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6 La ponctuation

La ponctuation rythme la phrase, suggère les intonations, traduit les nuances de la pensée et facilite la lecture. Elle n’a cependant pas qu’une valeur mélodique : elle répond de fait autant à un besoin de logique qu’à un besoin de rythme. D’où la distinction qu’on fait entre ponctuation grammaticale et ponctuation expressive.

La ponctuation grammaticale, marquée par le point, la virgule et le point-virgule, a une valeur syntaxique : elle sépare les éléments du discours et indique les rapports logiques qui existent entre eux. La ponctuation expressive a une valeur stylistique : elle sert à évoquer des nuances affectives, à produire des effets de style. C’est le rôle que jouent notamment le point d’exclamation, le point d’interrogation et les points de suspension.

Quant aux guillemets, aux parenthèses, aux crochets et au tiret, ce sont des signes d’insertion : leur rôle est de marquer un changement de niveau dans le discours.

6.1 La virgule

La virgule, signe de ponctuation marquant une pause légère, figure peu dans les phrases qui respectent l’ordre normal des mots : sujet, verbe, complément direct, complément indirect, complément circonstanciel. C’est ainsi qu’elle ne sépare pas en principe le verbe de son sujet ni le verbe de son complément. Son rôle est plutôt d’indiquer une rupture dans l’enchaînement habituel des mots de la phrase.

6.1.1 Déterminatif et explicatif

L’analyse comparée des deux phrases suivantes montre que la virgule, par sa présence ou son absence, peut changer complètement le sens d’un énoncé :

  • Les employés qui ont obtenu une mutation sont satisfaits.
  • Les employés, qui ont obtenu une mutation, sont satisfaits.

La première phrase exprime l’idée qu’une partie seulement des employés ont obtenu une mutation et que ces employés sont satisfaits. Ici, la relative restreint le sens de son antécédent; elle est dite déterminative.

La deuxième phrase implique que tous les employés ont obtenu une mutation et qu’ils sont tous satisfaits. La relative dans ce cas est dite explicative. Le complément d’information apporté par ce type de proposition n’a pas toujours la valeur d’une explication; il consiste souvent en une précision, en un simple commentaire, en un renseignement tout à fait accessoire.

6.1.2 Où, dont, que, qui

Les pronoms où, dont, que, qui ne sont jamais précédés de la virgule lorsqu’ils introduisent une relative déterminative. Ils le sont, en revanche, lorsqu’ils introduisent une relative explicative :

  • J’aime les restaurants où l’on peut apporter son propre vin.
  • Le Coquelicot, où j’ai mangé mes premières crêpes Suzette, est l’un de mes restaurants préférés.
  • Le livre dont il s’est servi se trouve à la bibliothèque.
  • Les livres anciens, dont il fait collection depuis plusieurs années, occupent une place importante dans sa bibliothèque.
  • Les tulipes qui fleurissent tôt au printemps sont appelées « hâtives ».
    Les tulipes hâtives, qui fleurissent dès le mois d’avril, font oublier les rigueurs de l’hiver.

6.1.3 Avant que, comme, quand, si, etc.

Les conjonctions avant que, comme, parce que, quand, si, etc., s’enchaînent directement à la principale quand elles introduisent une subordonnée qui fait corps avec la principale (déterminative). Elles sont par contre précédées de la virgule lorsqu’elles introduisent une subordonnée apportant une explication, une précision ou un complément d’information (explicative) :

  • Je ne partirai pas avant que le film soit terminé.
    Il nous faut terminer ce travail au plus tard le 31 mars, avant que commence la nouvelle année financière.
  • Procédez comme je vous l’ai indiqué.
    Il faut beaucoup de doigté pour réussir ce genre d’opération, comme les spécialistes eux-mêmes vous le confirmeront
  • Il est toujours maussade quand il doit étudier.
    Il ira en Europe l’année prochaine, quand il aura terminé ses études.
Remarque

Le rédacteur doit toujours avoir à l’esprit que la virgule peut changer le sens d’un énoncé. Ainsi, les phrases :

  • Je le ferai comme je l’ai promis.
  • Je le ferai, comme je l’ai promis.

expriment deux idées différentes. La première signifie que j’exécuterai ma tâche exactement de la façon convenue. La deuxième implique simplement que je respecterai ma parole : je ferai ce que j’ai promis de faire.

6.1.4 Épithète

L’adjectif épithète peut avoir une valeur déterminative ou explicative, selon qu’il est ou non accompagné de virgules :

  • Les employés mécontents se sont prononcés en faveur de la grève.
  • Les employés, mécontents, se sont prononcés en faveur de la grève.

La première phrase signifie que seuls les employés mécontents se sont prononcés en faveur de la grève. La deuxième signifie que tous les employés sont mécontents et qu’ils se sont tous prononcés en faveur de la grève.

6.1.5 Verbe éloigné du sujet

Certains grammairiens admettent qu’une virgule intervienne entre le verbe et le groupe sujet lorsque ce dernier est d’une certaine étendue :

  • L’ami que j’ai rencontré l’autre jour et par qui j’ai appris le décès de votre père, m’a dit que vous aviez l’intention de voyager.

Les grammaires les plus modernes font toutefois état, dans l’usage actuel, d’une préférence pour une ponctuation plus logique, qui ne sépare pas le sujet et le verbe. À noter que l’on pourrait régler le problème de la longueur dans la phrase ci-dessus en ponctuant ainsi :

  • L’ami que j’ai rencontré l’autre jour, et par qui j’ai appris le décès de votre père, m’a dit que vous aviez l’intention de voyager.

6.1.6 Pronom relatif

Pour signaler que le pronom relatif ne s’applique pas au mot qui le précède directement, des auteurs recommandent souvent de placer une virgule devant le pronom :

  • J’ai rencontré la fille d’un ami, qui est accusée de…

ou d’utiliser un pronom comme auquel ou lequel, plus lourd, mais qui, variant en genre et en nombre, éclaire le sens de la phrase :

  • J’ai rencontré la fille d’un ami, laquelle est accusée de…

Ces solutions ne sont cependant pas toujours satisfaisantes. La meilleure solution consiste souvent à reformuler la phrase.

6.1.7 Apposition

Comme l’apposition apporte une précision ou une explication, elle est souvent détachée du mot auquel elle est accolée :

  • saint Fiacre, patron des jardiniers
  • le chien, meilleur ami de l’homme
  • le lys, symbole de la pureté

Les mots apposés sont encadrés de virgules s’ils sont insérés dans la phrase. Ce genre d’apposition présente la caractéristique d’être mobile dans la phrase. On peut en effet écrire indifféremment :

  • Le directeur du Personnel, Alfred Lapierre, vient de démissionner.
         ou
    Alfred Lapierre, le directeur du Personnel, vient de démissionner.

L’apposition peut parfois avoir une valeur déterminative (voir 6.1.1 Déterminatif et explicatif). Dans ce cas, elle ne doit pas être détachée du mot auquel elle est accolée. Comparons les phrases :

  • Mon frère, Paul, a obtenu une promotion.
  • Mon frère Paul a obtenu une promotion.

La première phrase implique que je n’ai qu’un frère et qu’il s’appelle Paul; la deuxième, que j’ai plusieurs frères, mais que c’est celui qui s’appelle Paul qui a obtenu une promotion.

6.1.8 À savoir, entre autres, notamment, etc.

Ces mots sont toujours précédés de la virgule, car ils apportent une précision, une information complémentaire :

  • Il lui reste encore un formulaire à remplir, à savoir sa demande d’indemnité.
  • Elle n’a pas encore téléphoné, autrement dit elle ne viendra pas.
  • Nous avons l’intention de prendre des mesures prophylactiques, c’est-à-dire des mesures de prévention.
  • Il pratique de nombreux sports, entre autres le tennis et la natation.
  • Le candidat retenu aura une bonne connaissance des langues autochtones, notamment de l’inuktitut.
  • Certains signes, par exemple le point d’exclamation et le point d’interrogation, remplissent dans la phrase une fonction surtout stylistique.
  • Il reste encore trente postes de vacants, soit le tiers.

On remarquera par ailleurs que ces termes et locutions ne sont pas séparés par une virgule des mots qui les suivent directement.

6.1.9 Incidente et incise

L’incidente est un énoncé qui, s’insérant dans la phrase à la manière d’une parenthèse, apporte une information accessoire :

  • Il faut, soyons réalistes, réduire nos dépenses.
  • Elle est retournée sur les bancs d’école, ce qui m’a beaucoup surpris.

Quant à l’incise, elle signale que l’on rapporte les paroles de quelqu’un. Le sujet est alors placé après le verbe :

  • Il vous faut, dit-il, manger plus de fruits et de légumes.
  • Je n’ai aucune conviction politique, a-t-il déclaré.

L’incise et l’incidente peuvent toutes les deux être retranchées de l’énoncé sans nuire au sens de ce dernier. Il faut donc les séparer du reste de la phrase par des virgules.

6.1.10 Élision

Lorsqu’un groupe de mots normalement encadré de virgules fait l’objet d’une élision, on peut soit garder uniquement la deuxième virgule, soit supprimer les deux virgules. Trois possibilités sont donc acceptables :

  • J’estime que, en hiver, il faut absolument aller dans le Sud.
  • J’estime qu’en hiver, il faut absolument aller dans le Sud.
  • J’estime qu’en hiver il faut absolument aller dans le Sud.

6.1.11 Ellipse

L’ellipse consiste à supprimer les mots superflus; c’est un procédé qui permet d’alléger la phrase et de lui donner plus de vigueur. Dans les cas d’ellipse, le rôle de la virgule est de signaler au lecteur — tout comme la pause le ferait à l’oral — que des mots sont sous-entendus :

  • Sa voix était calme et posée; ses gestes, d’une grande précision.

Quand les éléments sont courts, on peut se dispenser d’indiquer par une virgule les mots qui ne sont pas répétés :

  • Dans nos immeubles modernes, l’air est insalubre et l’espace restreint.

6.1.12 Mot en apostrophe

Les mots mis en apostrophe, c’est-à-dire les mots qui désignent la personne ou la chose personnifiée à qui on s’adresse, sont toujours suivis de la virgule quand ils sont placés au début de la phrase, encadrés de virgules quand ils sont intercalés, et précédés de la virgule lorsqu’ils terminent l’énoncé :

  • Je vous prie d’agréer, Monsieur, mes sincères salutations.
  • C’est à l’aube que vous êtes les plus belles, mes chères roses.

6.1.13 Répétition

Quand, en vue d’obtenir un effet d’insistance, on répète un pronom ou qu’on le reprend sous une autre forme, il faut employer la virgule :

  • Nous, nous allons faire une petite sieste.
  • Le poste que vous convoitiez, vous l’avez maintenant.

6.1.14 Complément circonstanciel

L’emploi de la virgule est fonction de la place qu’occupe le complément circonstanciel dans la phrase.

Si un complément d’une certaine longueur est placé en début de phrase, il est en principe suivi d’une virgule :

  • À la fin de son affectation, Françoise prendra des vacances bien méritées.
  • Avec une grande conscience professionnelle, il a exécuté toutes les tâches qui lui avaient été confiées.
  • Sur le plan financier, nous sommes tout à fait démunis.
  • Deux mois plus tard, elle obtenait une médaille d’or aux Jeux olympiques.

Il y a toutefois des cas où, la phrase se lisant d’une seule traite, la pause n’est pas plus nécessaire à l’écrit qu’à l’oral. Tout est affaire de rythme :

  • Tôt ou tard il se rendra à l’évidence.

Si le complément antéposé est très court, comme c’est le cas de certains adverbes employés avec la valeur de compléments circonstanciels, la virgule n’est pas nécessaire, en principe :

  • Ici il fait bon vivre.
  • J’aime lire dans mon lit. Là je suis bien.

Dans la réalité, cependant, il n’est pas rare de voir la virgule indiquée après ces mots : en ralentissant le rythme de la phrase, elle fait ressortir le complément et le renforce. La ponctuation est donc ici affaire de contexte et d’appréciation personnelle :

  • Il se plaint qu’il n’y a pas assez de neige chez lui. Ici, il y en a.
  • J’ai l’intention de m’installer à la campagne. Là, je sais que je trouverai la paix et la sérénité.

S’il y a inversion du sujet, le complément circonstanciel en début de phrase n’est pas suivi d’une virgule, à plus forte raison s’il est court :

  • En 1939 commença la Deuxième Guerre mondiale.
  • Hier sont venus trois clients très pressés.
  • Dans sa chambre règne un désordre épouvantable.

Si le complément circonstanciel est intercalé entre le sujet et le verbe, il est en principe encadré de virgules :

  • Le directeur, demain, prendra la tête d’un autre service.

S’il est placé avant le complément d’objet ou l’attribut, les virgules ne sont pas obligatoires. Elles s’imposent seulement si l’on désire faire ressortir le complément circonstanciel :

  • Le directeur prendra demain la tête d’un autre service.
    Ma tante fêtera, demain, ses soixante-quinze ans.
  • Ces gens arrivent malgré tout à joindre les deux bouts.
    Elle reste, malgré tout, très optimiste.

Si le complément circonstanciel est à la fin de la phrase, comme c’est le cas le plus souvent, il peut parfois être précédé d’une virgule. La virgule permet alors de créer un effet de surprise, de faire rebondir la phrase :

  • Les livres que nous étions censés recevoir il y a deux mois sont finalement arrivés, aujourd’hui.

6.1.15 Adverbes et charnières

Quand il est placé en tête de phrase, un groupe de mots jouant le rôle d’un adverbe est en principe suivi d’une virgule :

  • Très consciencieusement, chacun s’acquitte de ses nouvelles fonctions.
  • À première vue, la nouvelle directrice semble bien sympathique.

Quand l’adverbe figurant en début de phrase est un mot isolé, court ou long, il n’y a pas de règle absolue. En principe, on indique la virgule si la phrase est d’une certaine longueur ou si l’on désire créer un effet d’insistance. On l’omet si la phrase est courte, si elle est déjà abondamment ponctuée, ou si l’on veut accélérer le mouvement :

  • Malheureusement, nous ne pourrons pas vous accorder une subvention dans le cadre du Programme d’aide aux petites entreprises.
    Malheureusement notre demande est restée sans réponse.
  • Évidemment, le technicien n’a pas encore eu le temps de réparer mon ordinateur.
    Le technicien est-il venu? Évidemment non.

On notera que la virgule suit généralement les mots et locutions, comme bref, cependant, certes, donc, en effet, en outre, néanmoins, par ailleurs, toutefois, qui établissent un lien avec ce qui précède et qui contribuent ainsi à la clarté du message. En isolant ces mots charnières, la virgule se trouve à les renforcer et à souligner encore plus rigoureusement l’articulation des idées :

  • Il a été successivement journaliste, animateur de radio et professeur d’art oratoire. Bref, c’est un communicateur-né.

Quand ces mots figurent dans le corps de la phrase, on les encadre de virgules si on veut les mettre en vedette ou si la phrase est longue; on supprime les virgules quand la phrase est courte ou déjà abondamment ponctuée :

  • On vient de m’offrir un emploi très intéressant; les conditions de travail, cependant, me paraissent inacceptables.
  • Je n’ai cependant aucun goût pour ce genre de travail.

6.1.16 Certes, donc, or, jamais, c’est pourquoi

a) Certes

Certes est régulièrement précédé de la virgule lorsqu’il figure à la fin de la phrase :

  • Elle a beaucoup d’années d’expérience à son actif, certes.

Il est suivi d’une virgule en début de phrase lorsqu’il joue le rôle d’une charnière (voir 6.1.15 Adverbes et charnières). Dans le corps de la phrase, il est encadré ou non de virgules, selon la longueur de la phrase :

  • C’est un homme solide et très courageux, certes, mais je doute qu’il puisse surmonter cette nouvelle épreuve.
  • Elle est certes intelligente.

b) Donc

Lorsque donc est employé en tête de proposition, mais à l’intérieur de la phrase, il est précédé d’une virgule ou d’un point-virgule :

  • Il arrive, donc je pars.
  • Je m’en charge; donc, plus de problème.

À noter que c’est pour éviter une accumulation de signes de ponctuation que l’on ne place pas une deuxième virgule après donc dans le premier exemple. Mais, comme mot charnière, il est en général suivi d’une virgule (voir 6.1.15 Adverbes et charnières) :

  • C’est un sujet qu’il a étudié pendant des années. Donc, il sait de quoi il parle.

Donc n’est accompagné d’aucune virgule lorsqu’il sert, à l’intérieur ou à la fin de la phrase, à exprimer l’ironie, la surprise, ou à renforcer une interrogation ou une assertion :

  • Que lui avait-il donc fait ce jour-là?
  • Je le ferai donc.

c) Or

On peut placer une virgule après or si l’on désire appuyer sur la conjonction ou si cette dernière est à la tête d’une phrase assez longue. La virgule se trouve alors à reproduire la pause qui serait, dans pareil cas, observée à l’oral :

  • Or, la directrice ne pouvait pas avoir lu le rapport, puisqu’elle en ignorait l’existence.

Placé au début d’une phrase courte, or peut s’employer sans virgule :

  • Or il se trouve que j’ai raison.

d) Jamais et c’est pourquoi

Si, dans l’usage, la virgule tend à suivre certains adverbes placés en début de phrase, comme les mots bref et certes, elle est remarquablement absente après certains autres. Ainsi, jamais, en tête de phrase, n’est suivi de la virgule que lorsqu’il précède une proposition intercalée :

  • Jamais un chien n’est mécontent de voir son maître.
  • Jamais, a-t-elle dit à son frère, elle ne retournerait àl’école.

Il en va de même pour l’expression c’est pourquoi placée en tête de phrase :

  • C’est pourquoi elle consacre beaucoup de temps à sa famille.
  • C’est pourquoi, s’il le pouvait, il reviendrait sur sa décision.

6.1.17 Adverbe en début de phrase

Les adverbes de liaison ainsi, à peine, aussi, du moins, encore, en vain, peut-être, à plus forte raison, sans doute, etc., ne sont pas suivis de la virgule lorsque le sujet est inversé :

  • Faites vos recherches. Ainsi serez-vous assuré de ne pas vous tromper.
  • On m’apprend que Pierre Levasseur n’a pas pu assister à la réunion. Peut-être a-t-il eu un empêchement.
  • Nous n’avons malheureusement jamais reçu votre lettre. Sans doute s’est-elle égarée.

Dans les cas où ces adverbes ne sont pas suivis d’une inversion, la virgule fait ressortir l’enchaînement des idées et contribue à la clarté de l’expression, tandis que son absence a pour effet d’accélérer le débit, le mouvement de la phrase. La virgule a donc plus souvent tendance à intervenir dans les phrases longues que dans les phrases courtes (voir aussi 6.1.14 Complément circonstanciel et 6.1.15 Adverbes et charnières) :

  • Le consultant n’a pu respecter l’échéance fixée. Ainsi, nous avons dû négocier un nouveau contrat.
  • Ainsi tu pars déjà?

Qu’il y ait ou non inversion du sujet, ainsi n’est pas suivi de la virgule lorsqu’il est employé avec le sens de « de cette façon » :

  • Ainsi parlait Zarathoustra

6.1.18 Adverbe en fin de phrase

Il convient de noter que l’adverbe peut être précédé d’une virgule lorsqu’il est rejeté en fin de phrase. On obtient alors un effet de mise en relief semblable à celui que produiraient les points de suspension :

  • Il a refusé, évidemment.

Le sens de la phrase peut changer du tout au tout selon qu’il y a ou non une virgule devant certains adverbes. Si on écrit :

  • Jérôme est mort naturellement.

c’est-à-dire d’une mort naturelle, on dit tout autre chose que si on écrit :

  • Jérôme est mort, naturellement.

qui veut dire que personne n’est surpris d’apprendre la mort de Jérôme.

6.1.19 Sujet inversé

Dans la langue littéraire, mais surtout dans le style juridique et administratif, il arrive souvent que l’on place le sujet après le verbe, soit pour créer un effet d’insistance, soit parce que le sujet est d’une certaine étendue. Deux constantes se dégagent sur la ponctuation à employer dans ce cas :

Le sujet qui est relativement court, ou qui ne serait pas de toute façon accompagné d’une pause à l’oral, n’est pas précédé d’une virgule :

  • Arriva notre ami Serge.
    Est jugée admissible toute personne répondant aux critères énoncés ci-dessous.
    Sera passible d’une amende quiconque contreviendra au nouveau règlement.

Le sujet qui consiste en une énumération ou en une longue définition, et devant lequel on ferait à l’oral une pause marquée, peut facultativement être précédé de la virgule. Pour plus de clarté, on peut, dans ce cas, juger préférable de passer à la ligne ou de remplacer la virgule par les deux points :

  • Doivent être conservés à la bibliothèque les dictionnaires, les lexiques, les encyclopédies ainsi que tous les autres ouvrages dont nous n’avons qu’un seul exemplaire.
  • Ont accès au Programme de retraite anticipée, les employés excédentaires âgés de 55 ans et plus; les employés comptant un minimum de 30 années de service; les employés excédentaires âgés de 45 ans et plus qui sont à notre service depuis au moins 20 ans.
  • Ont obtenu une promotion : Bruno Lamy, de la Direction du personnel; Charlotte Lefrançois, de la Division de la planification; Maxime Landry, de la Section de la rémunération.

6.1.20 Attribut en début de phrase

On n’emploie pas la virgule quand l’attribut et le verbe sont placés en début de phrase :

  • Lourde est la tâche qu’il s’est vu confier.
  • Longue est la route qui mène au repos.

6.1.21 Complément du nom et complément d’objet

L’antéposition du complément de nom et du complément d’objet, direct ou indirect, n’entraîne pas l’emploi de la virgule :

  • De ma bonne volonté j’ai donné trente-six preuves.
  • À Jacques Lebel est revenu l’honneur de…

6.1.22 Subordonnée en début de phrase

On fait suivre de la virgule les subordonnées placées en début de phrase, notamment celles qui indiquent un rapport de temps, de condition, de but, de concession, de cause, de comparaison, ainsi que celles qui évoquent une addition ou une restriction :

  • Quand on arrive en retard, on se fait réprimander.
  • Pourvu qu’on ne me dérange pas trop, je finirai mon travail à temps.
  • Pour assurer la polyvalence des employés, le directeur leur confie des tâchestrès variées.
  • Bien que les membres du comité aient discuté de cette question pendant trois heures, ils ne sont pas arrivés à s’entendre.
  • Comme nous sommes en période de restrictions budgétaires, nous devons réduire notre personnel.
  • Ainsi qu’il est recommandé, je me protège le plus possible contre les rayons du soleil.

De même, on met toujours une virgule après la subordonnée participiale placée en début de phrase :

  • Doué d’une excellente mémoire, il a obtenu de très bons résultats à l’examen.
  • Ne pouvant plus souffrir la ville, ils se sont exilés à la campagne.

6.1.23 Série de sujets

Lorsque les deux derniers d’une série de sujets sont réunis par et, on ne met pas de virgule entre le dernier sujet et le verbe :

  • Les étudiants, les chômeurs et les assistés sociaux sont au nombre des intéressés.

Cependant, l’usage est fluctuant en ce qui concerne l’emploi de la virgule après le dernier de plusieurs sujets juxtaposés, comme dans :

  • Les étudiants, les chômeurs, les assistés sociaux(,) sont au nombre des intéressés.

Ceux qui préconisent l’emploi de la virgule font valoir que la ponctuation après le dernier élément met tous les sujets sur un pied d’égalité, et rend moins choquant le voisinage éventuel d’un verbe au pluriel et d’un sujet au singulier. Cet usage est toutefois contesté par de réputés grammairiens. Il convient donc de considérer la virgule comme facultative dans ce genre de phrase.

Tout autre est le cas où les sujets constituant la série sont résumés par un mot ou forment une gradation. Dans ce type de phrase, le dernier sujet n’est jamais séparé du verbe par une virgule :

  • Son père, sa mère, sa sœur, son frère, toute la famille était contre elle.
  • La neige, le froid, la glace, l’hiver la déprimait.

6.1.24 Et

Normalement, la conjonction et n’est pas précédée de la virgule lorsqu’elle relie deux termes de valeur équivalente, par exemple deux sujets, deux compléments, deux verbes, etc. :

  • Elles ont acheté des pommes et des oranges.
  • Les agents et les coordonnateurs doivent travailler en étroite collaboration.
  • Il mange et boit beaucoup.

Et s’emploie également sans virgule lorsqu’il réunit les deux derniers termes d’une énumération :

  • J’ai acheté des pommes, des oranges, de la laitue et des épinards.

Dans de nombreux cas, toutefois, il est non seulement permis, mais indiqué de faire précéder la conjonction et de la virgule :

On veut détacher un élément pour marquer une insistance, créer un effet de surprise ou de chute, souligner une opposition ou une conséquence :

  • Ils avaient promis de venir, et ils sont venus.
  • Elle a dit qu’elle détestait son travail à son mari, à ses amis, et à son patron.

Les éléments coordonnés sont longs ou nombreux

  • Notre grande erreur est d’essayer d’obtenir de chacun en particulier les vertus qu’il n’a pas, et de négliger de cultiver celles qu’il possède (M. Yourcenar).
  • La Commission arrivera sans doute à la conclusion que la cogénération est un mode de production d’électricité dont la rentabilité à long terme est difficile à évaluer, et qu’elle ne constitue au fond qu’une nouvelle source de pollution.

La conjonction unit des membres de phrase qui diffèrent par le sujet et il y a un risque d’équivoque :

  • Olivier affectionne le théâtre, et Rita adore le cinéma.

Dans ce dernier exemple, le danger d’équivoque vient de ce que le premier verbe est suivi d’un complément. L’absence de pause devant et pourrait donner à penser qu’Olivier affectionne et le théâtre et Rita. La virgule empêche que le lecteur ne mette sur le même plan des mots qui ont dans la phrase une fonction grammaticale différente. Aussi la virgule n’est-elle pas nécessaire lorsqu’il n’y a pas d’équivoque possible :

  • Les oiseaux gazouillent et les abeilles bourdonnent.
  • Line chante et Suzanne danse.

Le dernier élément est suivi d’un développement qui ne s’applique qu’à lui :

  • Elle avait invité quelques amis, des voisins, et ses vieux parents toujours malades.

La suppression de la virgule devant et pourrait donner à penser que sont toujours malades non seulement les vieux parents, mais aussi les amis et les voisins.

Les éléments coordonnés sont nombreux et distincts

  • Il a des problèmes financiers parce qu’il n’a pas établi de budget et qu’il a trop dépensé, et des problèmes de santé parce qu’il ne dort pas assez.

Et est précédé d’une incise

  • Elle est en vacances, m’a-t-on dit, et ne reviendra pas avant un mois.

On répète la conjonction devant chaque élément d’une énumération pour donner plus de force à l’expression :

  • Et l’équipement, et les ressources, et les locaux sont insuffisants.

Lorsque l’énumération comprend uniquement deux termes précédés chacun de la conjonction et, la virgule n’est pas nécessaire :

  • C’est une employée qui aime et planifier et coordonner.

Lorsque et précède le premier élément d’une énumération comportant plus de deux termes, il est indiqué d’omettre la virgule devant le premier et :

  • Il est allé et à Paris, et à Londres, et à Tokyo.

Cependant, on met la virgule devant le premier et lorsqu’il précède le deuxième élément de l’énumération :

  • Il est allé à Paris, et à Londres, et à Tokyo.

Si l’énumération constitue une apposition, c’est-à-dire si elle a une valeur explicative (voir 6.1.1 Déterminatif et explicatif), on doit mettre une virgule devant le premier élément, et cela même si la série ne comporte que deux termes :

  • Elle a eu le temps de tout relire, et les rapports et les procès-verbaux.

6.1.25 Ou

La conjonction ou suit généralement les mêmes règles que et :

Si ou relie deux éléments de même valeur ou deux propositions très courtes, on ne met pas de virgule :

  • Je lirai une nouvelle ou un roman policier.
  • Il rédige ou il traduit.

Cependant, on place une virgule devant ou quand il unit deux propositions d’une certaine longueur, quand on veut mettre le deuxième élément en relief, ou quand il y a lieu de souligner une opposition, auquel cas ou est souvent renforcé par bien :

  • Si nous ne restreignons pas nos dépenses dès maintenant, nous pourrions être forcés de procéder à des mises à pied d’ici quelques années, ou être amenés à abolir certains de nos programmes.
  • Aucun des bulbes que j’ai plantés l’automne dernier n’a poussé : est-ce à cause du dégel précoce, ou des écureuils?
  • Dans la vie, vous acceptez votre sort, ou bien vous protestez.

Lorsque deux propositions ont un sujet différent, on met la virgule devant ou dans les cas où il pourrait y avoir une équivoque :

  • Selon les années, l’état du marché immobilier favorise les acheteurs, ou la situation économique avantage les vendeurs.

Cependant, si aucun risque de confusion n’est à craindre, la virgule est superflue :

  • En période d’instabilité économique, le taux de chômage augmente ou les taux d’intérêt fluctuent.

Si, dans une suite de deux termes, ou est répété devant chacun des éléments, on ne met pas de virgule en principe :

  • Donnez-moi ou à boire ou à manger.
  • J’irai ou au Mexique ou au Brésil.

Cependant, si on veut souligner l’exclusion d’un des deux termes, ou étant alors souvent renforcé par bien, on emploie la virgule devant la deuxième conjonction :

  • Ou les arbustes pousseront sans insecticide, ou on les remplacera.
  • Elle demandera ou bien un nouveau poste, ou bien une affectation à l’étranger.

Si ou précède le premier élément d’une énumération, il est préférable, tout comme dans le cas de et, d’omettre la virgule devant le premier ou :

  • Il ira ou à Paris, ou à Londres, ou à Tokyo.

Cependant, on met une virgule devant le premier ou lorsqu’il précède le deuxième élément de l’énumération :

  • Il ira à Paris, ou à Londres, ou à Tokyo.

Si l’énumération constitue une apposition, c’est-à-dire si elle a une valeur explicative (voir 6.1.1 Déterminatif et explicatif), on doit placer une virgule devant le premier élément, et cela même si la série ne comporte que deux termes :

  • On se demande ce qui les motive le plus, ou l’appât du gain ou la soif de pouvoir.

6.1.26 Ni

Quand il n’y a qu’un seul ni, on emploie la virgule seulement si les propositions sont d’une certaine étendue ou que l’on désire mettre le dernier terme en vedette :

  • Les élèves ne s’intéressent pas à l’histoire ni à la politique.
  • Ils ne croient pas qu’il faille confier l’étude de cette question à uncomité spécial, ni prendre une décision avant quelques années.
  • Je ne peux l’aimer, ni le détester.

S’il y a deux ni, on applique la même règle :

  • Pierrette ne veut ni d’une carrière ni d’une maison.
  • Pierrette ne veut plus ni de la maison luxueuse dont elle a tant rêvé dans sa jeunesse, ni de la carrière à laquelle ses longues études l’ont pourtant si bien préparée.
  • Les repas qu’on sert à la cafétéria ne sont ni chers, ni savoureux.

Quand il y a plus de deux ni, on doit séparer les éléments par une virgule. Il convient alors d’omettre la virgule devant le premier ni :

  • Il ne connaît ni Pierre, ni Jules, ni Gaston.

Cependant, si le premier ni introduit une apposition, c’est-à-dire une explication ou une précision quelconque, il doit être précédé de la virgule :

  • Elle n’aime rien de ce qui est moderne, ni la peinture, ni la musique, ni l’architecture.

6.1.27 Mais

La conjonction mais est généralement précédée d’une virgule :

  • Ce travail est passionnant, mais il exige beaucoup de concentration.
  • Il a beaucoup de connaissances, mais aucun ami véritable.

Cependant, si mais unit des groupes de mots très courts ou deux mots remplissant la même fonction, on peut supprimer la virgule :

  • Elle est jeune mais très mature.
  • Il est petit mais fort.

Placé en tête de phrase, mais peut être suivi d’une virgule si l’on désire marquer une hésitation :

  • Mais, qu’est-ce qui vous en empêche?

On ne met toutefois pas de virgule après la conjonction mais, placée en début de phrase, lorsque l’on considère qu’elle forme un tout avec les mots qui la suivent :

  • Mais comment peut-il être aussi dur!

Employé dans le corps de la phrase pour souligner ou renforcer une idée déjà exprimée, mais est toujours précédé de la virgule :

  • Il a payé, mais chèrement payé!

6.1.28 Non seulement…, mais

Devant mais, on emploie la virgule :

  • Il rédige non seulement des lettres et des notes de service, mais aussi des discours.

On l’omet devant les mots non seulement, sauf lorsqu’ils introduisent une apposition, c’est-à-dire un membre de phrase apportant une précision ou une explication :

  • Il a consulté tous les spécialistes, non seulement les agents du Ministère, mais aussi des experts du secteur privé.

6.1.29 Car

Comme la conjonction car introduit une explication, une justification, elle est généralement précédée d’une virgule :

  • Les gens économisent, car ils ont peur de perdre leur emploi.
  • Elle a dû renoncer aux travaux d’aiguille, car elle fait de l’arthrite.

Placé devant une proposition intercalée, car est généralement suivi d’une virgule :

  • Marie est très fatiguée, car, bien qu’elle se soit couchée très tôt, elle n’a pas dormi de la nuit.

Comme et (voir 6.3.4 Et après un point), la conjonction car peut s’employer en début de phrase pour établir un lien avec ce qui précède :

  • Je me suis humilié en l’humiliant. Car l’aumône avilit également celui qui la reçoit et celui qui la fait (A. France).

6.1.30 D’une part…, d’autre part

Quand elles sont employées dans le corps de la phrase, les expressions d’une part et d’autre part sont encadrées ou non de virgules selon qu’elles introduisent des éléments longs ou courts, ou selon que l’on désire ou non les mettre en relief :

  • Il s’agit d’une part d’énoncer les règles et d’autre part de les appliquer.
  • Il y aura un procès entre d’une part M. Antoine Leclerc et d’autre part M. Philippe Thériault.
  • Pour améliorer la qualité de vie des habitants de son quartier, le nouveau conseiller municipal a proposé, d’une part, de transformer les terrains vagues en parcs et, d’autre part, de mettre sur pied des programmes d’embellissement.

6.1.31 Soit…, soit; tantôt…, tantôt

Lorsque les mots soit et tantôt sont répétés, on ne met pas la virgule devant la première occurrence du mot :

  • Je m’achèterai soit un ordinateur, soit un motoculteur.
  • Certaines personnes sont tantôt dépressives, tantôt euphoriques.

Cependant, on met souvent une virgule devant le premier soit et le premier tantôt quand ces mots introduisent une incidente à valeur explicative (voir 6.1.9 Incidente et incise) :

  • Ils ont l’intention de se plaindre en haut lieu, soit à leur député, soit au ministre.
  • Il met tout son entourage à contribution, tantôt ses supérieurs, tantôt ses collègues, tantôt ses adjoints.

6.2 Le point-virgule

6.2.1 Fonction principale

Le point-virgule, qui correspond à une pause de durée moyenne, signale la fin d’une proposition intimement liée par le sens à celle qui la suit. Les propositions séparées par le point-virgule doivent donc toujours contribuer au sens général de la phrase.

6.2.2 Autres fonctions

Le point-virgule sert plus particulièrement à :

Mettre en parallèle des propositions qui expriment une opposition ou une comparaison :

  • Il voulait en finir; elle voulait continuer.
  • Aimer pour être aimé, c’est de l’homme; mais aimer pour aimer, c’est presque de l’ange (A. de Lamartine).
  • La vraie barbarie, c’est Dachau; la vraie civilisation, c’est d’abord la part de l’homme que les camps ont voulu détruire (A. Malraux).

Distinguer des propositions qui renferment déjà une ou plusieurs virgules, notamment lorsqu’il y a ellipse du verbe dans la deuxième proposition :

  • Le rôle du dramaturge, c’est de créer la pièce; celui du metteur en scène, de la faire vivre.

Si l’on remplaçait le point-virgule par une virgule dans ce dernier exemple, il serait plus difficile de distinguer les rapports qui existent entre les idées, puisque la virgule se trouverait à remplir trois fonctions bien différentes dans la phrase.

Séparer les éléments d’une énumération horizontale ou verticale (voir 3.1.2 Énumération horizontale, et 3.1.3 Énumération verticale).

6.3 Le point

Le point, qui marque une pause forte, signale que la phrase est sémantiquement complète et grammaticalement indépendante. Une phrase peut donc être constituée d’une ou de plusieurs propositions, mais elle peut aussi se résumer à un seul mot et ne pas comporter de verbe conjugué :

  • L’ordinateur est un instrument de travail indispensable.
  • Nous avons fait parvenir un accusé de réception à toutes les personnes qui ont présenté une demande.
  • Recommence.
  • Voir page 56.

Les écrivains, les journalistes et les rédacteurs publicitaires ont souvent recours au point pour isoler certains mots, leur donner un relief plus accusé :

  • Il lui parla. Tendrement. Comme à un enfant.
  • Le maire a été élu. Avec une majorité écrasante.
  • Herbivert. Pour embellir sa pelouse. Sans détruire l’environnement.

Ce procédé stylistique, qui a notamment pour effet de hacher le débit, n’est pas à conseiller dans la langue administrative.

6.3.1 Dans les slogans

Les slogans, les raisons sociales (qui peuvent toutefois comporter un point abréviatif) ainsi que les consignes et inscriptions figurant sur les affiches et les écriteaux s’écrivent sans point final :

  • Donnez généreusement
  • Le bénévolat : une tradition à perpétuer
  • La Butinerie inc.
  • Défense de stationner
  • Comptoir des prêts

À noter que les slogans peuvent cependant se terminer par les signes dits expressifs, comme le point d’interrogation, le point d’exclamation et les points de suspension, ces signes contribuant eux-mêmes au sens du message :

  • Vous voulez du changement?
  • Unissons nos efforts!
  • Donnez avant qu’il ne soit trop tard…

6.3.2 Dans la correspondance

Dans la correspondance, le point est omis après l’indication de la date, la mention de l’objet et le nom dactylographié qui figure au-dessous de la signature :

  • Le 3 janvier 1996
  • Objet : Le recrutement des employés
  • (signature)
    Jean Delorme

6.3.3 Dans les titres

Les titres et les sous-titres écrits au centre de la page ou dans la marge, ainsi que les titres de journaux, de livres, de films, etc., ne sont jamais suivis du point, même lorsqu’ils comportent un verbe conjugué :

  • Comment établir un budget
  • Le Droit
  • Bonheur d’occasion
  • On ne badine pas avec l’amour

Lorsque le titre ou le sous-titre est immédiatement suivi du texte sur la même ligne, on peut l’en séparer par un point suivi d’un tiret :

  • Formation du terrain. — Avant d’entreprendre l’étude de…

On peut également, dans ce dernier cas, séparer le titre du texte par les deux points ou par un tiret non précédé d’un point.

Dans les subdivisions de textes, on peut aussi faire suivre les lettres majuscules ainsi que les chiffres romains et arabes d’un point, ou d’un point et d’un tiret :

  • A. Les relations patronales-syndicales
    A. — Les relations patronales-syndicales
  • V. La pauvreté dans les villes nord-américaines
    V. — La pauvreté dans les villes nord-américaines
  • 1. Les problèmes économiques
    1. — Les problèmes économiques

Les titres sont cependant suivis des signes exigés par le sens de l’énoncé, comme le point d’interrogation et le point d’exclamation :

  • Aimez-vous Brahms?
  • La guerre, yes sir!

6.3.4 Et après un point

La conjonction et peut s’employer en début de phrase pour faire ressortir une opposition ou un sentiment. Dans cette position, et sert également à souligner l’enchaînement des idées, à accélérer un dialogue ou un récit :

  • Vous avez tout dépensé. Et vous venez me réclamer de l’argent, à moi qui n’ai plus un sou.
  • Et les hostilités reprirent de plus belle.

6.3.5 Le point et les autres signes

Les phrases se terminant par un point d’exclamation, un point d’interrogation, des points de suspension ou un point abréviatif ne prennent pas de point final :

  • Que comptez-vous faire pendant vos vacances?
  • Tout le monde se demande pourquoi il est parti si vite…
  • Le directeur a aidé ses employés à rédiger leur c.v. 

6.4 Les deux points

Les deux points séparent toujours des éléments qui sont unis par un lien logique étroit. Ce signe est également appelé les deux-points, le double point et, plus particulièrement dans la langue de la typographie, le deux-points.

6.4.1 Fonctions principales

Les deux points indiquent que l’on cite un texte ou que l’on rapporte les paroles de quelqu’un :

  • Salvador Dali disait : « Le moins que l’on puisse demander à une sculpture, c’est qu’elle ne bouge pas. »
  • Le maire a en outre déclaré : « Nous devons embellir notre ville, mettre notre patrimoine en valeur et promouvoir le tourisme. »

Cependant, si la citation est fondue dans la phrase, c’est-à-dire si elle en fait grammaticalement partie, on n’utilise pas les deux points :

  • De tout cela il ressort que « le fardeau est léger sur l’épaule d’autrui ».

Les deux points annoncent une explication, une synthèse, une cause, une conséquence, etc. :

  • Elle a dû vendre sa voiture : elle n’avait plus d’argent.
  • Pierre a des talents de menuisier, de plombier, d’électricien : c’est un véritable homme à tout faire.
  • L’automne approche : les oiseaux vont bientôt entreprendre leur longue migration vers le Sud.

Dans cet emploi, les deux points remplacent avantageusement certains mots charnières, comme car, parce que, c’est pourquoi, en effet, qui ont souvent le défaut d’alourdir la phrase.

Les deux points annoncent une énumération (voir aussi 3.1.2 Énumération horizontale, et 3.1.3 Énumération verticale). Celle-ci peut se présenter à l’horizontale ou à la verticale, et être amorcée par une conjonction ou une préposition :

  • Vous devrez : constater l’infraction; aviser les intéressés dans les délais réglementaires; prendre toute autre mesure jugée utile.
  • Il est évident que :
    — l’infraction est réelle;
    — toutes les mesures de prévention n’ont pas été observées.

Les mots vu, signé, lu et approuvé sont suivis des deux points  :

  • Vu : Charles Tétreault, directeur général
  • Signé : Paul Vachon
  • Lu et approuvé : Normand Laberge

Les deux points sont le symbole de la division :

  • 14 : 2 = 7

6.4.2 Répétition des deux points

En général, on évite de répéter les deux points dans une même phrase — à moins que le deuxième signe ne serve à introduire une citation ou ne figure lui-même dans une citation ou dans un passage entre parenthèses :

  • Dans ce musée, on peut admirer des meubles antiques d’une très grande valeur : des armoires, des bahuts, des vaisseliers et de superbes encoignures (encoignure : « petit meuble à portes vitrées ou non garni d’étagères, fait pour être placé dans un coin » [Encyclopédie des antiquités du Québec]).

On trouve cependant, dans certains ouvrages, des exemples où les deux points sont employés plus d’une fois dans des cas autres que ceux-là. La répétition des deux points peut donc être tolérée dans les contextes où cette façon de faire n’entraîne aucune confusion et ne peut être évitée :

  • Sont admissibles :
    a) les élèves de plus de quinze ans;
    b) les élèves de moins de quinze ans qui :
         1. ont obtenu une moyenne de 90 % ou plus;
         2. ont reçu le prix Adélard-Dupuis.

6.4.3 Majuscule ou minuscule?

Après les deux points, on ne met en principe la majuscule qu’aux noms propres et qu’au premier mot des citations :

  • La ville est tout illuminée : Noël approche.
  • Elle pensait à cette phrase d’Ionesco : « Un médecin consciencieux doit mourir avec le malade s’ils ne peuvent pas guérir ensemble. »

Lorsque les deux points suivent un terme comme remarque, note, etc., le premier mot du texte annoncé par les deux points prend en général la majuscule :

  • Remarque : La langue anglaise conserve encore aujourd’hui des traces de l’anglo-normand que parlaient les aristocrates du Moyen Âge.

Quand la phrase qui suit les deux points constitue une explication de la proposition précédente, on ne met pas de majuscule :

  • Je dois mettre les bouchées doubles : j’ai un long travail à terminer.

6.4.4 Les deux points et les autres signes

Dans le cas où les deux points introduisent une citation guillemetée constituant une phrase complète, on doit placer le point final avant le guillemet fermant [voir aussi 7.2.3c) Phrase complète] :

  • Gérard Morisset a écrit : « Nos ancêtres étaient des hommes simples, réfléchis et prévoyants. »

6.5 Le point d’interrogation

6.5.1 Fonctions principales

Les principales fonctions du point d’interrogation sont les suivantes :

Il termine toute phrase exprimant une interrogation directe :

  • Que s’est-il passé?
  • Vos employés sont-ils intéressés?

À noter que l’interrogation indirecte ne se termine jamais par un point d’interrogation :

  • Je me demande ce qui s’est passé.
  • Il aimerait savoir combien d’heures vous avez consacrées à ce travail.

Il figure à la fin des phrases affirmatives ou négatives qui, par l’intonation, expriment une véritable interrogation :

  • Tu viens?
  • Ils ne vous dérangent pas?

Il suit entre parenthèses un mot ou un élément quelconque de la phrase qui paraît douteux :

  • Il a vendu dix mille exemplaires (?) de son roman.

À noter que l’ensemble formé par le point d’interrogation et les parenthèses s’espace comme un mot ordinaire et qu’il n’y a pas d’espace de part et d’autre du point d’interrogation.

Il peut figurer entre parenthèses pour remplacer les dates de naissance ou de décès qui sont inconnues, ou accompagner celles qui paraissent douteuses :

  • Omer Boivin (? — 1830)
  • Adèle Bouchard (1714? — 1750)

Il est également possible d’utiliser le point d’interrogation sans parenthèses pour signaler simplement un chiffre manquant :

  • 18?4

Pour exprimer divers sentiments, dont la surprise et l’incrédulité, on peut doubler le point d’interrogation, le tripler, ou encore le combiner avec le point d’exclamation :

  • Elle est fâchée parce que j’ai oublié la date de son anniversaire??
  • Il a gagné le gros lot, et il continue de travailler?!!

Il convient de noter que ce procédé, dont l’abus dénote souvent la pauvreté du vocabulaire plutôt que l’originalité du style, n’est pas à recommander dans la langue administrative (voir aussi 6.6.6 Répétition du point d’exclamation).

6.5.2 Série d’interrogatives

En principe, quand une phrase comporte plus d’une proposition interrogative, on met un point d’interrogation après chaque proposition si on considère que chacune d’elles forme un tout ou appelle une réponse différente :

  • Êtes-vous allé à Jasper? Y avez-vous fait du ski?

Si les propositions forment un bloc concourant à l’expression d’une même idée, on met un point d’interrogation à la fin de la phrase seulement. Dans ce cas, les propositions sont souvent réunies par une conjonction :

  • Aimeriez-vous faire de la plongée sous-marine dans les Antilles, ou préféreriez-vous faire du ski à Banff?
  • Ce pays ne présente-t-il pas un déficit extrêmement élevé, un taux de chômage alarmant et une inflation galopante?

6.5.3 Auriez-vous l’obligeance de…?

Certains recommandent l’emploi du point d’interrogation après des tours comme Auriez-vous l’obligeance de…, Voulez-vous…, tandis que d’autres le déconseillent. Les premiers font valoir que la forme est interrogative; les seconds, que le sens ne l’est pas. Comme les deux raisonnements se valent, il convient de tenir le point d’interrogation pour facultatif dans ce genre de phrase :

  • Auriez-vous l’obligeance de nous retourner le formulaire dûment rempli au plus tard le 20 mai prochain?
  • Voulez-vous soumettre le présent manuscrit aux membres de votre équipe et me faire part de leurs observations le plus tôt possible.

6.5.4 Dans les titres

À la différence du point final, le point d’interrogation peut figurer dans les titres, où sa présence est parfois exigée par le sens même de l’énoncé :

  • Aimez-vous Brahms?
  • Qui a peur de Virginia Woolf?

Les titres commençant par les adverbes interrogatifs comment et pourquoi ont parfois la valeur d’une interrogation indirecte qui serait pour ainsi dire privée de son support — comme si le mot voici était sous-entendu. Ces titres ne se terminent pas par un point d’interrogation :

  • Comment attirer les oiseaux dans son jardin
  • Pourquoi il ne faut jamais donner de conseils

6.5.5 Majuscule ou minuscule?

On met une majuscule au mot qui suit le point d’interrogation si l’on considère que le point d’interrogation termine la phrase; une minuscule si l’on considère que la phrase se poursuit. C’est ainsi que l’incise faisant suite à une proposition interrogative doit obligatoirement s’écrire avec une minuscule initiale (voir aussi 6.5.6 Le point d’interrogation et les autres signes) :

  • Devrais-je me mettre à la recherche d’un emploi?, me suis-je demandé.
  • Quand finirons-nous d’entendre parler du déficit? Quand il n’y en aura plus, sans doute.

La majuscule, qui signifie que l’on prête au point d’interrogation la valeur d’un point, a pour effet d’accentuer le caractère distinct de chaque élément. Quant à la minuscule, qui montre que l’on assimile le point d’interrogation à une virgule ou à un point-virgule, elle fait mieux ressortir l’enchaînement des idées. L’intention de l’auteur est le facteur déterminant :

  • Qui sera le nouveau chef? On ne le sait toujours pas.
  • Est-il déçu? je me le demande.

Ces observations valent également pour les cas où plusieurs propositions interrogatives sont juxtaposées :

  • Est-ce un chef? un révolutionnaire?
  • Que peut-on faire dans les circonstances? Rationaliser? décentraliser?

6.5.6 Le point d’interrogation et les autres signes

Le point d’interrogation se confond toujours avec le point final :

  • Abolirons-nous ce service? (Les employés commencent à s’inquiéter.)

Le point d’interrogation, suivi ou non des guillemets, tient lieu de virgule lorsqu’il précède une incise ou qu’il coïncide avec la fin d’une proposition intercalée :

  • Quelle est la meilleure solution? me suis-je demandé.
  • Il a juré, pourquoi douterais-je de sa parole? qu’il ne savait rien.

Cependant, certains auteurs ou imprimeurs couplent la virgule et le point d’interrogation :

  • Dans l’ordre : possible, pourquoi pas?, faut voir, tout se marchande et… elle en a vu d’autres (L’Express).
  • « À quoi sert un bébé? », répondit l’inventeur (Le Nouvel Observateur).

Les deux façons de faire sont acceptables; l’important est d’être uniforme. Noter, dans le dernier exemple, que le point d’interrogation qui fait partie d’une citation guillemetée figure à l’intérieur des guillemets. S’il fait partie de la phrase principale, il est placé à l’extérieur des guillemets (voir aussi 7.2.3 Phrase complète) :

  • Qu’entendez-vous par l’expression « zone de rusticité »?

6.6 Le point d’exclamation

Le point d’exclamation, qui est un signe essentiellement expressif, marque la surprise, l’étonnement, la crainte, la joie, le regret, etc. Il est assez rarement employé dans la langue administrative.

6.6.1 Place du point d’exclamation

On met un point d’exclamation après une interjection ou une locution interjective employée isolément de même qu’après toute phrase exclamative, introduite ou non par un adjectif exclamatif :

  • Hélas!
  • Par exemple!
  • Encore une réunion!

Quand une phrase commence par une interjection, on met un point d’exclamation après cette interjection ainsi qu’à la fin de la proposition suivante — si cette dernière est exclamative. Comparer :

  • Hourra! Un nouveau photocopieur!
  • Ah non! Il pleut et j’ai oublié mon parapluie.

On répète le point d’exclamation après chaque élément quand une suite de phrases exclamatives sont suffisamment indépendantes les unes des autres :

  • Quel dommage! Quel scandale pour la famille!

Par contre, s’il y a une gradation d’idées, il suffit de mettre un point d’exclamation à la fin de la phrase :

  • C’est si ennuyeux, si regrettable!

6.6.2 Interjections

Lorsqu’une interjection est liée à un autre mot avec lequel elle fait corps, le point d’exclamation est placé après le deuxième terme :

  • Zut alors!
  • Non mais!

Si le deuxième élément exprime une idée distincte, les deux éléments sont séparés par un point d’exclamation :

  • Non! Vraiment!
  • Ah! Ouf!

Lorsque l’interjection est répétée, les possibilités sont infinies, en ce qui concerne tant la répétition du signe d’exclamation que l’emploi de la majuscule : tout dépend de l’effet que l’on veut obtenir. Si l’on veut appuyer sur les interjections, on peut soit les écrire chacune avec une majuscule, soit répéter le point d’exclamation, ou utiliser les deux procédés à la fois. Si l’on veut accélérer le rythme, notamment pour imiter le rire, on peut même supprimer la virgule :

  • Ha! Ha! Ha!
  • Ha! ha! ha!
  • Ha, ha, ha!
  • Ha ha ha!

6.6.3 Entre parenthèses

Pour marquer son étonnement ou son incrédulité, on peut faire suivre un élément de la phrase d’un signe d’exclamation placé entre parenthèses :

  • Il n’y aura pas de compressions budgétaires (!) cette année.

À noter que l’ensemble formé par le point d’exclamation et les parenthèses s’espace comme un mot ordinaire et qu’il n’y a pas d’espace de part et d’autre du point d’exclamation.

6.6.4 Dans les titres

À la différence du point final, le point d’exclamation s’emploie correctement dans les titres, où sa présence peut être exigée par le sens même de l’énoncé :

  • La guerre, yes sir!

6.6.5 Ô

L’interjection ô, aussi appelée ô vocatif, peut servir à interpeller ou à invoquer. Le ô vocatif peut également exprimer un sentiment de joie, de crainte, d’admiration, etc. Dans l’un et l’autre de ces emplois, le ô ne doit jamais être directement suivi du point d’exclamation :

  • Ô Canada!
  • Ô que j’ai hâte aux vacances!

6.6.6 Répétition du point d’exclamation

Le point d’exclamation peut être doublé, triplé et même combiné au point d’interrogation pour exprimer l’incrédulité, l’étonnement. Ce procédé stylistique n’est cependant pas à recommander :

  • Il est parti sans parapluie!!
  • C’est un boucher, et il a peur du sang!!?

6.6.7 Majuscule ou minuscule?

Dans le cas d’une interjection placée en début de phrase, on met une majuscule après le point d’exclamation si l’on veut appuyer sur l’interjection; le point d’exclamation équivaut alors à un point ordinaire. On écrit le mot qui suit le point d’exclamation avec une minuscule si l’on considère que l’interjection constitue l’amorce de la phrase; le point d’exclamation équivaut dans ce cas à une virgule :

  • Minute! Je n’ai pas encore terminé!
  • Minute! mon ami, j’arrive!

Dans les autres cas, on met une majuscule au mot qui suit le point d’exclamation si l’on considère qu’il introduit une nouvelle phrase; une minuscule si l’on estime que la phrase se poursuit. Dans le premier cas, le point d’exclamation équivaut à un point; dans le deuxième, à une virgule :

  • Quel temps splendide! Il faut en profiter!
  • Vive le printemps! la végétation qui renaît!

6.6.8 Le point d’exclamation et les autres signes

Comme le point d’interrogation, le point d’exclamation se confond avec le point final :

  • Elle est allée faire du camping à la baie des Ha! Ha!

Le point d’exclamation, suivi ou non des guillemets, tient lieu de virgule à la fin d’une proposition intercalée, ou avant une incise :

  • J’ai encore, hélas! mal à la tête.
  • « Comme si je n’avais pas assez d’ennuis! » s’est-il écrié.

Certains préfèrent coupler la virgule et le point d’exclamation :

  • Ce fut, hélas!, le mari qui prit les devants (A. Lwoff).
  • « C’est un véritable imbroglio! », dit Philip Wilkes, le défenseur des usagers (Le Nouvel Observateur).

Il convient de considérer les deux procédés comme acceptables; l’important est d’assurer l’uniformité à l’intérieur du texte. Noter, dans le dernier exemple, que le point d’exclamation qui fait partie d’une citation guillemetée est à l’intérieur des guillemets. S’il fait partie de la phrase principale, il se place à l’extérieur des guillemets (voir aussi 7.2.3 Phrase complète) :

  • Ne me dites pas qu’elle est encore« épuisée »!

6.7 Les points de suspension

Les points de suspension sont toujours au nombre de trois, sauf dans un cas (voir 6.7.2 Signe de substitution), et ne doivent jamais être espacés entre eux.

6.7.1 Fonctions principales

Les points de suspension servent principalement à :

Signaler une interruption, notamment dans une énumération. Ils servent en outre à marquer une réticence, et peuvent exprimer les sentiments les plus divers, comme la crainte, l’étonnement, la confusion :

  • J’ai lu des rapports, des comptes rendus, des procès-verbaux…
  • Je croyais… On m’avait dit…

Il faut noter qu’il est incorrect de faire suivre l’abréviation etc. des points de suspension, puisque etc. signale lui-même que l’énumération est incomplète.

Marquer l’écoulement d’un certain laps de temps, un silence dans un dialogue :

  • Il s’endormit angoissé… Il se réveilla fatigué.
  • As-tu remis le catalogue à sa place

    Ne peux-tu pas répondre?

Attirer l’attention sur une conclusion amusante ou inattendue, sur un terme que l’on désire mettre en valeur :

  • Devant toutes ces possibilités, il décida… de ne rien faire.
  • La perte de tous mes biens, selon lui, allait m’enrichir… spirituellement.

6.7.2 Signe de substitution

Les points de suspension peuvent remplacer les dernières lettres d’un nom ou d’un mot que l’on répugne à citer en entier :

  • Un certain monsieur R… est venu vous voir.
  • Cet insolent l’a envoyé se faire f…

Après l’initiale du mot que l’on veut taire, on peut aussi mettre autant de points qu’il y a de lettres à supprimer :

  • Le vol aurait été commis par U…

Quand, par souci de discrétion, on préfère ne pas révéler la première lettre du nom cité, on peut accoler les points de suspension aux lettres X, Y et Z :

  • Il faut donner à M. X… l’occasion de se défendre.

Les points de suspension peuvent également remplacer un mot ou un nom propre au complet, que l’on n’ose pas donner en entier. Dans ce cas, ils sont précédés et suivis d’une espace :

  • C’est un … de la pire espèce.
  • J’ai ouï dire que … songeait à démissionner.

6.7.3 Citations

Les points de suspension servent à signaler l’omission d’un mot ou d’un passage dans une citation (voir aussi 7.2.7 Omissions et ajouts dans les citations). Pour bien montrer qu’ils ne font pas partie de la citation, on les place entre crochets. On évitera d’employer à cette fin les parenthèses, qui pourraient être attribuées à l’auteur de la citation :

  • De tous les biens que nous recevons […] aucun ne nous fait plus de mal malgré tout que les amis, avec leur confiance en nous, leur espoir, leur attente (G. Roy).

À noter qu’il n’y a pas d’espace de part et d’autre des points de suspension et que l’ensemble formé par les crochets et les points de suspension s’espace comme un mot ordinaire.

6.7.4 Points de conduite

Les points de conduite, suite de points ainsi appelés parce que leur rôle est de guider l’œil, se rencontrent souvent dans les tableaux, les index et les tables des matières :

  • La virgule................................................................ 6.1

6.7.5 Pagination

Dans la correspondance, on rencontre parfois, dans l’angle inférieur droit de la première page, la mention …2 ou …/2, qui signale que la lettre comprend une deuxième page, et ainsi de suite pour les pages suivantes.

Pour indiquer que l’on doit tourner la page, on peut aussi placer des points de suspension de part et d’autre d’une oblique, sans mentionner de numéro de page :

  • …/…

Cette dernière indication, qui figure dans le coin inférieur droit de la page, est parfois remplacée par l’abréviation T.S.V.P. (tournez s’il vous plaît).

Voir aussi 6.12.4 Pagination, et 8.1.15 Pagination.

6.7.6 Majuscule ou minuscule?

Les points de suspension sont suivis d’une majuscule lorsqu’ils équivalent à un point; ils sont suivis de la minuscule quand on leur attribue la valeur d’une virgule ou d’un point-virgule. Il va sans dire que l’emploi de la majuscule après les points de suspension est parfois affaire d’interprétation personnelle :

  • Nous comptions aller jusqu’à Québec… Mais à Trois-Rivières, le mauvais temps nous a forcés à arrêter.
  • J’étais énervée, j’ai bu du café… beaucoup trop de café.

6.7.7 Les points de suspension et les autres signes

Lorsqu’une phrase se termine par des points de suspension, il ne faut pas mettre de point final. Il convient également de respecter la règle communément admise qui veut que les points de suspension se confondent avec le point abréviatif :

  • Je n’ai plus qu’un seul recours…
  • Des irrégularités auraient encore été commises par la société Inforum inc…

Les points de suspension se placent généralement devant la virgule et le point-virgule :

  • La littérature, la politique, l’histoire…, tous les sujets l’intéressent.
  • En vain a-t-il consulté les dictionnaires, les grammaires, les encyclopédies, les ouvrages de langue…; en vain a-t-il interrogé les professeurs et les spécialistes.

La place des points d’interrogation et d’exclamation par rapport aux points de suspension est déterminée par le sens de la phrase. Si c’est la phrase interrogative ou exclamative elle-même qui est interrompue, les points de suspension viennent en premier :

  • Allez-vous venir à…?
  • Est-ce que j’en ai assez de ces…!

Si c’est la suite de la phrase ou la phrase suivante qui est laissée en suspens, ils sont placés après :

  • Qu’est-ce qui vous intéresse? les sciences? la géographie? les mathématiques?…

6.8 Les parenthèses

Les parenthèses comportent une forme ouvrante et une forme fermante. Ce signe sert surtout à isoler, dans le corps d’une phrase ou d’un paragraphe, des explications ou des éléments d’information utiles à la compréhension du texte, mais non essentiels. Les parenthèses jouent un rôle important dans les textes scientifiques, techniques, juridiques et administratifs, mais il faut se garder d’en abuser.

6.8.1 Contenu des parenthèses

Les parenthèses peuvent contenir des indications très variées, notamment :

Une date, un pourcentage

  • Durant cette période, on n’adopte que quatre lois importantes : une loi de judicature (1794), une loi de la milice (1794), une loi de finance (1795), une loi des chemins…
  • Les ruraux répartis le long de la vallée du Saint-Laurent constituent une importante proportion (40 %) de cette population.

Un renvoi, une référence bibliographique

  • Les employés qui ne possèdent pas de carte d’identité du Ministère (voir Manuel du personnel, chap. 4)…
  • L’autobiographie de Gabrielle Roy (La détresse et l’enchantement, Boréal, 1988) a été publiée après sa mort.

Une formule, une expression algébrique ou mathématique

  • Un hydrate, comme le plâtre de Paris (Ca2SO4H2O), peut causer…
    (4y + 1) — (ab + y)

Une définition ou une simple explication

  • Sa grande passion est la mycologie (étude des champignons).
  • La préférence a été donnée à la cartographie, aux œuvres des artisans et des artistes, aux tableaux (gravures et aquarelles) de l’époque.

Des renseignements étymologiques

  • Homard (houmar, 1532; anc. nord. humarr)

Une traduction

  • L’été, il se déplace toujours pedibus cum jambis (« à pied »).

Un sigle ou l’explication d’un sigle

  • L’Association des citoyens pour la protection des rives de l’Outaouais (ACPRO) a présenté une pétition…
  • L’ACPRO (Association des citoyens pour la protection des rives de l’Outaouais) a présenté une pétition…

Des mots inversés dans un index alphabétique

  • Économie (mondialisation de l’)
  • Riopelle (Jean-Paul)

Un commentaire formulé à titre personnel

  • Les semis de fleurs annuelles doivent être effectués environ six semaines avant le dernier gel (cette date varie évidemment selon les régions).
  • Il n’aimait point ces explications ésotériques. (Elles étaient, selon lui, le propre d’un esprit nébuleux.)

Un autre signe de ponctuation

  • Elle n’a besoin que de cinq heures de sommeil (?) par nuit.
  • Le déficit sera bientôt comblé (!).

Un nom de lieu

  • Il a dû aller à St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) pour affaires.

6.8.2 Énumération

La parenthèse fermante s’emploie après un chiffre ou une lettre devant les subdivisions d’un texte ou les éléments d’une énumération :

  • Il y a trois langues officielles en Belgique :
    a) l’allemand; b) le français; c) le néerlandais.
         ou
    Il y a trois langues officielles en Belgique :
    1) l’allemand; 2) le français; 3) le néerlandais.

Les chiffres peuvent aussi être suivis d’un point ou du signe « ° » en position supérieure, mais sans parenthèse fermante :

  • 1.
  • 2.

6.8.3 Marque du pluriel

Pour donner au lecteur le choix entre le singulier et le pluriel, certains admettent que l’on place la marque du pluriel entre parenthèses :

  • La(es) personne(s) intéressée(s) doit(vent) remplir un formulaire.

Ces formes télescopées présentent cependant l’inconvénient de rendre la phrase presque illisible. Il est préférable soit d’employer uniquement le pluriel, soit d’utiliser le tour le ou les (la ou les), qui entraîne l’accord du nom et du verbe au pluriel. Dans certains cas, on peut aussi reformuler :

  • Les personnes intéressées doivent remplir un formulaire.
  • La ou les personnes intéressées doivent remplir un formulaire.
  • Toute personne intéressée doit remplir un formulaire.

Ces observations s’appliquent également à l’indication des formes féminines entre parenthèses (voir 9.1.2 Formes masculine et féminine au long).

6.8.4 Répétition des parenthèses

Un passage figurant entre parenthèses ne doit pas être inséré dans un texte déjà écrit entre parenthèses. Il faut, dans ce cas, recourir aux crochets :

  • Les personnages de détectives le fascinent (surtout le célèbre inspecteur Maigret [créé par Simenon]).

Bien que l’on observe parfois le contraire, les parenthèses tendent nettement, dans l’usage, à l’emporter sur les crochets lorsque les deux signes sont employés concurremment. Aussi convient-il d’utiliser d’abord les parenthèses,puis les crochets, ces derniers faisant office de sous-parenthèses.

Le rédacteur peut cependant être obligé d’inverser cet ordre. Par exemple, s’il insère dans une citation un commentaire personnel contenant un élément entre parenthèses, il doit utiliser les crochets avant les parenthèses, car la règle veut que toute intervention d’un tiers dans une citation soit signalée par les crochets :

  • « La grande peinture, c’est des tableaux très ennuyeux [l’auteur a développé cette idée dans L’art brut préféré aux arts culturels (1949)]; plus ils sont ennuyeux et plus ils sont délicats et de bon goût » (J. Dubuffet).

Il est préférable de ne pas placer côte à côte deux passages figurant entre parenthèses. Lorsque cette situation se présente, on isole le deuxième élément au moyen des crochets :

  • (1984-1988) [Université d’Ottawa]

À moins d’une convention ou d’une contrainte particulière, qui exigerait par exemple que tel ou tel type de données figure toujours entre crochets, le texte entre parenthèses doit en principe contenir l’élément entre crochets :

  • « Il ne faut pas s’occuper des autres : ils sont ailleurs » (selon Réjean Ducharme [L’avalée des avalés]).
         mais
    [voir 26b)]

Pour éviter la répétition des parenthèses, on peut également, dans certains cas, recourir aux tirets (voir 6.10.7 Avec les parenthèses).

6.8.5 Majuscule ou minuscule?

Lorsqu’il est fondu dans la phrase, un passage entre parenthèses ne prend la majuscule que s’il commence par un nom propre :

  • Une exposition consacrée à William Morris (au Musée des beaux-arts, à Ottawa) nous fait découvrir un peintre, un poète et un grand penseur.
  • J’ai passé la période des fêtes à Saint John (Nouveau-Brunswick).

6.8.6 Ponctuation à l’extérieur des parenthèses

Lorsqu’un texte entre parenthèses est un fragment de phrase, la parenthèse ouvrante n’est jamais précédée d’une virgule, d’un point-virgule ou des deux points. Si le sens de la phrase réclame l’emploi de l’un de ces signes, il faut le placer après la parenthèse fermante :

  • Veuillez nous faire parvenir votre extrait de naissance (un original, non une photocopie), une photographie récente ainsi que votre curriculum vitae.
  • Trois conseillers municipaux se sont portés candidats au poste de maire (vacant depuis trois mois) : Adolphe Sirois, Yvan Simard et Roméo Lagrange.

Lorsque le texte entre parenthèses constitue une phrase indépendante, la parenthèse ouvrante est, selon le cas, précédée d’un point, d’un point abréviatif, d’un point d’interrogation, d’un point d’exclamation ou des points de suspension :

  • Ainsi je vous rappellerai dimanche soir. (J’ose espérer que vous ne vous couchez pas avec les poules et que je n’aurai pas à vous sortir du lit!)
  • Avez-vous vu l’opéra Madame Butterfly? (Il a été très bien accueilli par la critique.)

6.8.7 Ponctuation à l’intérieur des parenthèses

À l’intérieur des parenthèses, on doit appliquer les règles générales de la ponctuation.

Quand le texte entre parenthèses est considéré comme une phrase indépendante — auquel cas il commence par une majuscule, — il faut placer la ponctuation finale (point, point d’interrogation, point d’exclamation, points de suspension) devant la parenthèse fermante et non après :

  • Seules des raisons techniques pourraient nous obliger à renoncer à ces travaux. (On comprendra qu’il est impossible de tout prévoir.)
  • Je ne pourrai terminer ce travail toute seule. (Pourriez-vous me prêter main-forte la semaine prochaine?)

On écrirait aussi correctement, à condition de déplacer le point et de mettre une minuscule initiale au texte figurant entre parenthèses :

  • Seules des raisons techniques pourraient nous obliger à renoncer à ces travaux (on comprendra qu’il est impossible de tout prévoir).
  • Je ne pourrai terminer ce travail toute seule (pourriez-vous me prêter main-forte la semaine prochaine?).

6.9 Les crochets

Comme les parenthèses, les crochets comportent une forme ouvrante et une forme fermante. Ils sont toutefois moins utilisés que les parenthèses, car ils s’emploient dans des contextes bien particuliers.

6.9.1 Fonctions principales

On emploie les crochets pour intercaler un élément à l’intérieur ou à côté d’un passage figurant lui-même entre parenthèses (voir 6.8.4 Répétition des parenthèses).

Les crochets encadrent souvent les formules algébriques ou mathématiques :

  • [x(a + b) - 3(a + b)]

On observera que, si les crochets sont subordonnés aux parenthèses dans la langue générale, c’est l’inverse qui se produit dans le langage de l’algèbre.

Dans les dictionnaires, notamment, la transcription phonétique des mots est donnée entre crochets :

  • Oiseau [wazo]

6.9.2 Marque de l’intervention d’un tiers

Quand on retranche d’une citation un passage jugé inutile ou non pertinent, on remplace les mots supprimés par des points de suspension encadrés de crochets :

  • « Nous avons bâti un homme type […] et nous nous y raccrochons si bien que nous considérons comme un malade ou comme un monstre tout ce qui ne lui ressemble pas » (G. Simenon).

Il faut se garder d’indiquer uniquement les points de suspension ou de remplacer les crochets par des parenthèses, car l’interruption pourrait alors être attribuée à l’auteur même de la citation.

On insère entre crochets tout renseignement dont le lecteur peut avoir besoin pour bien comprendre une citation :

  • « Dans ce pays [la Suisse], véritable carrefour, on compte quatre régions linguistiques. »
  • « Elle [la beauté] agit même sur ceux qui ne la constatent pas » (J. Cocteau).

Les crochets servent également à intercaler une réflexion personnelle à l’intérieur d’une citation. Cette réflexion peut consister simplement en un point d’exclamation ou en un point d’interrogation :

  • « Tout ce qui n’est ni une couleur, ni un parfum, ni une musique [ni une saveur, ajouteraient les gourmands], c’est de l’enfantillage » (B. Vian).
  • « Enfants, en Italie, Sacco et Vanzetti rêvaient peut-être à l’électrification [!] des campagnes » (J. Prévert).

Quand une citation comporte un mot étrange ou mal orthographié, on le fait suivre du mot sic, écrit en italique et entre crochets :

  • « Les soldats ont refusé d’optempérer [sic] aux ordres de leur général. »

Bien que sic s’écrive parfois entre parenthèses, il est préférable d’employer les crochets, qui marquent hors de tout doute l’intervention d’un tiers. Cela dit, l’emploi des parenthèses n’est pas à exclure dans tous les cas. Placé entre parenthèses, le mot sic indique que c’est l’auteur lui-même qui porte un jugement sur les propos qu’il rapporte. On pourrait ainsi trouver sous la plume d’un journaliste :

  • « Notre pays est au bord de l’abîme, a déclaré le nouveau candidat. Votez pour moi, faites un pas en avant (sic), a-t-il ajouté. »

Voir aussi 7.2.7 Omissions et ajouts dans les citations.

6.10 Le tiret

Simple ou double, le tiret a principalement pour rôle de créer un effet d’insistance et de signaler un changement de niveau dans le discours. Comme il détache les éléments de la phrase plus nettement que ne le fait la virgule, le tiret contribue à la clarté de l’expression et facilite ainsi la tâche au lecteur. Il faut toutefois se garder d’abuser du tiret sous peine de lui faire perdre de son efficacité et de sa puissance expressive.

6.10.1 Dialogues et comptes rendus

Le tiret marque un changement d’interlocuteur dans un dialogue :

  • Victor s’adressant à son père :
    — Peut-on être puni pour quelque chose qu’on n’a pas fait, papa?
    — Mais non, voyons! Pourquoi?
    — Parce que je n’ai pas fait mes devoirs.

Dans les comptes rendus de réunions, le tiret sépare le nom de l’interlocuteur du texte de son intervention; il est alors le plus souvent précédé d’un point :

  • Odile Bérubé. — Nous n’aurons pas les ressources nécessaires pour mener ce projet à terme.
    Simon Ladéroute. — Je ne vois qu’une solution : l’abandonner.

6.10.2 Marque de la séparation

Le tiret peut s’employer pour distinguer les éléments d’une énumération présentée à la verticale :

  • J’aimerais recevoir au plus tôt les documents suivants :
    — le procès-verbal de la séance du…
    — les annexes II et III du rapport sur…
    — les organigrammes des trois services intéressés.

Le tiret sépare les titres de chapitres ou de subdivisions des lettres ou des numéros qui leur sont attribués. Dans cet emploi, les tirets sont souvent, mais non obligatoirement, précédés d’un point :

  • A. — La pauvreté en Amérique du Nord
          1. — Dans les milieux urbains
          2. — Dans les milieux ruraux
  • II — Les relations patronales-syndicales
          A — Dans les années 60
          B — Dans les années 80

On peut aussi, dans ce dernier cas, ne mettre que le point à la suite du chiffre ou de la lettre (voir aussi 6.3.3 Dans les titres) :

  • A. L’immigration
        1. La composante économique
        2. La composante sociale

Le tiret sert enfin à séparer les éléments d’un sommaire, sorte de table des matières que l’on place au début d’un livre ou d’un chapitre. Dans cet emploi, le tiret est très souvent précédé d’un point :

  • Chapitre II
    L’histoire des jardins

    Le mythe du paradis terrestre. — Le jardin dans les civilisations orientales. — Le jardin au Moyen Âge. — Les jardins de la Renaissance. — Le jardin après la révolution industrielle. — Le jardin au XXe siècle.

6.10.3 Effet d’insistance

Comme le tiret ressort davantage que la virgule du point de vue graphique, il est plus apte que cette dernière à capter l’attention du lecteur. Aussi le tiret est-il le signe tout désigné pour souligner une opposition ou une conclusion inattendue, pour créer un effet de chute ou d’insistance :

  • Je croyais que le grade donnait de l’autorité — il en ôte (J. Vallès).
  • L’avenir de l’homme antique devait être révélé. Celui du savant d’hier pouvait être prévu. Le nôtre est à construire — par l’invention et par le travail (G. Berger).

6.10.4 Dans les tableaux

Généralement, le tiret indique la répétition dans l’usage européen, la nullité dans l’usage canadien. Il convient de faire à ce sujet deux mises au point :

Si les ouvrages européens donnent bel et bien le tiret comme un signe de répétition, un nombre non négligeable d’entre eux mettent en garde contre l’ambiguïté que peut entraîner l’emploi de ce signe dans des colonnes de chiffres, le tiret pouvant dans ce contexte être interprété comme un signe de nullité. À noter, comme le rappellent ces ouvrages, que le danger d’équivoque disparaît quand le tiret concerne des mots :

  • Crayons bleus :15
  • — noirs : 20
  • Dictionnaires noirs : —

Dans l’usage canadien, le tiret marque effectivement la nullité. Cependant, son emploi dans un tableau n’en demeure pas moins potentiellement équivoque, ne serait-ce que parce qu’il est considéré comme un signe de répétition dans la plus grande partie de la francophonie.

C’est pourquoi dans tous les contextes où son emploi peut prêter à confusion, notamment dans les tableaux comportant des chiffres, il est préférable de remplacer le tiret par une mention qui soit interprétée de la même façon par tous les francophones, en l’occurrence par des zéros ou par les mots néant, rien ou non déterminé (n.d.).

Pour indiquer la répétition, on utilise les guillemets (voir 7.3.1 Tableaux et catalogues) ou le mot idem.

6.10.5 Dans les dictionnaires

Dans les index, les dictionnaires, les lexiques, etc., le tiret sert à remplacer un mot vedette. Cette fonction est aussi parfois remplie par le tilde (~). À noter que, dans les lexiques et les dictionnaires, le tiret marque la répétition autant dans l’usage canadien que dans l’usage français (voir aussi 6.8.1 Contenu des parenthèses) :

  • Augmentation (verbes exprimant une — )

6.10.6 Mise en relief

Les tirets, comme les parenthèses et la double virgule, servent à insérer des éléments qui pourraient être retranchés de la phrase sans que le sens de cette dernière s’en trouve radicalement altéré. Cependant, alors que les parenthèses contiennent une information que l’on juge souvent accessoire, les tirets encadrent des mots que l’on désire mettre en relief :

  • Il m’a demandé de traduire une expression — qui n’avait absolument aucun sens — juste avant mon départ.
  • Après avoir vidé son sac — elle en avait gros sur le cœur! —, elle a remis sa démission.

6.10.7 Avec les parenthèses

Pour éviter la répétition des parenthèses, on recourt le plus souvent aux crochets (voir 6.8.4 Répétition des parenthèses), mais on peut aussi utiliser les tirets :

  • Marguerite a transformé sa propriété en un immense jardin (elle y a aménagé un verger, un potager, un étang — elle adore les plantes aquatiques —, un carré d’herbes aromatiques, un pré de fleurs sauvages, etc.).

Un passage entre tirets peut également contenir un élément entre parenthèses :

  • Ce jardin public, dont les multiples composantes sont un véritable ravissement pour l’œil — notamment le jardin de sous-bois (qui compte plusieurs espèces menacées) —, attire chaque année des milliers de visiteurs.

6.10.8 Le tiret et les autres signes

Que le tiret soit simple ou double, on doit employer la ponctuation exigée par le sens de la phrase. Voici les principales règles qui s’appliquent.

Lorsque les tirets n’ont d’autre fonction que de remplacer un signe, par exemple une virgule, ils ne sont accompagnés d’aucune ponctuation :

  • Il ne m’est jamais arrivé — je le jure — de rater une recette.

Le passage figurant entre tirets doit contenir la ponctuation exigée par le sens de l’énoncé. Si le passage se termine par un point d’interrogation, un point d’exclamation ou des points de suspension, cette ponctuation doit être placée devant le second tiret :

  • La lettre d’invitation — auriez-vous par hasard oublié de l’affranchir? — n’est jamais parvenue à destination.

Lorsque le passage entre tirets doit être suivi d’une virgule, les auteurs hésitent sur la place que doit occuper la virgule par rapport au tiret terminal. Du point de vue logique, et dans la mesure où on assimile les tirets aux parenthèses, on s’attendrait à trouver la virgule après le second tiret. Du point de vue esthétique, cependant, certains estiment qu’il vaut mieux placer la virgule devant le second tiret. Il convient de considérer les deux façons de faire comme acceptables :

  • Après avoir remis de l’ordre dans la cuisine — tout est sens dessus dessous —, faites disparaître, de grâce, le résultat de vos expériences culinaires.
         ou
    Après avoir remis de l’ordre dans la cuisine — tout est sens dessus dessous, — faites disparaître, de grâce, le résultat…

À la différence de la parenthèse fermante, le tiret terminal disparaît devant les deux points et le point-virgule :

  • Elle raffole de ces aliments exotiques — sans doute un peu à cause de leur nom : le nappa, le pé-tsaï, la tétragone, la crosne du Japon, etc.

On omet le second tiret lorsqu’il coïncide avec la ponctuation finale de la phrase : point d’interrogation, point d’exclamation, points de suspension, point final, point abréviatif :

  • Je n’ai plus d’ambition — ni d’inspiration.

On peut placer le tiret après tout signe de ponctuation que l’on désire renforcer. Le tiret prolonge ainsi la pause indiquée par la virgule, le point-virgule, le point final, etc. :

  • Elle lui a opposé une fin de non-recevoir, — mais il a continué d’insister.
  • Il est prouvé que l’activité humaine contribue à la destruction de la couche d’ozone. — Et l’on refuse toujours de s’attaquer à ce grave problème.

Il convient de noter que le besoin de coupler le tiret à un autre signe de ponctuation se fait rarement sentir dans la langue administrative, et que ce procédé peut facilement devenir redondant.

6.11 L’astérisque

L’astérisque est un signe typographique en forme d’étoile. À noter que le mot astérisque est du genre masculin.

6.11.1 Comme appel de note

Placé après le mot, l’astérisque indique un renvoi. Il est rappelé en bas de page et suivi du texte de la note. L’astérisque ne peut signaler plus de trois renvois par page. Un astérisque simple signale la première note; deux astérisques, la deuxième; trois astérisques, la troisième (*, **, ***).

6.11.2 Signe de substitution

L’astérisque peut remplacer un nom propre, suivre les lettres X, Y, Z, N, ou l’initiale du nom que l’on ne veut pas révéler. Dans cet emploi, l’astérisque est le plus souvent triple :

  • Monsieur *** m’a annoncé la nouvelle.
  • Je l’ai appris de X***.

Les points de suspension, toutefois, sont beaucoup plus fréquents aujourd’hui que l’astérisque dans cet emploi (voir 6.7.2 Signe de substitution).

6.11.3 En linguistique

L’astérisque précède les mots dont la forme est hypothétique dans les dictionnaires, les ouvrages philologiques ou étymologiques :

  • guetter (du francique *wahtôn)

Les mots qui commencent par un h aspiré sont signalés par un astérisque dans certains dictionnaires :

  • *hardi (chez Larousse)

L’astérisque s’emploie également dans les dictionnaires pour renvoyer à une entrée. Il est dans ce cas placé après le mot.

6.11.4 Dans la mise en pages

Employé seul ou en triangle, l’astérisque peut marquer une coupure importante entre deux paragraphes.

6.11.5 Signe polyvalent

L’astérisque peut par convention se voir attribuer diverses valeurs : dans un ouvrage de langue, il peut signaler une forme fautive; dans un lexique, une forme uniformisée ou normalisée. Dans tous les cas, il importe d’indiquer clairement, au début de l’ouvrage ou de l’article, la signification qu’il convient de donner à l’astérisque.

6.12 La barre oblique

La barre oblique est aussi appelée barre transversale, barre de fraction, ou simplement oblique.

6.12.1 Équivalent de par ou à

Dans les unités de mesure, la barre oblique est l’équivalent des prépositions par ou à  :

  • m/s = mètre par seconde
  • km/h = kilomètre à l’heure

Selon une norme de l’AFNOR, qui remonte à 1951, l’oblique ne doit être employée qu’avec les symboles des unités de mesure. Il serait fautif d’écrire :

  • Il roule à la vitesse de 200 kilomètres/heure.

Il faudrait plutôt écrire par exemple :

  • Il roule à la vitesse de 200 kilomètres à l’heure.
         ou
    Il roule à la vitesse de 200 km/h.

Cette règle n’a cependant pas dans la réalité un caractère absolu. De nombreux ouvrages contiennent des exemples d’unités de mesure, écrites au long, qui sont employées avec l’oblique plutôt qu’avec les prépositions par ou à .

6.12.2 Dans les fractions

L’oblique est le symbole de la division dans les fractions :

  • 3/4 de gramme
  • 8/1000 de seconde

Il faut s’abstenir de faire suivre la fraction d’un e en exposant :

  • 8/1000e de seconde

Bien que cette graphie se rencontre parfois, elle est condamnable en raison de sa redondance (voir aussi 2.3.2 Fractions ordinaires).

6.12.3 Dans les abréviations

L’oblique fait partie de certaines abréviations consacrées :

  • s/o = sans objet
  • N/Réf. = notre référence
  • c/c = compte courant

6.12.4 Pagination

Dans la correspondance, on utilise souvent la barre oblique, concurremment ou non avec les points de suspension, pour indiquer que la lettre se poursuit (voir aussi 6.7.5 Pagination) :

  • /2 ou …/2

Dans des contextes variés, notamment dans les télécopies, on peut utiliser l’oblique pour séparer les numéros de page du nombre total de pages que contient le document. Ainsi, une page portant la mention

  • 5/10

serait la cinquième d’un texte qui en comporterait dix.

6.12.5 Pour indiquer un choix

Dans la langue générale, on recourt souvent à l’oblique pour indiquer que l’on a le choix entre deux possibilités. Dans la phrase suivante, l’oblique montre qu’il existe deux constructions possibles :

  • La date où/à laquelle nous avons rendez-vous avec le directeur.

L’oblique sert également à opposer deux notions ou à séparer divers aspects d’une même réalité :

  • Entrée/sortie
  • Ouvert/fermé

En linguistique, l’oblique s’emploie aussi pour rapprocher ou opposer des mots :

  • Il semble toujours fortuit qu’il existe des paires de mots comme lampe/rampe, ou poisson/poison, se prêtant à la comparaison (Grand Larousse de la langue française).
  • Même si l’opposition « hang/étendre » est à la rigueur discutable […] (J. Darbelnet).

6.12.6 Comme mot de liaison

Comme l’oblique peut remplacer des prépositions ou des conjonctions, elle sert fréquemment à former des expressions elliptiques. Dans l’exemple suivant, l’oblique équivaut à la préposition entre :

  • Voilà pour la différence artisan/bourgeois (E. Le Roy Ladurie).

Il faut toutefois se garder d’abuser de ce procédé, car les expressions ainsi créées peuvent être difficiles à lire à haute voix. Elles peuvent aussi être difficiles à comprendre et prêter à confusion.

6.12.7 En concurrence avec le trait d’union

L’oblique remplace à tort le trait d’union dans des expressions comme :

  • le dialogue Nord-Sud
  • la guerre Inde-Pakistan
  • l’accord Canada-Norvège
  • les relations employeur-employé

Dans la réalité, ces expressions sont presque toutes exclusivement écrites avec un trait d’union.

6.12.8 Et/ou

L’expression et/ou, qui est un calque de l’anglais and/or, est passée dans la langue malgré les protestations des grammairiens, et il serait vain de vouloir la proscrire. Elle signifie qu’il y a possibilité d’addition ou de choix. Ainsi, la phrase :

  • Pour combler le déficit, les gestionnaires réduiront leur personnel et/ou leurs dépenses.

signifie que les gestionnaires réduiront à la fois leur personnel et leurs dépenses, ou qu’ils réduiront l’un ou l’autre de ces deux éléments. Bien que l’expression soit jugée commode par certains, il faut éviter d’en abuser, car le texte peut rapidement devenir lourd et difficile à lire.

À noter par ailleurs qu’il vaut mieux employer le tour et/ou tel quel — l’expression étant de toute façon maintenant admise — que de recourir à un calque déguisé comme et (ou).

6.12.9 Citation de vers

La barre oblique sert à séparer des vers qu’on cite sans les détacher du texte :

  • Notre Père qui êtes aux cieux / Restez-y / Et nous nous resterons sur la terre / Qui est quelquefois si jolie (J. Prévert).

À noter que dans ce cas la barre oblique est précédée et suivie d’une espace.

6.13 Tableau des espacements

Le tableau suivant donne l’espacement entre les signes de ponctuation et les mots.

Lorsqu’un signe de ponctuation, quel qu’il soit (virgule, point, etc.), est collé à un mot, il forme un tout avec ce mot, et l’ensemble ainsi formé s’espace comme un mot ordinaire. Il en va de même des signes doubles, comme les crochets, les guillemets, les parenthèses et les tirets.

Signe Avant le signe Après le signe
Astérisque (devant le mot) espace rien
Astérisque (après le mot) rien espace
Barre oblique rien rien
Crochet ouvrant espace rien
Crochet fermant rien espace
Deux points espace insécable espace
Guillemet français ouvrant espace espace insécable
Guillemet français fermant espace insécable espace
Guillemet anglais ouvrant espace rien
Guillemet anglais fermant rien espace
Parenthèse ouvrante espace rien
Parenthèse fermante rien espace
Point rien espace
Point d’exclamation rien espace
Point d’interrogation rien espace
Points de suspension rien espace
Point-virgule rien espace
Tiret espace espace
Virgule rien espace
Virgule décimale rien rien

Remarques
  1. Le point final, tout comme le point d’exclamation et le point d’interrogation, est suivi d’une seule espace.

  2. L’espace insécable s’utilise pour empêcher que soient séparés des éléments devant figurer sur la même ligne. Les logiciels de traitement de texte permettent de l’insérer au moyen d’une commande spéciale.