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Juridictionnaire

arrêter

  1. La langue anglaise dispose des verbes "to arrest" et "to stop", souvent rendus en français par le verbe arrêter, qui peut avoir le sens soit de mettre qqn en état d’arrestation, soit d’interrompre ou de retenir qqn ou qqch. dans l’accomplissement ou le développement de son action.

    L’emploi de cet équivalent unique pour exprimer les sens des deux verbes anglais ne pose en général pas de difficultés, le contexte lui-même dissipant d’ordinaire tout risque d’ambiguïté. Le paragraphe 213(1) du Code criminel (Canada) prévoit, par exemple, ce qui suit : « Est coupable d’une infraction(…) quiconque, dans un endroit soit public soit situé à la vue du public et dans le but de se livrer à la prostitution ou de retenir les services sexuels d’une personne qui s’y livre : a) soit arrête ou tente d’arrêter un véhicule à moteur; b) (…) ; c) soit arrête ou tente d’arrêter une personne ou, de quelque manière que ce soit, communique ou tente de communiquer avec elle. ». À l’égard d’une chose, aucun doute n’existe vu qu’il ne viendrait à l’idée de personne de mettre une chose en état d’arrestation. Dans le cas de personnes, le sens du verbe arrêter se dégagera parfois clairement du contexte, comme l’illustre l’exemple mentionné ci-dessus, ou même celui-ci : « La police a arrêté la foule. ».

    D’autres contextes risquent cependant de créer confusion : « Un policier peut arrêter un individu et lui poser des questions dans le cadre d’une enquête. » « Les policiers ont le droit d’arrêter des automobilistes à des points de contrôle en vue de leur faire subir un alcootest(…) et de vérifier les permis de conduire, les assurances et l’état mécanique des voitures ». Veut-on dire que la police peut demander simplement à l’intéressé de s’arrêter ou bien qu’elle a le pouvoir de le mettre en état d’arrestation? Les droits que garantit la Charte canadienne des droits et libertés varieront de façon considérable selon qu’on se trouvera dans l’une ou l’autre situation. Dans la version française de l’arrêt R. c. Ladouceur, [1990] 1 R.C.S. 1267, la Cour suprême du Canada a employé, pour bien marquer la distinction entre "to stop a person" et "to arrest a person", le verbe interpeller : « Dans l’arrêt Hufsky, le conducteur avait été interpellé par un agent de police de faction à un point fixe de contrôle(…) », et le substantif interpellation : interpellation au hasard des automobilistes. Elle a également usé du verbe intercepter et du substantif interception pour des véhicules : « Par contre, l’interception au hasard d’un véhicule au cours d’une patrouille permettrait à un agent de police d’intercepter n’importe quel véhicule n’importe quand, n’importe où. »

    Dans le cas où l’emploi d’arrêter au sens de "to arrest" risque d’engendrer une ambiguïté, on recourra aux formulations plus explicites : mettre en état d’arrestation ou placer en état d’arrestation.

  2. Arrêter s’emploie également dans les sens suivants : a) fixer, déterminer définitivement (arrêter un délai, une date, le rôle d’audience, les modalités de notre collaboration); b) adopter, prendre (arrêter des mesures, les dispositions d’application d’un texte, des règlements, des directives). Employé absolument, il signifie prendre des arrêtés : « Le ministre arrête : » « Le conseil municipal arrête ce qui suit : ». Arrêter peut également se construire dans ce sens avec la conjonction que suivie de l’indicatif : « Le conseil a arrêté que la manifestation pourra se dérouler dans la ville le samedi entre dix heures et quatorze heures. »
  3. Arrêter peut aussi avoir le sens de saisir-arrêter : « La saisie-arrêt est un acte par lequel un créancier (le saisissant) saisit-arrête entre les mains d’un tiers (le tiers saisi) les deniers et effets appartenant à son débiteur (le saisi) et s’oppose à leur remise. » « Il en est ainsi alors que le tiers saisi détient la chose arrêtée ». Cet emploi étant rare aujourd’hui, il est préférable d’employer le mot saisir-arrêter.

    Il peut aussi avoir le sens de saisir par voie de justice : « Le juge a fait arrêter les exemplaires du livre. ». On dira aujourd’hui saisir. Il peut aussi signifier intercepter, empêcher d’arriver à destination, et même saisir dans le vocabulaire administratif : « La police arrêtait les lettres qui lui étaient destinées. » « Un colis contenant des revues pornographiques a été arrêté à la douane. »

  4. Le verbe arrêter se trouve également dans l’expression arrêter les procédures : l’article 579 du Code criminel (Canada) habilite le procureur général à « ordonner au greffier ou à tout autre fonctionnaire compétent du tribunal de mentionner au dossier que [les procédures sont arrêtées] sur son ordre(…) ». (= la procédure est arrêtée)

    Autres syntagmes. Arrêter les poursuites. Arrêter le cours de la prescription. (« La perte de la possession arrête le cours de la prescription. »)

  5. Les anglicismes suivants sont fréquents dans des textes de droit commercial : [arrêter le paiement d’un chèque] et [arrêter un chèque] au lieu de faire opposition à un chèque, [arrêt de paiement] (pour signifier l’interdiction de paiement qu’ordonne la signature d’un chèque à la banque sur laquelle le chèque est tiré) au lieu de contre-ordre ou d’opposition. On dit alors que le chèque est frappé d’opposition.

    Arrêter un bilan, un état des créances, c’est le clore, le fermer.