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L’histoire et la politique sont parsemées d’expressions connues et moins connues dont nous ignorons souvent l’origine et parfois même le sens. Certaines plongent leurs racines dans les tréfonds de l’histoire. Je vous en présente quelques-unes.
En 321 avant Jésus-Christ, les Romains perdirent une bataille de la manière la plus humiliante qui soit, près de Caudium, dans le sud de l’Italie. Enfermés dans un défilé rocheux dont les extrémités avaient été bouchées par leurs ennemis, les Samnites, les Romains durent se rendre, obligés de passer sous les lances fourchues des Samnites. D’où l’expression passer sous les fourches caudines, qui signifie être obligé de faire quelque chose qu’on ne veut pas faire, qui est humiliant.
Capoue, c’est la ville italienne prise par le général carthaginois Hannibal, en 215 avant Jésus-Christ. Ses troupes s’y installèrent et profitèrent des plaisirs de l’endroit. Mal leur en prit, les soldats carthaginois perdirent leur vaillance au combat. Les Romains en firent une proie facile et détruisirent la ville en guise de vengeance.
Pour paraphraser le Robert, les délices de Capoue, ce sont des délices où l’on s’amollit. Une personne qui s’endort dans les délices de Capoue se laisse bercer par une vie trop facile.
Le mot barbare n’a pas toujours eu un sens péjoratif. À l’époque de la Grèce antique, était barbare quiconque n’appartenait pas à la civilisation hellénique, y compris les Romains. Ces derniers reprirent le terme pour désigner tous les peuples qui ne faisaient pas partie du monde gréco-romain. Plus tard, les historiens attribuèrent ce nom à divers peuples qui envahirent l’Empire romain, comme les Goths, les Vandales, les Huns et autres Francs. Le caractère négatif de cette appellation est moins évident lorsqu’elle est employée par des historiens, alors que les Grecs et les Romains méprisaient ceux qu’ils qualifiaient de barbares.
Cette expression fait référence à un château du roi Louis IX, situé à Vauvert, dans le sud de la France, loin du siège de la monarchie. Selon les rumeurs, ce château isolé était hanté par des esprits, de sorte que personne ne voulait y habiter. Selon le Trésor de la langue française, il était convoité par les propriétaires d’un château voisin qui voulaient inciter Louis IX à leur en faire don. Ils organisèrent des apparitions du diable, ce qui convainquit le souverain de s’en défaire.
Cette histoire a engendré deux expressions : aller au diable vauvert et habiter au diable vauvert. Dans les deux cas, elles signifient « très loin ».
Qui ne connaît pas cette expression inspirée par le cheval que les Grecs donnèrent à la ville de Troie, et dans lequel étaient cachés des soldats? Grâce à cette astuce, les Grecs conquirent Troie, environ 1200 ans avant Jésus-Christ.
Depuis, cette expression a fait du chemin et désigne aujourd’hui un intrus qui cherche par la ruse à s’introduire quelque part sous des prétextes fallacieux, afin d’y faire du mal. Par exemple, le général de Gaulle craignait que l’admission de la Grande-Bretagne au sein du marché commun européen n’en fasse le cheval de Troie des États-Unis.
En informatique, le cheval de Troie est un programme malveillant introduit dans un ordinateur pour y recueillir ou détruire des informations.
Être fort comme un Turc, c’est posséder une force phénoménale. Les explications sur l’origine de cette expression sont multiples. L’Empire ottoman a occupé une bonne partie des Balkans pendant quelques siècles et certains peuples, notamment les Grecs et les Serbes, durent livrer d’âpres batailles afin de se libérer du joug des Turcs.
Pendant longtemps, les Turcs furent considérés comme des barbares venus de l’Orient qui menaçaient la civilisation occidentale. Le Turc était perçu comme un personnage tout en muscles, mais pas très brillant.
Si l’on remonte plus loin dans l’histoire, il semble que les Turcs aient remporté un grand nombre d’épreuves aux Jeux olympiques de l’Antiquité, en raison de leur force extraordinaire. Enfin, la ténacité des soldats turcs a été maintes fois reconnue tout au long de l’histoire, ce qui pourrait aussi être à l’origine de cette expression.
Ce mot allemand s’est introduit dans plusieurs langues à la suite de la tentative de coup d’État perpétrée par Hitler et ses hommes, dans une brasserie de Munich, en novembre 1923. Les historiens ont baptisé cet évènement « putsch de la brasserie ».
Le terme est largement utilisé en français, mais il a des rivaux. Au premier chef, pronunciamiento qui, dans le monde hispano-américain, renvoie à un coup d’État fomenté ou soutenu par l’armée. Petite nuance avec le putsch, qui lui est perpétré par un groupe politique armé.
Récemment, le terme golpe est apparu. Là encore, il est question d’un coup d’État et le mot renvoie à la tentative des militaires espagnols de renverser le gouvernement républicain en juillet 1936. Son dérivé autogolpe désigne quant à lui un coup d’État perpétré de l’intérieur, c’est-à-dire par les autorités en place qui dissolvent la législature ou abrogent la constitution pour se donner les pleins pouvoirs. Ce terme est revenu dans l’actualité en 1992 lorsque le président péruvien Alberto Fujimori a renversé son propre gouvernement.
Le rideau de fer, c’est celui que l’on descend devant la façade des magasins. On attribue généralement cette expression à Winston Churchill, qui l’aurait prononcée dans un discours au Westminster College, à Fulton, au Missouri, en 1946. L’ancien premier ministre britannique constate alors que les pays de l’Est, occupés par l’Union soviétique, ne deviendront pas des démocraties et parle d’un « rideau de fer » qui s’abat sur eux. De fait, l’expression, prise dans cette acception, existe depuis presque 50 ans. Selon Wikipédia, elle a été employée dans un sens politique pour la première fois en 1918 lorsque Vassili Rosanov a dénoncé l’implantation du communisme en Russie. Le ministre nazi de la Propagande, Joseph Goebbels, l’a aussi utilisée en février 1945 lorsque, entrevoyant le déferlement des armées soviétiques en Europe, il a parlé d’un rideau de fer qui risquait de s’abattre sur le Vieux Continent. Mais c’est Churchill qui a donné ses lettres de noblesse à l’expression dans son discours prononcé au Westminster College.
D’entrée de jeu, un détail intéressant. Les deux grands dictionnaires généraux ne définissent pas cette période de la même façon, le Larousse la situant entre 1945 et 1990, le Robert entre 1945 et 1953. En général, les historiens situent la fin de cette « guerre sans guerre » à l’effondrement du communisme en Europe, marqué par l’ouverture du mur de Berlin, en 1989, et la dissolution de l’Union soviétique, en 1991.
La Guerre froide (bien des auteurs lui donnent la majuscule, puisqu’il s’agit d’une période historique) est toutefois marquée par une pause, appelée la Détente (la majuscule pour la même raison). La crise des missiles de Cuba, en 1962, donne la frousse à tout le monde, y compris aux deux grandes puissances, qui cherchent à endiguer la prolifération des armes nucléaires et à baliser leur mise à l’essai. La Détente se termine avec l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée rouge, en 1979.
Et pour finir, deux expressions québécoises…
Le cabinet de Jean Lesage se réunit les 4 et 5 septembre 1962 au lac à l’Épaule, dans la région de Québec, pour y décider de la nationalisation de l’électricité.
Cet évènement marquant de la Révolution tranquille a laissé des traces dans la langue. En effet, l’expression lac-à-l’épaule est même avalisée par l’Office québécois de la langue française : « Le toponyme substantivé […] passa à la postérité pour désigner une rencontre importante, tenue à l’écart, souvent dans un endroit naturel et vivifiant, au cours de laquelle les participants se réunissent pour définir de grandes orientations, s’entendre sur les actions à entreprendre, faire le point ou se ressourcer*. »
Cette expression a été popularisée par René Lévesque, quand il parlait de son nouveau gouvernement, en 1976. Au baseball, donner la chance au coureur, c’est déclarer sauf le coureur qui atteint le premier but en même temps que la balle est captée par le joueur défensif. De nos jours, cette expression s’emploie fréquemment pour dire qu’il faut donner sa chance à quelqu’un.
Certaines expressions, que rien ne semblait prédestiner à la gloire, viennent finalement s’inscrire en lettres d’or dans le grand livre de l’histoire. Certaines s’insinuent même dans le vocabulaire courant, sans qu’on ne s’en rende compte. Elles ont su traverser les fourches caudines du temps et de l’usage.
Tiré de « Lac à l’Épaule ou lac-à-l’épaule ???? », à *Le CCPAS vous presente sa chronique du bon français.
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