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Q. Peut-on dire que « les travaux sont prévus commencer au printemps »?
R. Cette phrase n’est pas le comble de l’élégance. Il est possible que son auteur l’ait calquée sur des tours comme sont supposés commencer. Mais la construction n’est permise qu’avec des verbes d’opinion comme reconnaître, présumer, être censé, etc.
La tournure s’explique peut-être aussi par l’habitude que nous avons de faire suivre prévoir directement de l’infinitif, comme dans : on prévoit commencer les travaux au printemps. On cède ensuite à la tentation de tourner le tout à la voix passive. Or, le passif consiste à amener le complément d’objet direct du verbe en position de sujet. Mais dans cette dernière phrase le complément direct de prévoir n’est pas travaux mais commencer. On prévoit quoi? Commencer. Ce ne sont pas les travaux qui sont prévus, mais leur mise en chantier.
Pour avoir un passif en règle, il faudrait que commencer devienne sujet de la phrase. Mais on ne dirait pas « commencer les travaux au printemps est prévu ». En fait, quand le complément d’objet direct d’un verbe est un infinitif, la tournure passive est généralement impossible. Les cas où des phrases très simples contenant un verbe suivi d’un complément direct n’ont pas de version passive sont d’ailleurs nombreux (penser à elle a perdu son mari, il a levé le bras, cette affaire ne vous regarde pas, etc.).
Il convient de faire remarquer, en passant, que l’usage européen intercale systématiquement de entre prévoir et l’infinitif, comme dans cet exemple du Monde (9-4-2007) :
« Aeroflot prévoit de commencer des négociations avec Air France-KLM pour un rachat commun de la compagnie italienne. »
C’est l’emploi standard. Le Bon usage fait d’ailleurs figurer prévoir dans sa longue liste des « verbes construisant d’habitude l’infinitif avec de » (14e édition, § 906).
Prévoir de, consigné dans quelques dictionnaires, est toutefois considéré comme « vieilli » par le Grand Robert et quelques autres ouvrages. Si bien qu’un dictionnaire aussi courant que le Petit Robert ne mentionne même pas d’emploi de prévoir suivi de l’infinitif, avec ou sans de, et ne l’a d’ailleurs fait dans aucune de ses éditions depuis quinze ans.
Nous avons l’habitude de ce côté-ci de l’Atlantique d’allonger l’espérance de vie des tournures vieillies. Cependant, lorsque le Multidictionnaire, rappelant à son tour que prévoir de + infinitif est vieilli, indique qu’on colle aujourd’hui prévoir à l’infinitif, la remarque prête à confusion. D’une part, elle ne peut valoir pour l’usage européen, qui tout en délaissant prévoir de ne fait pas suivre le verbe directement de l’infinitif; c’est qu’il préfère maintenant l’employer avec un substantif ou une subordonnée (prévoir que). Et la remarque ne peut valoir non plus pour l’usage québécois, où prévoir de n’a jamais été très répandu.
Lionel Meney est l’un des rares à signaler cet écart entre les usages canadien et européen. Dans son Dictionnaire québécois-français, il cite l’exemple : les fonctionnaires avaient prévu procéder à cette fiesta, qu’il considère comme un régionalisme face à ils avaient prévu d’organiser. Il a aussi relevé il est prévu dépenser 25 millions $, qui ressemble à notre phrase du début, alors que le français standard dirait : on a prévu de dépenser 25 millions.
Toute vieillie qu’elle est, la tournure prévoir de n’est pas encore morte. Nonobstant le Grand Robert, elle reste vivante en Europe. Le Dictionnaire Hachette la consigne sans réserve. Elle se rencontre même chez nous. Dans l’édition du 14-15 juillet 2007 du Devoir, on pouvait lire sous la plume d’un journaliste maison :
« Les États-Unis prévoient d’acheter trois nouveaux super-brise-glaces d’ici 2014 »
…et trois pages après, sous la plume du consul de France à Québec :
« la France prévoit d’intensifier son action d’information au Québec sur les études en France. »
Si bien que les deux tournures semblent parfois en concurrence. Ainsi le 19 janvier 2008, on lisait dans la Presse :
« La société prévoit aussi investir 600 millions $ US en capital »
et quelques lignes plus bas sur la même page :
« La première banque suisse UBS, malmenée par la crise des subprimes, prévoit de refondre partiellement son activité banque d’investissement. »
Il est vrai que la deuxième phrase apparaissait dans une dépêche de l’AFP, la première, dans une dépêche de la Presse canadienne.
Q. Prédécesseur peut-il désigner d’autres personnes que celle qui précède immédiatement quelqu’un?
R. Au pluriel, le mot englobe certainement tous ceux qui ont précédé le titulaire d’un poste quelconque. Mais le Trésor de la langue française prend soin de le définir ainsi : Personne qui a occupé un emploi, une fonction, une charge (généralement immédiatement) avant le titulaire actuel.
Appeler, par exemple, Brian Mulroney le prédécesseur de Jean Chrétien inciterait des gens à qui l’histoire récente du Canada n’est pas familière à penser qu’il n’y a eu aucun premier ministre entre les deux. Dans l’exemple du Petit Robert : Édith Cresson était la prédécesseur de Bérégovoy, il faut comprendre que le second a remplacé la première à la fonction de premier ministre de la France.
Même situation dans la phrase suivante du Devoir, 16 octobre 2007, où son prédécesseur désigne Bernard Landry, prédécesseur immédiat d’André Boisclair à la tête du Parti québécois :
« À la place de M. Boisclair, n’importe qui aurait été blessé par ce manque de loyauté. Le coup faisait d’autant plus mal qu’il [= A. Boisclair] aurait été le premier à appuyer son prédécesseur s’il [= B. Landry] avait décidé de revenir sur sa décision durant les jours qui ont suivi sa démission. »
Seul le prédécesseur immédiat a droit, si l’on veut éviter toute ambiguïté, à l’article défini et au possessif singulier.
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