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Dans son argumentation, l’avocat peut, pour emporter l’adhésion du tribunal ou du jury, circonscrire le débat à deux solutions en recourant à l’argument du dilemme. Ce procédé de discussion se présente selon la formule suivante : ou A, ou B; si A, hypothèse inacceptable; si B, hypothèse inacceptable; donc, dans les deux cas, hypothèses à rejeter. On le définit aussi comme un syllogisme disjonctif; il consiste à examiner deux hypothèses (appelées les deux branches ou les deux cornes du dilemme, de là l’expression argument cornu pour désigner le dilemme) pour en conclure que, quelle que soit l’hypothèse choisie, on aboutit à la même réponse soit parce qu’elles conduisent à un même résultat ou à deux résultats identiques, soit parce qu’elles entraînent dans chaque cas une incompatibilité avec une règle prescrite. Le modèle peut être celui-ci : supposons que l’argument du demandeur fait intervenir le dilemme suivant : si telle loi est ultra vires, alors(…); si, par ailleurs, elle est constitutionnelle, alors(…); la conclusion n’est admissible dans ni l’un ni l’autre des cas. L’avocat peut aussi attribuer à l’adversaire, pour suggérer sa mauvaise foi ou discréditer son point de vue, un dilemme dans lequel deux possibilités contradictoires mènent à une même conclusion.
Pour limiter ainsi le cadre du débat à deux solutions, l’avocat plaidant peut enfin proposer deux possibilités, toutes deux difficilement acceptables, mais entre lesquelles le choix paraît aller de soi; le reste de son argumentation consistera à prouver que la solution proposée revient à préférer le moindre des deux maux.
De son côté, le juge peut placer le plaideur devant un dilemme, pour conclure que, dans l’une ou l’autre branche de l’alternative, il est tenu de prendre une certaine décision. Les exemples abondent du profond dilemme de l’intervention judiciaire, dont le choix entre droits collectifs et droits individuels n’est pas le moindre. Le juge est ainsi enfermé parfois dans un dilemme de conscience insupportable.
Être placé devant un dilemme est donc se trouver dans une situation sans issue favorable, être dans une impasse. Par exemple, pour répondre à une question qui lui est posée dans une requête, la cour doit résoudre un dilemme : il peut être nécessaire, pour examiner à fond la question soumise à son appréciation, que soient révélés des renseignements confidentiels que l’on cherche par ailleurs à protéger. La requête présentée perd alors tout son sens. Ou encore, le commerçant qui veut observer le samedi en n’ouvrant pas son commerce en raison de ses croyances religieuses se trouve aux prises avec un dilemme faute de loi sur l’observation du dimanche : il doit choisir entre l’observance de sa religion et l’ouverture de son commerce afin de faire face à la concurrence; s’il choisit d’observer les préceptes de sa religion et qu’existe une loi sur l’observation du dimanche, il se trouvera dans une position fâcheuse : son entreprise restera fermée le samedi et le dimanche.
La compétence des tribunaux affrontant celle des organismes législatifs est un exemple de dilemme juridique que les juges tranchent souvent en adoptant le principe de nécessité. Le législateur peut s’ingérer dans la common law; par ailleurs, la common law peut s’immiscer dans le droit. Le principe de nécessité permet au tribunal de sortir de ce dilemme et de statuer.
En ce sens extensif, le piège sur lequel on risque de trébucher consiste à confondre les mots alternative et dilemme, à prendre abusivement l’un des deux vocables pour l’autre. « C’est un faux dilemme (= une fausse alternative) que celui de la justice et de l’équité. »
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton