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Autrefois, turquerie désignait le caractère « turc », dur, impitoyable. Pourquoi une telle connotation péjorative? Après tout, les Turcs ont popularisé la culture de la tulipe dont le nom turc tülbend est lié à turban. Ils ont aussi laissé derrière eux des sacs de fèves de café, devant Vienne en 1683, ce qui est à l’origine de la création d’une institution nouvelle : le café où l’on déguste la boisson du même nom. Mais il faut dire que les armées turques essayaient de conquérir l’Europe…
Car les Turcs ont été des envahisseurs. Ils venaient d’Asie, un continent encore mal connu, de sorte que les Européens les percevaient comme de nouveaux Barbares. Le Turc était forcément un colosse inculte, d’où l’expression fort comme un Turc. Pendant quelques siècles, l’Empire ottoman a occupé les Balkans, ce qui explique que certains peuples, comme les Bosniaques et les Albanais, se sont convertis à l’islam. C’est pourquoi la Turquie moderne possède en Europe une enclave en Thrace orientale, là où se trouve la ville d’Istanbul.
On a tort de penser que la langue turque n’est parlée qu’en Turquie. De fait, la turcophonie ratisse large. Les Azerbaïdjanais, les Turkmènes, les Ouzbeks, les Kirghizes parlent une langue d’origine turque. Même le Xinjiang chinois compte des populations d’origine turque.
Bien qu’il ne soit pas une langue internationale, le turc a quand même un certain rayonnement. Ce que l’on ignore, toutefois, c’est que le turc a laissé des traces (sans h…) en français. Si vous aimez le thé Earl Grey, vous savez sans doute qu’il est parfumé à la bergamote, du turc beg-armâdé. La cravache, dont se servent les cavaliers, vient elle aussi du turc, qyrbâtch. Enfin, le mot que les Québécois ont substitué à l’anglicisme stand, provient aussi de la langue turque. Kiosque est une altération du mot turc körsk, qui signifie en fait « pavillon de jardin ». Dans notre langue, le mot a pris son envol pour désigner un édicule où l’on vend des journaux ainsi qu’un abri vitré sur le pont d’un navire.
Bien d’autres mots français viennent de la langue turque : cafetan, chacal, chagrin, odalisque, sérail, turban, etc.
La présence ottomane a aussi favorisé la création d’un certain nombre d’expressions dans notre langue. Ainsi : une tête de Turc est une personne dont on se moque. Sur le plan politique, un jeune Turc est un jeune réformiste qui, sabre au clair, milite pour la modernisation de son parti. Cela ne signifie pas pour autant qu’il brandit son sabre turc, aussi appelé yatagan.
Les hédonistes apprécieront sûrement le café turc, un café très fort et opaque. S’ils mènent une vie de pacha, ils fumeront aussi une chibouque, soit une pipe à long tuyau, aussi appelée pipe turque. Pressés d’aller se détendre au bain turc, ils enfourcheront un cheval turc, c’est-à-dire un cheval d’une race intermédiaire entre les chevaux arabes et les persans. Une fois en selle (turque), il est toutefois peu recommandé de s’asseoir à la turque, c’est-à-dire en tailleur. En revenant de leur chevauchée, peut-être voudront-ils s’étendre sur un divan, autre mot d’origine turque. Ce qui sera certainement plus invitant que d’aller aux toilettes à la turque, expérience toujours saisissante pour les Nord-Américains que nous sommes.
D’autres expressions sont inspirées de cet Empire ottoman, que l’on surnommait jadis la Sublime Porte. Pensons à tabac turc, point turc, tapis turc, entre autres.
Les circonstances historiques ont aidé une langue lointaine comme le turc à pénétrer le français. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à y avoir laissé sa marque.
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