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Étant un verbe de la première conjugaison, statuer conserve la voyelle e au futur simple et au conditionnel présent : je statuerai, nous statuerions, ils statueraient.
Ce verbe s’emploie comme transitif indirect (statuer sur un moyen) ou absolument (soit l’indication des conditions dans lesquelles le tribunal a statué) (statuer souverainement, statuer publiquement, statuer contradictoirement, statuer d’office, statuer par voie réglementaire, par voie de dispositions générales, statuer dans un délai de dix jours, statuer en ce sens, statuer autrement). Voir plus loin pour le sens à donner à certaines de ces expressions. Son emploi comme transitif direct (statuer des règlements, des prescriptions, une enquête) est tombé en désuétude.
Le sujet de statuer peut être un animé (le juge statue) ou un inanimé (le jugement, la sentence arbitrale statue). « Le jugement statuera sur la contestation. » « La sentence arbitrale ayant statué sur le fond il n’y a pas de délai additionnel. »
Dans son sens faible, il se rencontre dans l’énoncé des motifs qui forme le corps du jugement, après l’en-tête ou l’intitulé et avant le dispositif. Il s’accompagne de la préposition sur (« L’arbitre peut statuer sur sa propre compétence. ») ou de la conjonction que ou si introduisant une subordonnée complétive. En ce sens atténué, il signifie déclarer avec autorité, apprécier, décider, conclure, déterminer, trancher. « Le protonotaire a adjugé les dépens, mais a omis de statuer sur certains moyens des parties. » « Le tribunal a statué (= a déclaré) que l’ancienne législation avait une portée trop large. » « Le juge a pris appui sur cet arrêt pour statuer que pareille conclusion était déraisonnable. » « Le juge des requêtes a-t-il eu raison de statuer que le Tribunal pouvait poursuivre l’audience? » « Il incombait à l’arbitre de statuer (= de déterminer) si elle était fonctionnaire au sens de l’article 92. » Le plaideur s’adresse au tribunal pour faire statuer sur sa demande. « Le locataire peut s’adresser au tribunal pour faire statuer sur la durée ou sur la modification demandée, sinon il est réputé avoir accepté les nouvelles conditions. »
Ce sens faible du verbe statuer renvoie à l’acte qui permet au pouvoir juridictionnel de se prononcer sur toutes les demandes qui lui sont présentées et de rendre une décision sur les diverses prétentions et sur tous les moyens avancés par les parties. Statuer sur une affaire, sur un appel, sur un litige, sur des questions, sur une requête. « Le fond de la contestation sera porté au même tribunal qui aura statué sur la requête civile. » Statuer sur la recevabilité d’une action. « Selon ce principe, il ne peut être statué sur la recevabilité au fond de l’action tant que les fins de non-recevoir soulevées n’ont pas été vidées. » Faire statuer sur sa demande. Le juge statue sur diverses questions avant de rendre une décision ou une ordonnance, le cas échéant. « Ayant statué sur l’inscription en faux, le tribunal a rendu une ordonnance. » « Il est nécessaire de statuer d’abord sur le premier moyen. »
Il faut se méfier du piège que tend le sens faible du verbe statuer. On ne peut pas dire, par exemple : « Il incombait à l’arbitre de statuer (= de décider) si elle était fonctionnaire au sens de la Loi. » Statuer ne peut pas non plus s’employer de façon interchangeable avec des verbes comme conclure, déterminer, juger, qui ont entre eux une analogie de sens avec des nuances sémantiques particulières à chacun d’eux. Car, bien qu’il soit vrai que tous ces verbes quasi-synonymes ont une idée commune, il reste qu’il peut y avoir synonymie dans des sens très différents qu’il est nécessaire de distinguer si on veut choisir le seul terme qui convienne à l’idée dans son contexte.
Après avoir statué sur les prétentions et les arguments des parties, après avoir tiré des conclusions et des inférences à l’occasion desquelles il a été conduit à statuer à diverses reprises dans l’articulation de son raisonnement, dans sa discussion faisant partie intégrante de l’énoncé de ses motifs, le juge prononce sa décision, statuant (au sens fort) dans le libellé de sa décision qui forme le dispositif du jugement.
Dans ce sens fort, le verbe statuer sera employé absolument (« Tout rapport d’expert ou autre document sur lequel les arbitres peuvent s’appuyer pour statuer doit être communiqué aux parties. ») ou intransitivement. « Le Conseil statue par la décision motivée. » Il forme alors toute une série d’expressions juridiques consacrées ou figées qu’il convient d’énumérer en apportant au besoin les précisions qui s’imposent. Ces expressions sont tirées des jugements et arrêts du droit civil ou des décisions judiciaires de common law.
Statuer sommairement signifie trancher une affaire selon la procédure sommaire, statuer souverainement, c’est trancher dans l’exercice de son pouvoir souverain, statuer publiquement, contradictoirement et en premier ressort, pour une juridiction française, signifie se prononcer en séance publique après débats hors la présence du public, en Chambre du Conseil, l’arrêt attaqué s’appuyant sur des motifs contradictoires, et à charge d’appel, la décision ayant été rendue par une juridiction de première instance, par opposition à statuer en dernier ressort, c’est-à-dire dans une décision insusceptible d’appel. Statuer en appel, statuer sans appel. Statuer disciplinairement. Statuer à huis clos, statuer en audience publique, statuer d’office, statuer séance tenante (le jugement étant rendu ou prononcé, c’est-à-dire rendu à haute voix, lu, à l’audience, sans délibéré, et non [sur le banc]). Statuer définitivement s’oppose à statuer provisoirement. « Il doit être définitivement statué dans un délai raisonnable sur l’accusation dont cette personne fait l’objet. »
Statuer sur pièces signifie trancher une question sur la foi des documents : « Le juge a statué sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement. »
Statuer ce qu’il appartiendra, c’est-à-dire statuer comme il conviendra, selon ce que commandent les circonstances, se dit aussi, dans le vocabulaire de la procédure pénale française, du ministère public qui, sur l’avis du procureur de la République saisi des plaintes et des dénonciations et appréciant la suite à leur donner, décide de poursuivre ou de ne pas poursuivre, statue ce qu’il appartiendra, autrement dit se prononce, au cours de l’instruction ou de la mise en état, sur la suite à donner à la procédure.
Statuer en l’état signifie décider en tout état de cause, dans la situation où se trouve l’affaire actuellement, à toute étape de la procédure.
Statuer au nom de (conformément à) la loi. Statuer avant dire droit. Statuer à titre préjudiciel. Statuer au fond, sur le fond, statuer au principal. Statuer avec équité. Statuer ex aequo et bono (d’après ce qui est équitable et bon) par opposition à statuer en amiable compositeur, lequel se détermine selon les règles strictes du droit. « Les arbitres doivent juger selon le droit, à moins que le compromis ne leur donne pouvoir de statuer en amiable compositeur. »
Statuer en conscience, statuer en connaissance de cause. Statuer en qualité de juge, d’arbitre. Statuer en formation collégiale. Statuer au civil, statuer au contentieux. Statuer ultra petita (le juge statue sur des choses non demandées ou accorde plus qu’il n’est demandé, il statue au delà de la demande), statuer infra petita (le juge accorde moins qu’il n’est demandé, il statue en deçà de la demande). Statuer par défaut. Statuer en droit, statuer en équité.
Statuer à nouveau signifie décider de façon complètement différente (à distinguer de statuer de nouveau : se prononcer encore une fois) : « La Cour, par ces motifs, réforme le jugement attaqué et, statuant à nouveau, se dit incompétente. » « La Cour, par ces motifs, casse et annule l’arrêt précité (…) et pour être statué à nouveau conformément à la loi (…) renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel. »
Refuser de statuer, de juger : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »
Surseoir à statuer : L’article 3137 du Code civil du Québec prévoit que l’autorité québécoise peut surseoir à statuer si une décision pouvant être reconnue au Québec a déjà été rendue par une autorité étrangère. « Le procureur est tenu d’agir s’il en est requis par une administration publique ou par une tierce personne ayant soulevé l’exception de nationalité devant une juridiction qui a sursis à statuer en application de l’article 29. »
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton