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Je vais me risquer à prédire les outils de travail dont disposeront les langagiers dans dix ans. Vu mon âge (25 ans et 355 mois au moment d’écrire ces lignes), je considère que le risque est plutôt limité.
La commande vocale modifiera radicalement le travail des langagiers. La reconnaissance vocale pour la dictée a déjà connu une progression spectaculaire, et l’ajout de fonctions de correction automatique et des innovations tirées de l’observation permettront de tolérer les erreurs les plus fréquentes et les plus flagrantes.
Plutôt que de passer constamment du clavier à la souris, on pourra dire au logiciel de mettre un paragraphe en retrait, puis préciser l’incrément positif ou négatif. On pourra insérer un tableau en disant, par exemple, « insérer tableau, 6 lignes, 3 colonnes ». On pourra mettre un signet vocal pour se rappeler qu’on « en arrache » avec un passage, ce que me permettait déjà en 1980 mon dictaphone.
On pourra raffiner les recherches dans un dictionnaire en précisant qu’on cherche, par exemple, des synonymes, des antonymes, la famille du mot trouvé, des exemples contextuels ou des difficultés propres à l’utilisation du mot.
Le traducteur pourra demander au logiciel d’aide à la traduction de passer au segment suivant, d’accepter une proposition, de la modifier légèrement, de lancer une recherche plein texte sur une expression, etc.
Je pense que la commande vocale se glissera bientôt dans le coffre à outils des langagiers. Pourquoi? Parce que la plupart des fonctions mentionnées ci-dessus existent déjà. Parce que certains téléphones sont déjà munis de fonctions de reconnaissance vocale. Parce que l’adoption massive des téléphones intelligents favorise grandement la simplification des interfaces destinées à une plateforme mobile, y compris l’acceptation de commandes vocales. Je le sais parce qu’un infolangagier débrouillard peut lui-même créer le genre d’interface voulue à l’aide de la version de la reconnaissance vocale fournie avec Windows Vista 64 bits.
Et tout cela n’est que la pointe de l’iceberg de la commande vocale…
La révision sans aide informatique tire à sa fin. Un jour, les réviseurs travailleront avec des logiciels de révision similaires aux logiciels de traduction assistée par ordinateur.
Le réviseur pourra parcourir toutes les occurrences de passages semblables se trouvant dans un ou plusieurs textes, puis revenir à son point de départ. Il pourra constituer des mémoires de révision à partir de ses interventions et s’en servir pour corriger le contenu des mémoires de traduction.
Le réviseur pourra faire une révision à l’aide d’un synthétiseur lui permettant d’écouter le texte de départ pendant qu’il lit la traduction, par exemple*.
Enfin, le réviseur, grâce au système de gestion des besoins et du flux décrit plus loin, pourra intervenir très tôt dans le processus afin de répondre aux situations d’urgence à grand volume. Ces situations ne sont peut-être pas le quotidien des langagiers, mais elles n’en sont pas moins récurrentes un peu partout sur la planète.
En outre, depuis quelques années, tout le monde veut tout sur-le-champ. Le saut de qualité qu’a connu la traduction automatique n’a fait qu’accroître les attentes. Les clients en viennent donc à considérer que c’est facile de traduire 50 000 mots pour le lendemain matin et s’attendent de plus en plus à ce que ce soit la norme, et non l’exception.
Un tel système de révision verra le jour si je vis encore dix ans. Si l’industrie n’en produit pas un, je m’en chargerai.
Un autre système simplifiera le travail des acteurs de l’industrie langagière : un système de gestion de la demande en temps réel qui tiendra compte des points forts et des points faibles des langagiers ainsi que des impondérables.
Ce système, jumelé à un bon réseau de professionnels et à l’outil d’aide à la révision, permettra de respecter presque à tout coup les échéances les plus démentielles. Ses utilisateurs pourront suivre en temps réel la progression des dossiers de traduction et demander de l’aide à des collègues : traducteurs, agents d’appui professionnel, terminologues, gestionnaires de projets, commis, etc. Le système permettra aussi de tenir compte de la redondance interne (dans un texte) et externe (entre divers textes), de faire une répartition intelligente et optimale et de diviser automatiquement les grands projets sans perdre une heure ou deux à compter les mots et les documents.
Des systèmes de gestion du flux des travaux existent, mais ils sont un peu trop axés sur les besoins des gestionnaires. Il y a de l’espoir, car j’ai déjà vu au moins un système commercial conçu par des langagiers qui se rapproche beaucoup de ce que je viens de décrire.
Au lieu d’avoir un ou deux grands écrans, le langagier pourra travailler sur un écran virtuel qui équivaudra à une surface de quelques mètres carrés. Il y étalera son environnement de travail et pourra même visionner des dessins animés, si ça lui permet de relaxer et de mieux travailler.
Il existe déjà des lunettes et des casques de réalité virtuelle qui permettent de simuler un affichage sur grand écran. Ces dispositifs sont, à l’heure actuelle, surtout destinés au visionnement de films ou à la participation à des jeux en trois dimensions. En traduction, le traducteur pourra visionner ou projeter en 3D des appareils complexes au sujet desquels il doit traduire.
Il ne reste qu’à adapter les logiciels afin qu’ils permettent le travail sur de tels dispositifs. Par contre, comme pour la dictée, certains langagiers ne s’y adapteront jamais. Ces affichages virtuels coupent l’utilisateur du reste du monde.
Le langagier pourra travailler n’importe où grâce aux nouvelles applications. Je n’utilise pas encore mon téléphone pour naviguer sur Internet, mais je compte m’y mettre bientôt, en raison des facteurs déjà évoqués.
Je suis tout à fait conquis par les interfaces de nombreuses applications offertes sur les téléphones et lecteurs de musique de Apple qui, en bonne partie, intègrent la voix.
Aujourd’hui, tous les réseaux sociaux ainsi que l’application de téléphonie IP la plus connue sont disponibles en format portable. Et leur interface est superbe! De petites applications donnent sur demande les prévisions du temps, les cotes boursières ou d’autres renseignements des plus variés. Besoin de trouver un commerce? Les « pages jaunes » donnent une liste à jour et plutôt complète des commerces dans un secteur donné. Bref, tout sera plus que jamais à portée de la main.
Les logiciels seront facturés à la demande, en tant que services. N’oubliez pas qu’à l’heure actuelle, un langagier canadien pourrait avoir divers clients utilisant les produits des sociétés suivantes :
Imaginez un peu la facture… sans même avoir la certitude que les clients commanderont de nouveau! Je n’ai volontairement nommé que des produits présents au Canada. Cependant, mondialisation oblige, on pourrait en demander bien davantage.
Une partie de la solution passe par l’interopérabilité des logiciels, l’autre partie par une offre de solutions Web payables à l’utilisation**.
J’entends par là un outil ni trop limité, ni trop compliqué et conforme aux normes d’échange et d’interopérabilité ouvertes. Honnêtement, je trouve que les logiciels de stockage de terminologie sont au mieux déprimants, les plus complets demandant une bonne connaissance des théories de la terminologie… et de ce qui se passe dans la tête des gens qui ont conçu ces logiciels.
Le langagier disposera d’un outil qui apprendra automatiquement ce qu’on passe notre temps à corriger. Par exemple, quand le logiciel aura constaté que ça fait 5 ou 6 fois que je tape « ordianteur » au lieu de « ordinateur », il fera la correction et me demandera si je veux qu’à l’avenir il corrige mon erreur.
À l’heure actuelle, je paramètre chaque fois que je change de logiciel, et je trouve la chose pénible.
J’ai vu un embryon très intéressant de ce que je cherche et j’ai bon espoir de voir ça d’ici trois ans sur mon ordinateur.
Le langagier aura enfin un outil qui, à partir d’un texte donné, trouvera la signification probable des sigles selon le contexte et, si elle existe, la traduction de ces sigles.
Je n’ai rien vu en chantier, mais je ne peux pas croire que personne n’entendra mon appel et ne viendra nous délivrer de nos bourreaux de sigles.
Le langagier disposera d’un logiciel qui constituera des corpus en fouillant sur le Web à partir de mots clés. Ainsi, il pourra acquérir rapidement des connaissances et s’imprégner d’un sujet inconnu. Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, quand j’aborde un nouveau sujet, j’essaie de m’en imprégner le plus possible avant de commencer à traduire.
J’ai justement eu la chance de voir au Conseil national de recherches du Canada (CNRC) un prototype qui fait exactement ce dont j’ai besoin : TerminoWeb.
C’est encore un prototype; l’interface est un peu intimidante, mais l’outil permet de lancer une recherche dans un ensemble de textes ou dans Internet. La recherche est unilingue, mais rien n’empêche de constituer deux corpus, l’un en langue source et l’autre en langue cible, pour obtenir au bout du compte une série de documents pertinents dans chacune des langues***.
Je pense qu’un tel produit serait utile non seulement aux langagiers, mais aussi aux apprenants dans tous les domaines.
…pour stimuler la production. Eh oui, je viens bel et bien d’oser écrire que je vois des jeux dans l’environnement de travail du langagier. Tout le monde insiste sur l’importance d’avoir du plaisir au travail, non? Les jeux en ligne à durée contrôlée permettront au langagier de jouer pendant ses pauses ou son heure de dîner, voire davantage si sa production est suffisante. C’est peut-être un peu infantile de ma part, mais je crois beaucoup au plaisir.
Un langagier a bien le droit de rêver…
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