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L’auteur nous livre avec humour le fruit de sa réflexion sur un sujet sérieux : le champ sémantique des termes action et recours.
Toute ressemblance avec des faits vécus ne serait que pure coïncidence.
Connaissant mon intérêt pour la chose judiciaire quand elle traite de questions d’ordre (juri)linguistique, une journaliste, chargée de la chronique judiciaire dans un grand quotidien québécois, a porté à mon attention un jugement rendu récemment dans un procès très peu médiatisé auquel elle venait d’assister. Pressentant que le sujet et l’argumentation des motifs tout particulièrement ne devraient pas laisser les lecteurs de cette revue indifférents, je leur livre à toutes fins utiles le texte verbatim du jugement. Le voici.
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
Nº 700-03-045709-033
DATE : LE 30 FÉVRIER 2004
SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MARIELLA-CONCEPTION DUTERME J.C.S.
PAUL-A. RECOURS
Demandeur
c
SOPHIE-LYNE ACTION
Défenderesse
[1] Paul-A. Recours demande au tribunal de rendre une ordonnance interdisant à Sophie-Lyne Action de faire usage de son nom, en particulier dans l’expression « action collective », sous prétexte qu’il serait synonyme de celui du demandeur dans l’expression « recours collectif ». Le demandeur tient à l’exclusivité de l’usage de son nom et récuse le principe de synonymie entre « action » et « recours »; en conséquence, il demande au tribunal de mettre fin à cet abus et de lui accorder, en réparation du préjudice subi, la somme de 10 000 $.
[2] La défenderesse allègue premièrement que, compte tenu de l’usage de son nom, qui fait partie du vocabulaire juridique canadien depuis les origines, elle est fondée à employer le mot « action » dans le terme en cause (« action collective »); la défenderesse allègue en outre que le terme « action » présente les caractères de synonymie appropriés avec le nom du demandeur (« Recours ») et que l’usage qu’elle en fait est donc légitime.
[3] Le 10 janvier 1998, le demandeur, résidant retraité de Montréal et usager du service de transport en commun de la Société de transport de Montréal (STM), désire se rendre au centre-ville pour y faire des courses.
[4] Habitant dans le quartier du Vieux-Montréal, il s’apprête à prendre le métro à la station Place d’Armes qui relie son quartier à la station Berry-UQAM, sa destination finale. À sa surprise, il apprend que ce service de transport est interrompu à la suite d’une panne de courant. Il décide alors de se rendre à pied jusqu’à la rue Saint-Denis, sa destination, située à deux stations de métro de là. Il doit, pour ce faire, emprunter les trottoirs.
[5] Or, après la tempête de pluie verglaçante des derniers jours, les trottoirs et la chaussée, revêtus d’une épaisse couche de glace, sont particulièrement glissants. Le demandeur porte des bottes de cuir. Arrive ce qui devait arriver. Très vite, il perd pied sur un trottoir, glisse, tombe et se blesse cruellement.
[6] Le demandeur sera traité pour une fracture sans déplacement de la malléole interne, une fracture avec déplacement de la malléole postérieure et une fracture, avec un léger déplacement, du péroné; le tout, du côté gauche.
[7] Handicapé par ses blessures, le demandeur ne peut se déplacer pendant les six semaines suivantes. Réduit à l’inaction forcée, il entreprend d’occuper son temps en s’informant sur les accidents similaires ayant eu lieu dans la métropole à la même période.
[8] De fil en aiguille, il remonte jusqu’aux victimes et parvient à constituer une liste des personnes accidentées. L’idée lui vient alors de leur proposer d’intenter un recours collectif contre la Ville de Montréal pour négligence grave ayant entraîné des accidents et des blessures, dont certaines sont handicapantes. La démarche du demandeur porte fruit au point que, le 12 février 2000, la liste établie compte une centaine de plaignants que la proposition du demandeur intéresse vivement.
[9] Par suite des nombreuses consultations effectuées subséquemment par le demandeur, il est décidé, à l’unanimité des personnes consultées, de déposer une demande d’autorisation d’exercer un recours collectif contre la Ville de Montréal, qu’elles rendent responsable de leur infortune : accidents, blessures et handicaps. Le demandeur propose aux victimes d’instituer cette action au nom du collectif de victimes et d’agir comme représentant.
[10] Le demandeur, incapable de faire lui-même la démarche avant d’avoir retrouvé sa mobilité, se tourne vers sa voisine de palier, Mme Sophie-Lyne Action, qui est elle-même partie prenante, et la prie, au nom de la centaine de plaignants concernés, de déposer à la Cour supérieure du Québec une « Requête pour autorisation d’exercer un recours collectif contre la Ville de Montréal ».
[11] Mme Action accepte avec enthousiasme la proposition de son voisin et entreprend la démarche attendue. Mais, distraite, au lieu d’inscrire le mot « recours » dans la demande, comme elle en avait reçu instruction de M. Recours, sous le stress de l’action et, allègue-t-elle, influencée probablement par son propre nom, elle écrit « action ».
[12] Lorsque M. Recours reçoit les documents officiels, le 16 avril 2001, il s’aperçoit de la méprise commise par Mme Action. Cette erreur l’irrite au plus haut point, car il revendique la paternité de la requête présentée au tribunal. Il plaide que cette erreur a été commise volontairement par Mme Action, qui a trahi la parole donnée et saisi l’occasion, en mettant son nom en évidence et en valeur, d’en tirer bénéfice.
[13] Le demandeur soutient que la défenderesse doit être tenue responsable d’une erreur commise intentionnellement et dont les conséquences lui portent un préjudice sérieux, d’où son action en responsabilité civile en vue d’obtenir réparation du préjudice subi. Le demandeur réclame des dommages et intérêts de l’ordre de 10 000 $.
[14] La défenderesse conteste l’existence d’une faute quelconque ainsi que tout lien de causalité entre la faute présumée et le préjudice allégué, au motif que les deux termes sont synonymes et, donc, interchangeables. Elle conteste en outre le montant de la réparation demandée, qu’elle estime injustifié.
[15] Les parties ne contestent pas le critère permettant d’apprécier l’existence d’une faute génératrice de responsabilité civile, qui est celui d’une personne raisonnable, prudente et diligente. En revanche, elles divergent sur sa portée et son application aux faits et s’opposent sur ce que le tribunal doit retenir des témoignages d’experts.
[16] Le tribunal, comme la loi lui en fait obligation, est tenu de dire le droit sur une question présentant une difficulté supplémentaire pour lui, car elle contient une dimension linguistique peu habituelle en matière judiciaire : les termes « action » et « recours » sont-ils synonymes? Appartient-il à la justice de se prononcer sur une telle question, qui relève davantage de la lexicologie, voire de la terminologie, que du droit? L’alternative paraît pourtant assez claire : soit les termes en cause sont synonymes, et l’action intentée tombe ipso facto, le demandeur étant débouté dans sa demande; soit ils ne le sont pas, et le procès prend une tout autre tournure.
[17] Aussi, avant de se pencher sur la réalité du lien de causalité et d’établir le montant des dommages, importe-t-il d’examiner la possibilité ou la probabilité d’une synonymie des termes en cause.
[18] Pour cela, le tribunal a entendu les témoignages experts de deux spécialistes du domaine linguistique présentés par les conseils des parties. Monsieur le Professeur Louis-Charles Le Zeugme, pour le demandeur, et Madame la Professeure Safra Éthie-M’Olaujie, pour la défenderesse. Les témoignages de ces jurilinguistes, universitaires distingués, ont fait forte impression sur le tribunal, qui en livre ici un résumé, l’essentiel figurant dans le dossier remis à la cour.
[19] Le premier expert s’est attaché à définir la singularité du terme ACTION pour le mettre en situation et pouvoir le comparer ensuite à RECOURS; le second a plutôt cherché à démontrer le parallélisme qu’il est possible d’établir entre ces deux termes, en particulier lorsqu’ils figurent dans les syntagmes nominaux « ACTION COLLECTIVE / RECOURS COLLECTIF ». En voici la teneur :
A) Quant au terme ACTION
« Il s’agit d’un archétype de la polysémie du langage. Ce mot recouvrirait, selon le Trésor de la langue française, quelque 74 acceptions différentes1! Elles sont toutes formées à partir de la faculté dont dispose l’être humain d’agir, manifestant ainsi sa volonté par un acte matériel – « volontaire » dit Littré, qui le définit ainsi : « Exécution d’un acte volontaire ».
L’une de ces significations intéresse le droit et son langage lorsque ce mot est employé dans son sens juridique. Il peut alors prendre plusieurs sens différents.
Le premier, que les dictionnaires placent généralement en tête, est celui du droit d’actionner devant les tribunaux en vue d’obtenir une décision de justice. Dans ce sens-là, il s’agit d’un droit « objectif » parce qu’il est à la disposition de tout membre d’une collectivité donnée. Comme l’a simplement et clairement défini Pothier, le grand jurisconsulte français du XVIIIe siècle :
« L’action est le droit qu’on a de demander quelque chose en justice […]2 ».
En droit positif français (et québécois aussi), cela donne ceci :
« L’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention. » (art. 30, C. proc. civ. fr.)
Dans son deuxième sens principal, le mot « action » désigne une « action en justice », la mise en œuvre, l’exercice du droit d’actionner. Il est alors envisagé sous son aspect « subjectif », car appliqué à un cas. Dans ce sens-là, il est synonyme de « demande (en justice) ».
Le signifiant ou contenant ACTION désigne aussi, par métonymie, le signifié, le contenu : poursuite, procès, et cela depuis que ce terme, formé à partir du latin actio, est apparu, au XIIIe siècle (1260). On lui doit, comme dérivé, le verbe transitif « actionner », au sens de « engager une action contre quelqu’un » (1312), et les dérivés de ce dernier : ACTIONNABLE, ACTIONNEMENT.
Les deux termes, « action (en justice) » et « demande (en justice) » sont courants dans les textes de loi du Québec :
« En matière de succession, l’action est portée devant le tribunal du lieu d’ouverture de la succession, si elle s’est ouverte au Québec […] » (art. 74, C. proc. civ.)
« Celui qui forme une demande en justice, soit pour obtenir la sanction d’un droit méconnu, menacé ou dénié, soit pour faire autrement prononcer sur l’existence d’une situation juridique, doit y avoir un intérêt suffisant. » (art. 55, C. proc. civ.)
Veuillez noter que les deux premiers sens sont parfois confondus, bien que ACTION, dans son premier sens de « droit de demander », soit plus rare dans les textes juridiques du Québec que dans ceux de la France. Au Canada et surtout au Québec, sa proximité avec l’anglais action rend son emploi délicat, ce terme ne possédant qu’un sens, celui de legal process, lawsuit (d’après l’Oxford English Dict.), qui correspond en français au second sens du mot « action » : action en justice, demande.
Une autre confusion se présente dans l’usage que certains font du mot « action » lorsqu’il est question, justement, d’agir, mais en justice.
Le mot anglais action a aussi le sens de « mesure(s) », notamment dans le syntagme verbal – très courant dans le vocabulaire administratif – to take action (que l’on peut traduire, entre autres, par « prendre des mesures »). De là, par mimétisme, le calque « prendre une action », alors qu’on veut dire : intenter une action (en justice), actionner, ester, etc.
En conclusion, il ne s’agit pas d’un québécisme, mais bien d’un anglicisme, d’un calque doublé d’une faute de sens due à la confusion sur la signification du mot « action ». Aussi le verbe « prendre » est-il à proscrire dans ce syntagme au profit du seul cooccurrent qui vaille en l’occurrence : intenter (une action); contrairement à « prendre (une action) », cette formulation est clairement juridique et non équivoque.
Toutefois, il reste toujours possible de dire les choses autrement, car, selon le contexte et le sens qu’on lui prête, une action peut aussi être « engagée », « exercée », « introduite », etc.
[20] Ce premier témoignage permet de replacer ce terme dans son contexte d’emploi et de bien le situer par rapport au second dans les syntagmes en cause. Le second témoignage d’expert, s’ajoutant au premier, permettra au tribunal de trancher la question en litige en meilleure connaissance de cause.
B) Quant au syntagme ACTION COLLECTIVE
Ce néologisme juridique s’inspire du terme américain class action3. Il est apparu lorsque, dans les années 1960, l’avocat Ralph Nader4 commença à remporter des procès intentés contre l’industrie automobile des États-Unis, qu’il dénonçait en raison du manque de sécurité de certaines voitures qu’elle construisait alors.
Pendant quelques années, la terminologie flotte, le monde du droit hésitant entre diverses solutions pour rendre ce terme américain : action collective, action de groupe, action de masse, recours collectif, etc.
Aujourd’hui, si le terme « action collective » semble s’être imposé dans l’usage, il reste néanmoins concurrencé par « recours collectif », au Canada notamment. La synonymie parfaite n’existant pas, l’un de ces deux termes serait donc moins approprié que l’autre. À en croire Le Grand dictionnaire terminologique établi à l’OQLF,
« L’expression recours collectif est impropre et doit être évitée, le terme recours ne convenant que pour désigner, premièrement, le droit de contester une décision juridictionnelle ou administrative ou, deuxièmement, un type particulier d’action permettant au débiteur d’une obligation de se retourner vers un tiers pour lui en faire supporter la charge, en tout ou en partie. »
En est-on absolument certain? Les termes ACTION et RECOURS, souvent confondus, sont courants dans nos textes juridiques, à commencer par les lois :
« Lorsque, à l’encontre d’une action portée devant la Cour du Québec, un défendeur forme une demande qui, prise isolément, serait de la compétence de la Cour supérieure, celle-ci devient seule compétente à connaître de tout le litige […] » (art. 34, C. proc. civ.)
« L’action doit être intentée dans l’année qui suit la connaissance de l’acquisition ou du contrat. » (art. 326, C. civ. Q.)
et
« [Le bénéficiaire qui subit un préjudice] peut aussi, même si l’administrateur pouvait valablement confier le mandat, exercer ses recours contre la personne mandatée. » (art. 1338, C. civ. Q.)
Très proches l’un de l’autre, on les présente souvent comme synonymes dans les dictionnaires, ce qu’ils ne sont pas toujours, notamment au sens strict d’ACTION : droit de saisir un tribunal d’une prétention. Mais au sens large et courant de « sanction d’un droit », ils peuvent passer pour des quasi-synonymes, bien que RECOURS soit le terme consacré et en usage en droit public, en droit administratif particulièrement. À chaque catégorie de contentieux correspond une forme de recours.
Sont-ils interchangeables pour autant? Dans certaines situations, sans doute; dans d’autres, non, en droit public par exemple. Dans le cas du syntagme nominal ACTION COLLECTIVE, l’usage canadien en a fait des synonymes au point où RECOURS COLLECTIF supplante largement son rival dans les textes que produisent les sources principales de notre droit que sont le Législateur, le Juge et l’auteur de Doctrine. Quant au monde de la pratique, il fait lui aussi une large place à ce terme, au détriment d’ACTION COLLECTIVE.
1) Le Législateur, dans le Code de procédure civile, Livre IX, à l’article 999 d) :
« recours collectif » : le moyen de procédure qui permet à un membre d’agir en demande, sans mandat, pour le compte de tous les membres.
Et dans le titre même de sa loi : Loi sur le recours collectif, L.R.Q., c. R-2.1.
2) Le Juge, par exemple, le juge en chef de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Western Canadian Shopping Centres Inc. v. Dutton, 2001 SCC 46, [2001] 2 S.C.R. 534 :
« 1 Nous sommes appelés en l’espèce à décider dans quels cas un recours collectif peut être exercé. Le recours collectif existe sous une forme ou une autre depuis des siècles, mais son importance s’est accrue récemment. Il peut fournir le meilleur moyen d’aboutir à une solution juste et efficace, en particulier dans des affaires complexes mettant en jeu les intérêts d’un grand nombre de personnes. »
3) La Doctrine
Le Dictionnaire de droit privé5 ne signale même pas l’existence du terme ACTION COLLECTIVE et, sous RECOURS COLLECTIF, définit ainsi ce terme, sans synonyme :
« Voie de droit par laquelle une personne, le représentant, peut agir en demande, sans mandat, pour le compte d’un groupe de personnes, après autorisation du tribunal. »
Le Dictionnaire de droit québécois et canadien6, à l’entrée RECOURS COLLECTIF, donne comme synonyme ACTION COLLECTIVE, terme non défini et non traité.
4) La pratique du droit
Le monde juridique canadien et québécois emploie abondamment le terme RECOURS COLLECTIF pour qualifier ce que d’autres dénomment « action collective ». Voir, par exemple, le Réseau juridique du Québec7, la Commission de l’accès à l’information du Québec8, les grands cabinets d’avocats9 et le monde judiciaire canadien, notamment l’Institut national de la magistrature (INM / NJI), qui organise des colloques sur le thème du « recours collectif » :
Class Actions Seminar for Judges (in conjunction with the Osgoode Hall National Symposium on Class Actions) / Colloque sur les recours collectifs à l’intention des juges (en liaison avec l’Osgoode Hall National Symposium on Class Actions)10
Aussi la cause Recours collectif c. Action collective est-elle entendue, du moins au Canada, Québec compris.
L’usage semble avoir fait son œuvre dans le monde des juristes, qui a porté son choix sur le premier terme, sans pour autant éliminer le second. Les deux sont utilisés indifféremment dans la jurisprudence québécoise, qui semble avoir néanmoins choisi « recours » de préférence à « action ».
Il faut toutefois rappeler ici que le droit du Québec n’est pas celui de la France11. L’équivalent de l’institution des class actions nord-américaine n’est toujours pas entré dans le droit positif, bien que la question soit à l’étude12. En droit français, une « action collective » désigne principalement, ainsi que l’énonce Gérard Cornu dans le Vocabulaire juridique, une tout autre chose :
« Action qu’un groupement doté de la personnalité juridique (société, association, syndicat) intente en son nom, ès qualités, pour faire valoir des droits qui lui appartiennent en propre ou pour défendre les intérêts de la collectivité. »
Cette institution ne doit pas être confondue avec celle du même nom au Canada.
À noter encore, pour éviter toute comparaison et toute confusion, que les juristes français emploient des termes différents des nôtres pour qualifier les class actions : action de groupe, action de classe, action populaire (Cornu).
Le premier terme, « action de groupe », semble avoir la faveur du moment en France.
ACTION COLLECTIVE possède, enfin, un autre sens, général et plus large que celui de recours collectif. En sociologie, ce terme désigne alors, par opposition à une action individuelle, une initiative, un mouvement, une manifestation ou « action » concertée, soit, d’après l’Encyclopédie Universalis, « toutes les formes d’actions organisées et entreprises par un ensemble d’individus en vue d’atteindre des objectifs communs et d’en partager les profits13 ».
Ce sens-là est générique, par rapport à celui, spécifique, du sens juridique. La France et le Canada le partagent sans équivoque.
Pour rendre le terme anglais class action, le monde juridique canadien et québécois a prioritairement retenu le terme RECOURS COLLECTIF, sans pour autant éliminer son concurrent ACTION COLLECTIVE. Aussi les deux termes peuvent-ils cohabiter dans l’usage canadien.
Le premier, parce qu’il s’inscrit clairement en droit privé14, bien qu’une telle action (en justice), débordant de ce cadre étroit en raison des enjeux sociaux et du nombre de personnes impliqués, transcendant les droits, empiète sur le public.
Le second, parce qu’il désigne, en français juridique, l’acte d’ester en justice, bien que sa proximité avec l’anglais action le rende suspect d’anglicisme aux yeux des juristes canadiens, ce qui pourrait expliquer la popularité de « recours », au détriment de « action ».
[21] Au terme des témoignages des parties entendus et de l’analyse approfondie que les experts des parties ont présentée, le tribunal reconnaît le bien-fondé des arguments avancés en faveur de l’un et de l’autre terme. Toutefois, si, d’une part, le tribunal accorde foi et crédibilité aux auteurs des témoignages présentés, d’autre part, il estime que la preuve de la synonymie des termes ACTION et RECOURS, au point d’être interchangeables et de pouvoir occuper le même champ sémantique, n’a pas été établie de manière irréfutable et convaincante dans tous les domaines envisagés, en droit privé comme en matière administrative. Le tribunal est convaincu que cette synonymie est, en l’occurrence, affaire de contexte et d’usage, donc relative dans sa valeur et non absolue.
[22] Le tribunal accorde par ailleurs un certain crédit à la prétention de la défenderesse selon quoi, en inscrivant sur le formulaire de requête son propre nom, au lieu de celui du demandeur, elle aurait agi par inadvertance et sans intention de nuire au demandeur.
[23] En outre, le tribunal estime que la preuve formelle d’un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice invoqué n’a pas été démontrée par le demandeur dans son témoignage. Si la frustration du demandeur peut sembler légitime, elle ne constitue cependant pas un motif valable et suffisant pour engager la responsabilité de la demanderesse en l’espèce.
[24] En conséquence, le tribunal estime que le préjudice moral que l’erreur commise par la demanderesse a causé et qu’invoque le demandeur n’est pas démontré et, pour cette raison, il ne peut lui être octroyé la somme demandée en réparation du préjudice qu’il allègue avoir subi.
[25] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[26] ACCUEILLE en partie l’action de Paul-A. Recours contre Sophie-Lyne Action;
[27] REJETTE la demande d’indemnisation du demandeur;
[28] LE TOUT AVEC DÉPENS.
MARIELLA-CONCEPTION DUTERME J.C.S.
Me Éloi D. Terré
Me Julie-A. Postrophé
Tremblay, Lemire & Steinway
Avocats du demandeur
Me Thérèse-Marie Tun’Lapat
Me Paul-Henri Réprouvé
Greenberg, Perlman & Lafleur
Avocats de la défenderesse
Dates d’audience : Les 1er, 2 et 4 avril 2003
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