie. La faculté d’ester a trois faces : l’une, active, comme partie demanderesse, l’autre, passive, comme partie défenderesse, et une troisième, intermédiaire, comme partie intervenante; elle varie selon la nature de l’action engagée.

    Outre ces notions, les concepts le plus souvent associés à cette locution verbale sont ceux de qualité et d’intérêt (faire reconnaître son intérêt de poursuivre, avoir un intérêt suffisant pour contester une décision, c’est ce qu’on appelle en droit le locus standi). « En equity, beaucoup plus de justiciables ont qualité et intérêt pour ester en justice qu’en common law. » « Il est universellement admis que l’intérêt pour ester en justice doit exister au moment où se forme le recours. »

  4. On peut ester seul (relativement à qqch.), ester à titre de demandeur, de défendeur, d’intervenant, à titre personnel, en sa qualité personnelle, en ou sous son propre nom, en son nom personnel, personnellement, au nom de qqn et pour le compte de qqn. Il faut savoir distinguer ces deux dernières expressions. Ainsi, un mineur, un incapable ne peuvent ester en justice à titre personnel; ils doivent être représentés personnellement. Un État peut ester en sa qualité personnelle, une société commerciale utilise son appellation ou sa dénomination pour ester en justice. En agissant par l’intermédiaire d’une société de l’État canadien, la Reine peut ester au nom de celle-ci devant toute cour compétente et non pour le compte de celle-ci.
  5. Les exemples précédents ont montré que le cooccurrent justice fait rarement place à un autre terme lorsqu’il suit ester. La documentation atteste toutefois ester en demande, ester en défense, ester à l’instruction : « Les demandeurs mis en faillite ne peuvent ester à l’instruction à ce titre que si le juge conclut que leurs droits, dévolus au syndic, leur sont rétrocédés. » Ester en jugement : « La femme peut maintenant ester en jugement sans devoir être autorisée à cette fin par son mari. » Ester en matière civile, en matière pénale : « Les syndicats peuvent ester en matière civile. » Ester en répétition de qqch. : « Les avocats soutiennent qu’aucun transfert du droit d’ester en répétition des débours engagés n’a été effectué. »
  6. Considérant qu’ester en justice est un terme de Palais archaïque, Mimin recommande de le remplacer par plaider, générique qu’il considère plus simple. Mais on trouvera difficile de recourir à cette solution en situation réelle, l’équivalence sémantique n’étant pas parfaite. Plaider marque surtout l’action de soutenir ou de contester qqch. en justice, de défendre une cause, tandis qu’ester évoque le recours à la justice, la participation à un procès, et s’emploie pour marquer la capacité d’agir en justice.

    Ester en justice est tout à fait courant dans les textes juridiques et il figure encore dans la nomenclature des vocabulaires; on voit mal comment on pourrait le remplacer ainsi sans appauvrir notre langue.

  7. La locution verbale synonyme ester à droit, synonyme d’ester en justice, est désuète.