- Il ne faut pas confondre les adjectifs définitif et final : le premier signifie qui s’effectue de telle sorte à ne plus avoir à y revenir, qui se fait une fois pour toutes, tandis que le second se dit de ce qui met fin à ce qui a été commencé, souvent dans une série d’étapes, ou de ce qui se trouve à la fin, en dernier; par exemple, le rapport définitif est celui qui met fin à la mission confiée à l’expert, tandis que le rapport final est le dernier rapport, celui qui suit le rapport préliminaire ou le rapport provisoire.
La confusion s’explique par le fait que les deux termes, qui ne sont pas proches par le sens, sont toutefois formés sur le même mot : fin. En contexte de traduction, le mot anglais "final" se rend souvent par définitif, mais, dans bien des cas, il invite à la solution facile et erronée du sosie.
L’acte juridique qualifié de définitif est établi, fixé et réglé une fois pour toutes, irrémédiablement (et non irrévocablement); s’agissant par ailleurs d’un accord final, on comprend qu’étant le dernier il complète et achève l’accord préliminaire, celui qui est intervenu en premier lieu. Par conséquent, on ne peut qualifier un règlement conclu entre les parties de [final]; il faut dire définitif puisque les parties se sont mises d’accord sur les termes du règlement de manière à considérer qu’il ne sera plus nécessaire d’en discuter la teneur ni les modalités ou les conditions, sauf à y apporter plus tard, si besoin est, les modifications jugées nécessaires.
- Un jugement est dit définitif (on parle du caractère définitif d’un jugement) quand il a pour effet de terminer la contestation, quand il la tranche de telle sorte que le juge étant dessaisi de ce fait n’aura plus à revenir sur le point qu’il a réglé et qui portait sur l’objet même de la demande. « Par le prononcé du jugement définitif, le tribunal se trouve dessaisi et sa juridiction est épuisée. » En ce sens, le jugement définitif est encore appelé jugement sur le fond (il statue sur le fond du litige). Au Canada, on l’appelle aussi jugement au mérite (la demande présentée étant jugée au mérite, c’est-à-dire au fond ou sur son bien-fondé).
Que le juge ait statué sur le fond du droit ou sur un incident 2 de procédure, qu’il ait décidé une question de compétence, il reste que le jugement est définitif parce qu’il met fin à l’instance. Revêtu de ce caractère, on dit qu’il a l’autorité de la chose jugée; il acquiert force de chose jugée quand il est insusceptible d’appel ou d’opposition. Par exemple, le jugement contentieux est investi d’un caractère définitif et de l’autorité de la chose jugée entre les parties. Il est irrévocable quand il ne peut plus être attaqué, toutes les voies extraordinaires de recours ayant été épuisées ou leurs délais impartis ayant expiré. Ainsi, ce n’est pas nécessairement parce qu’un jugement est dit définitif qu’on se trouve fondé à le qualifier d’irrévocable.
- On oppose au jugement définitif (et non [final]) le jugement préparatoire qui ordonne une mesure d’instruction sans préjuger le fond et qui est susceptible d’être rétracté ainsi que le jugement provisoire par lequel une mesure pendante ou d’attente est prise au cours de l’instance et qui ne dure qu’autant que n’ont pas changé les circonstances l’ayant motivé. On eût dit final, si le jugement dont s’agit fût le dernier d’une série de jugements découlant d’une même affaire, ce qui n’est pas le cas ici.
Le jugement rendu en cours d’instance est qualifié d’interlocutoire pour cette raison, le préfixe inter marquant l’idée de ce qui survient entre le début et la fin de l’instance.
- Au Canada, le jugement définitif est parfois appelé jugement final quand il convient de mettre en évidence le fait qu’il marque la fin de l’instance et qu’il est le dernier à être rendu par rapport au jugement de première instance. Dans l’exemple qui suit tiré de la Loi sur la Cour suprême du Canada, les adjectifs final et définitif sont correctement employés et illustrent on ne peut mieux la distinction qu’il convient d’établir entre eux. Toutefois, la disposition comporte une tautologie. « La Cour suprême possède, détient et exerce, à titre exclusif, la juridiction finale d’appel en matière civile et criminelle à l’intérieur du Canada et pour le Canada, et le jugement de la Cour est, dans tous les cas, définitif et péremptoire. »
En dépit du style douteux causé par le souci de l’équivalence parfaite avec la version anglaise de la disposition, le texte use correctement de l’adjectif finale, puisque la Cour suprême est la dernière juridiction après la Cour d’appel, et l’adjectif définitif, puisque l’arrêt de la Cour est insusceptible d’appel.
En revanche, c’est commettre un truisme que de dire que le jugement définitif est aussi [péremptoire]; plutôt que d’ajouter l’idée du caractère définitif de la décision rendue, péremptoire ne dit rien de plus que ce que signifie l’adjectif définitif : le jugement définitif étant un jugement sur le fond (la Cour suprême ne statuant pas sur les faits mais sur le droit), il est péremptoire de ce fait.
Dans une perspective complémentaire, il est bon d’ajouter que le législateur canadien définit le jugement définitif comme s’entendant de « tout jugement, règle, ordonnance ou décision qui détermine en totalité ou en partie un droit absolu d’une des parties en cause dans une procédure judiciaire. »
- En droit canadien, on oppose les adjectifs définitif et interlocutoire quand il s’agit de déterminer si des décisions rendues par le tribunal durant l’instance sont définitives ou interlocutoires afin de savoir si elles sont susceptibles d’appel. La jurisprudence a établi, non sans de longues tergiversations, que seules les décisions définitives, c’est-à-dire celles qui statuent sur les droits contestés des parties ou celles qui tranchent la question principale objet du litige, sont susceptibles d’appel, et que les décisions interlocutoires, c’est- à-dire celles qui sont rendues en cours d’instance et qui ne portent pas sur l’objet principal du litige, mais qui sont soulevées à titre subsidiaire (et non [dans l’alternative]), ne peuvent être portées en appel.
Ces questions se posent notamment en matière de recevabilité d’un appel interjeté à l’encontre de décisions rendues dans le cadre d’une instance judiciaire. Par exemple, les décisions rendues au procès concernant l’admissibilité de la preuve ou d’un certain témoignage sont insusceptibles d’appel, comme le sont les décisions relatives aux dates d’audience, les décisions sur des requêtes en ajournement, les décisions concernant l’ordre d’audition des parties, les décisions rendues sur des objections à des questions posées à l’interrogatoire ou au contre-interrogatoire et les décisions concernant l’autorisation sollicitée de présenter une argumentation écrite ou orale.
Si une décision tranchant des questions de preuve est incorporée dans le jugement définitif, les parties pourront la contester par appel de ce jugement, la décision pouvant constituer un moyen d’appel invoqué pour que soit annulé le jugement définitif.
De là la réticence des tribunaux à instruire des appels interlocutoires : les procès deviendraient incohérents et traîneraient en longueur, si les parties étaient en droit de former des appels interlocutoires concernant la grande diversité de décisions qui sont inévitablement rendues dans le cadre d’un procès. « Le résultat de la requête interlocutoire aura pour effet de disposer de l’action à titre définitif. »
Ainsi oppose-t-on les décisions définitives aux décisions interlocutoires. « La question de savoir si une ordonnance ou une décision est interlocutoire ou définitive doit être tranchée en considérant l’ordonnance ou la décision même : si la nature de l’ordonnance ou de la décision rendue établit définitivement les droits des parties ou en décide de façon substantielle, elle doit être considérée comme définitive. Sinon ou si le fond de la cause reste à déterminer, il s’agit d’une ordonnance ou d’une décision interlocutoire. »
Une décision est définitive quand elle statue sur le bien-fondé d’un appel. Dès qu’elle a, acquiert, présente, revêt un caractère définitif, elle devient exécutoire. « L’intérêt public consiste à assurer le caractère définitif des litiges. » Principe du caractère définitif des décisions, des instances, des jugements, des litiges.
- Dans le droit des contrats en régime de common law, le contrat solennel ("formal contract"), distinct du contrat formaliste ("specialty contract"), est un contrat définitif (l’offre ou la promesse ayant été acceptée) régulièrement établi dont les parties sont convenues de tous les éléments liés à sa formation en bonne et due forme.
- En droit administratif, la sentence arbitrale est qualifiée de finale pour marquer le fait qu’elle est rendue en dernier ressort. Une mesure administrative prise par les hauts fonctionnaires d’un ministère revêt un caractère définitif dès qu’elle est entérinée par le ministre responsable.
- Dans le droit de la faillite, le dessaisissement des éléments d’actif, au profit du syndic, des successions et des donations peut être partiel ou relatif, mais il peut être aussi actuel et définitif, et, en ce dernier cas, il devient irrévocable de par son caractère définitif.
- Définitif se dit aussi par opposition à provisoire (brevet provisoire) ou définitif, partage provisionnel et partiel ou définitif de l’héritage, réexamen provisoire et réexamen définitif, résultats provisoires ou définitifs des élections, mise sous scellés provisoires ou définitifs de l’inventaire, arrêt provisoire des débats (les clôturer, c’est-à-dire les suspendre temporairement) ou arrêt définitif (les clore), règlement provisoire ou définitif d’un contrat, d’un différend, d’une transaction, d’une affaire.
Définitif s’oppose également à conditionnel (jugement conditionnel ou définitif de divorce, divorce conditionnel, divorce définitif) ou, dans la procédure pénale française, à introductif d’instance, s’agissant du réquisitoire que prononce le procureur de la République : réquisitoire définitif.
- L’arrêté ministériel est une décision à portée générale ou individuelle que prend un ministre. On dit qu’il est définitif (et non [final]) pour souligner le fait qu’il est insusceptible d’appel.
- S’il s’agit de marquer le fait que le président d’un organisme ou que le juge saisi se prononce sur une affaire qu’il a instruite, on dit ou bien qu’il se prononce définitivement ou à titre définitif sur l’affaire ou sur une question soumise à son examen, les deux tours étant tout à fait corrects, ou bien qu’il se prononce souverainement, l’adjectif souverain, en ce sens, signifiant qui juge sans possibilité d’appel, qui échappe au contrôle d’un organe supérieur. Pouvoir souverain d’appréciation. Droit souverain. « Le président se prononcera souverainement sur la question de compétence. » Définitivement acquis, acquitté, adopté, déclaré coupable et puni, établi, levé, réglé. Apprécier, arrêter, compromettre, conclure, confirmer, consacrer, décider, disposer, éliminer, établir, fixer, juger, rejeter, réfuter, renoncer, répondre, résoudre, statuer, trancher définitivement, souverainement.
La décision du juge souverain est sans appel et ne peut être soumise à la révision ou au contrôle judiciaire. Une assemblée (législative, nationale) est souveraine dans la mesure où elle n’est subordonnée à quiconque dans l’exercice de ses pouvoirs et de ses activités.
- L’adverbe définitivement veut dire pour toujours. L’employer au sens de absolument, assurément, certainement, évidemment, exactement, immanquablement, inévitablement, précisément, sûrement ou vraiment est commettre un anglicisme. « La Cour ne peut donner suite à cet argument car le tribunal est définitivement mieux placé pour statuer sur des questions de fait. » (= assurément) « Il serait définitivement trop tard si le défendeur voulait changer d’avis à ce moment-ci. » (= certainement) « Ce n’est là définitivement ni le sens ni la portée de la condition. » (= sûrement) « La question de savoir qui, de la Cour fédérale ou de l’arbitre des griefs, a compétence, n’est pas définitivement résolue. » (= précisément) « Son statut fait définitivement de lui une partie intéressée. » (= inévitablement)
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton