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Juridictionnaire

demeure / domicile / habitation / résidence

Le mot domicile vient du latin domicilium ou habitation, qui a donné domus ou maison. Cette étymologie mérite d’être signalée : le latinisme désigne une réalité concrète, mais le français juridique l’emprunte pour désigner, d’abord, une réalité abstraite. Les autres quasi-synonymes de domicile désignent tous étymologiquement des actions liées au fait d’occuper habituellement un lieu. Le mot demeure vient du latin verbal demorari, ou demeurer, résidence, du latin verbal residere, ou résider, et habitation, du latin verbal habitare, ou habiter.

  1. Le domicile correspond à une abstraction juridique, à ce que les juristes appellent un pur effet de droit. Demeure légale d’une personne physique ou morale, il est, aux yeux du droit et pour l’application des règles de droit, le lieu où cette personne est censée se trouver, pour les besoins de la justice notamment, soit qu’elle s’y trouve physiquement, soit qu’elle ne s’y trouve pas actuellement.

    En ce sens, le domicile légal, qui est le domicile de droit ou de jure, est le lieu, le siège où la loi considère qu’elle a fixé, pour l’exercice de ses droits, ou qu’elle a la ferme intention d’y fixer son domicile général. « Certaines personnes ont un domicile de droit. Elles ne sont pas libres de fixer leur domicile où elles l’entendent, du moins leur domicile général. Celui-ci leur est attribué d’office et automatiquement par la loi. »

    Ce domicile est aussi qualifié d’obligatoire. « Pour un grand nombre de personnes, la loi a déterminé d’office où se trouve le domicile. Il s’agit alors d’un domicile légal, obligatoire, contre lequel ne peuvent prévaloir ni les situations de fait, ni la volonté de l’intéressé. »

    La loi considère que ces personnes sont toujours présumées être présentes à leur domicile, que ce soit par elles-mêmes ou par l’entremise de leur mandataire.

    Le domicile d’origine est celui que la loi impose à la personne physique dès sa naissance. Il correspond en ce sens au domicile légal. « Le domicile d’origine demeure tant que la personne n’en a pas acquis un nouveau, conformément aux exigences de la loi. » C’est le domicile de ses parents ou de son tuteur, que l’on conserve tant qu’on n’en a pas acquis un nouveau. Il y a donc présomption de domicile d’origine.

    Le domicile acquis vient remplacer le domicile d’origine ou le domicile antérieur. Si le domicile d’origine est involontaire ou indépendant de la volonté de la personne physique, le domicile d’acquisition est, par définition, un domicile volontaire, puisqu’il découle de la volonté du sujet de droit plutôt que de celle du législateur, même s’il peut être, en certains cas, un domicile légal.

    Ainsi en est-il du domicile conjugal, qui résulte de la volonté commune des conjoints : c’est le lieu qu’ils habitent. Son existence n’est pas obligatoire. Leur domicile matrimonial est fixé aux fins de détermination de leur régime matrimonial. C’est le domicile commun des époux au moment du mariage, leur premier domicile conjugal en cas d’absence de contrat de mariage.

    Puisqu’il est fixé par l’intéressé, le domicile acquis ou d’acquisition est un domicile de choix. Le domicile élu ou domicile d’élection est lui aussi un domicile volontaire. Le sujet de droit le choisit librement. Toutefois, ce domicile peut, exceptionnellement, être attribué par la loi dans le cas du domicile choisi en vue de la signification d’actes de procédure, de l’introduction d’une action en justice, d’une demande ou d’une poursuite.

    Le domicile réel du sujet de droit, tel le domicile d’origine et le domicile acquis, est son domicile véritable. Il se distingue du domicile élu, du domicile d’élection qui ne vaut qu’à des fins déterminées. C’est en ce sens que le droit le qualifie de domicile fictif. On ne peut avoir qu’un seul domicile réel, tandis qu’on peut avoir autant de domiciles élus qu’on a d’affaires différentes. Unicité, pluralité de domiciles. « Toute personne ne peut avoir qu’un seul domicile. C’est une source fréquente de confusion entre les notions de domicile et de résidence. Le domicile est le lieu du principal établissement, qui permet de rattacher juridiquement le sujet, qu’il y vive ou non. En dehors du domicile général de l’intéressé, une personne peut avoir des domiciles spéciaux qui peuvent ne pas correspondre au premier, comme le domicile politique (lieu d’exercice de ses droits politiques et électoraux) ou le domicile matrimonial (lieu où doit être célébré le mariage). »

    Les trois caractères que les régimes juridiques attribuent généralement au domicile sont la fixité (avoir un domicile fixe, c’est-à-dire stable), l’unité (avoir un seul domicile, l’unité du domicile excluant, sous certaines réserves, entre autres la domiciliation sociale) et la nécessité juridique (pour l’exercice de ses droits et au titre des effets juridiques du domicile). « La fixité du domicile n’a pas pour conséquence de rendre le domicile immuable; il peut être déplacé, mais il subsiste au lieu où il est établi tant que la personne n’a pas transporté effectivement son principal établissement dans un autre lieu. » « L’unité de domicile exclut toute pluralité du domicile. Tout Français a nécessairement un domicile, ne fût-ce que le domicile d’origine qui, pour le mineur, est celui de ses parents. (…) En dehors du domicile réel ou général, qui est unique, il existe des domiciles spéciaux. »

  2. Il convient de le répéter, le domicile d’élection est le domicile élu. Une personne élit domicile lorsqu’elle choisit et désigne un domicile qui n’est pas son domicile réel, c’est-à-dire son domicile d’origine, son domicile acquis, dans un acte juridique aux fins d’assurer l’exercice de l’un quelconque de ses droits civils, soit l’introduction d’une action en justice, la défense à pareille action, l’exécution d’un contrat ou la signification d’un acte de procédure. « L’élection de domicile ne se présume pas. » Élection de domicile (par une personne sans domicile fixe ou stable) (dans un lieu juridique). Faire une élection de domicile. « L’élection de domicile recouvre à la fois un droit et une procédure. » « La constitution d’un avocat par une partie à un procès vaut élection de domicile au cabinet de celui-ci. »
  3. Le lieu (ou le situs) du domicile s’avère déterminant dans plusieurs domaines du droit. La présence du sujet de droit (par rapport à son absence) se définit juridiquement comme sa présence au lieu de son domicile légal (ou son absence de celui-ci).

    En droit judiciaire, le lieu du domicile permet de fixer le ressort (le lieu géographique) dans l’action intentée contre la partie défenderesse. Dans le droit des élections, pour qu’un électeur puisse être inscrit sur la liste électorale d’une circonscription électorale (Canada) ou d’une commune (France), il faut, notamment, qu’il ait son domicile dans cette circonscription ou dans cette commune.

  4. Le mot domicile perd son sens technique lorsqu’il s’emploie, aussi bien dans la langue juridique que dans la langue usuelle, par exemple dans la langue médiatique et journalistique, pour désigner le lieu de résidence, le lieu d’habitation, la demeure, la maison, le logement d’une personne physique. « L’individu a été arrêté à son domicile. » « Ces soins pourront être dispensés dans les hôpitaux ou à domicile. » « Après la manifestation, chacun a regagné son domicile. » « La perquisition a eu lieu au domicile du suspect. » « Tous les documents se trouvant à son domicile ont été confisqués. » « Après sa faillite personnelle, il s’est retrouvé sans soutien familial, sans revenu et sans domicile. » Le juge de surveillance prescrit au condamné de ne pas s’éloigner de son domicile ou de tout autre lieu de résidence privée ou d’un établissement de soins. » « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. »

    Dans tous les exemples précités, le mot domicile coïncide avec le mot résidence au sens usuel du lieu où vit une personne, sa maison, son logement, son chez-soi.

  5. Les mots domicile et résidence tendent à coïncider toutes les fois que la loi prévoit marquer une équivalence, une synonymie, un choix terminologique entre les deux dénominations d’une même réalité, soit le lieu d’habitation principal ou habituel d’une personne ou de sa famille.

    Ainsi, la notion d’inviolabilité du domicile couvre aussi bien le domicile que la résidence, ces deux vocables coïncidant et ne comportant pas de distinction sémantique aux fins d’application de la loi. Le principe de l’inviolabilité du domicile se rapporte au droit du citoyen au respect de sa vie privée à son domicile. Cette protection légale s’applique à la vie privée d’une personne physique au lieu où elle demeure, que ce soit son domicile ou sa résidence – les deux termes étant en pareil contexte synonymes et désignant tout lieu où une personne peut se dire chez elle, y vivre, y loger, y habiter, l’occuper.

    Le domicile ainsi entendu au sens large devient, en vertu de ce principe, un lieu de vie inviolable par des tiers, exception faite des cas prévus par la loi. Le critère d’habitabilité permet de faire correspondre domicile et résidence. Ce principe n’a pas pour effet de protéger le domicile ou la résidence, mais de protéger la personnalité : elle n’est pas une prérogative de la propriété, mais un droit de la personnalité.

  6. Si le domicile est bien le siège légal d’une personne, son siège juridique, sa résidence est son siège réel, son siège de fait; elle se trouve à son lieu d’habitation ordinaire, habituel; soit son siège accidentel, l’habitation étant en tout lieu où elle se fixe, même pour un bref laps de temps. En voyage, par exemple, l’habitation se trouve dans toutes les localités où la personne s’arrête pour y habiter. Pluralité de résidences, d’habitations. « La résidence d’une personne est le lieu où elle demeure de façon habituelle; en cas de pluralité de résidences, on considère, pour l’établissement du domicile, celle qui a le caractère principal. »

    Une même personne peut, par conséquent, avoir plusieurs résidences : résidence d’été, résidence d’hiver, mais un seul domicile puisque celui-ci est situé, comme disent les codes civils, au lieu unique de son principal établissement.

    La seule présence d’une personne dans un endroit ne fait pas de ce lieu sa résidence, s’il n’est pas en même temps son lieu d’habitation.

  7. Les notions de lieu du domicile, lieu du foyer, lieu de la résidence, lieu du séjour, lieu de l’habitation sont apparentées et peuvent correspondre dans un contexte particulier, sans qu’elles aient nécessairement le même sens en droit.

    Par exemple, au regard du droit fiscal français, il faut entendre par domicile fiscal du résident fiscal le lieu de son foyer principal, de son séjour principal, de son habitation principale, de sa résidence principale. Ainsi le foyer principal s’entendra-t-il du lieu où le contribuable habite normalement, du lieu de sa résidence principale, du lieu de son séjour principal, du lieu de son habitation principale.

    Toutefois, la notion de foyer fiscal, entre autres, diffère, en droit français, selon qu’il s’agit de l’impôt de solidarité sur la fortune ou de l’impôt sur le revenu. Or, faut-il le rappeler, hormis ce contexte particulier du droit fiscal français, le sens du mot domicile en droit est distinct de celui des mots résidence et habitation.

  8. C’est lorsque le mot domicile s’emploie dans son sens technique ou juridique strict qu’il ne faut pas le confondre avec le mot résidence. La Cour peut ordonner qu’un témoin ou qu’un expert soit entendu par l’autorité judiciaire de son domicile. » Dans cet exemple, la loi n’a pas dit résidence mais domicile.

    Tant en droit interne qu’en droit international, le résident est la personne liée à un État par la résidence, indépendamment de sa nationalité ou de son domicile. Les États parties reconnaissent à l’homme et à la femme les mêmes droits en ce qui concerne la législation relative au droit des personnes de circuler librement et de choisir leur résidence et leur domicile. » « Les nomades n’ont souvent aucun domicile fixe ni aucune résidence fixe. » Loi sur le domicile et la résidence habituelle.

  9. La résidence d’une personne physique est le lieu où elle réside, où elle habite, où elle vit actuellement, où elle a une adresse qui n’est pas nécessairement permanente, contrairement à l’adresse de son domicile, laquelle est permanente et figure sur ses pièces d’identité, sur son passeport. Comme pour son domicile, sa résidence permet de définir sa situation juridique par rapport au lieu où elle habite. Avoir, établir, fixer sa résidence (en un lieu déterminé). Lieu de résidence.

    Aux yeux du droit, la résidence d’une personne physique est le lieu où elle habite effectivement durant un certain temps, où elle exerce une activité professionnelle, sans que ce soit nécessairement le lieu de son domicile. Dans le régime de la common law, la résidence, le lieu ordinaire de résidence, le lieu de résidence habituelle doit s’entendre de l’endroit ou du pays où une personne est présente physiquement et y réside, à savoir sa résidence actuelle, réelle, effective.

    La notion de résidence en common law est une question de fait, alors que celle du domicile est une question de droit concernant l’intention d’une personne d’établir résidence en un lieu, soit l’animus manendi ou, sa variante lexicale, l’animus morandi.

    Si une personne n’a qu’un seul domicile, elle peut, par ailleurs, avoir plusieurs résidences : résidence au Canada et à l’étranger, saisonnière, communautaire, universitaire, privée, commune, hôtelière, de location, possédée en copropriété, permanente, temporaire, régulière, légale, de travail, de loisirs, de vacances.

    La résidence principale ou secondaire comporte un caractère : elle peut être d’un certain luxe, de grand confort ou très simple (résidence luxueuse, somptueuse, appartement, chambre de résidence).

  10. Dans le cadre de l’exercice de sa profession, une personne peut être astreinte à (et non [en]) résidence (éloignée) ou être tenue de ne pas changer de résidence, être obligée de demeurer au lieu où elle doit exercer sa profession. Être astreint à une obligation de résidence (cas de diplomates, de fonctionnaires, d’enseignants, de travailleurs tenus d’occuper un logement de fonction). Fonctionnaire astreint à établir sa résidence habituelle en tel lieu. « Le terme astreint ne fait aucunement référence à une obligation faite par un employeur. Il vise les cas où le conjoint doit établir sa résidence loin du lieu de résidence initial pour exercer sa profession, pour quelque raison que ce soit (mutation, changement d’activité, exercice d’une activité libérale dans une autre région(…)). »

    L’expression juridique astreint à résidence change de sens et devient péjorative quand le mot résidence est qualifié. La personne qui est astreinte à résidence surveillée, qui est astreinte à résidence sous surveillance policière, à résidence forcée est accusée d’avoir commis un délit grave ou un crime, mais n’est pas détenue : elle doit avoir sa résidence dans un lieu déterminé ou chez un tiers, ou encore chez elle tout en étant considérée comme détenue à domicile sous surveillance électronique. À l’issue de doutes apparus sur la solidité de l’accusation, il n’est plus astreint à résidence surveillée, mais il ne peut sortir du pays. » En appliquant les dispositions du deuxième alinéa de l’article 39 au cas de personnes contraintes d’abandonner leur résidence habituelle en vertu d’une décision qui les astreint à la résidence forcée dans un autre lieu, la Puissance détentrice se conformera aussi exactement que possible aux règles relatives au traitement des internés. » Mise en résidence forcée. Internement ou mise en résidence forcée. Imposer une résidence forcée. Être placé sous résidence surveillée. Être libéré de sa résidence surveillée. « Les tribunaux lui ont ordonné de se soumettre à l’astreinte à résidence surveillée. » « Le juge peut ainsi décider que tout ou partie de la condamnation s’effectuera sous la forme d’une astreinte à résidence sous bracelet électronique mobile. »

  11. L’assignation à résidence est une mesure de sûreté et de contrôle qui oblige une personne suspectée d’activités illégales ou contraires à l’ordre public, un étranger frappé par un arrêt d’expulsion, un ressortissant, un détenu ayant fait l’objet d’une libération conditionnelle (Canada) ou d’un sursis avec mise à l’épreuve (France), à résider provisoirement dans des lieux déterminés qui lui sont fixés. Il lui est assigné un lieu de résidence dans le cadre d’un arrêté, d’un ordre, d’une ordonnance d’assignation à résidence. « Le projet de loi vise à créer une assignation à résidence. » « Sa peine d’emprisonnement a été commuée en une assignation à résidence. » « Si le contrevenant viole l’ordonnance d’assignation à résidence pour quelque durée que ce soit, il est incarcéré pour une durée qui ne peut excéder le reliquat de la sentence d’assignation à résidence. » Substituer l’assignation à résidence à la peine d’emprisonnement. « Toute assignation à résidence dans un centre communautaire ordonnée par l’autorité compétente est subordonnée, pour devenir opérante, au consentement écrit du commissaire ou de la personne qu’il désigne nommément ou par indication de son poste. » Assignation à la résidence séparée. Demande, mesure, décision, régime d’assignation à résidence. Disposition de l’assignation à résidence. Placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique.

    Cette mesure assure, notamment, une protection aux victimes de violences conjugales, aux victimes d’infractions ou de crimes, aux étrangers gravement malades ou à ceux qui sollicitent la prorogation de leur délai d’expulsion.