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Il faut toujours mettre l’accent circonflexe sur le a du verbe enchâsser et de ses dérivés.
Enchâsser, c’est prescrire expressément des droits dans un régime, un cadre constitutionnel. Enchâsser la notion de deux langues officielles pour le Canada et pour le Nouveau-Brunswick. « Cette proposition est inattaquable depuis la décision du Parlement d’enchâsser dans notre cadre constitutionnel une charte des droits et libertés et le principe que la Constitution est la loi suprême du pays. » « La Charte a pour but d’enchâsser certains droits et libertés fondamentaux et de les protéger contre toute atteinte législative. » « Retenir un tel argument aurait pour effet d’enchâsser dans la Constitution le pouvoir discrétionnaire absolu des juges de déterminer la peine appropriée. »
Cet emprunt serait, dit-on, injustifié. On devrait remplacer avantageusement par une terminologie plus française un mot et ses dérivés qui, étant empruntés à des images anglaises, sont étrangers à ce que les linguistes appellent, terminologie critiquée elle aussi, le « génie » de la langue française.
Ainsi, au lieu de dire que tel droit, à la manière d’une pierre précieuse, est enchâssé dans la Constitution ou que telle garantie, à la manière d’un bijou, s’y trouve enchâssée, il vaudrait mieux recourir à une formulation plus française d’inspiration et plus conforme à nos habitudes langagières.
Ces droits et libertés sont constitutionnalisés, ils sont inscrits, consacrés, garantis dans la Constitution, une valeur ou une force constitutionnelle leur étant donnée, conférée, ils sont élevés, haussés au rang de règles constitutionnelles, à la dignité constitutionnelle. Cette phraséologie serait adéquate pour équivaloir à l’image d’inspiration religieuse ("to enshrine"); une partie de celle-ci (constitutionnaliser, rendre constitutionnel, inscrire), à laquelle vient s’ajouter des verbes ou des locutions verbales tels que fixer, figurer dans, faire partie intégrante de (et non [insérer], [intégrer], [consacrer], [inclure], [reconnaître] et [ériger]), correspondrait à l’image d’inspiration militaire ("to entrench").
Il importe plutôt de dénoncer les emplois d’enchâsser et de ses dérivés dans des contextes où l’image paraît incongrue, nullement évocatrice au point de sembler factice, fausse, inadéquate ou forcée. Dire de la règle de l’atténuation du préjudice qu’elle est [enchâssée] dans la jurisprudence, que le principe de l’enrichissement sans cause est fermement [enchâssé] dans le droit canadien ou qu’une condition d’autorisation est [enchâssée] dans un principe constitutionnel relève beaucoup plus d’une mauvaise habitude langagière, d’une maladresse de l’expression et d’un style boiteux ou, dans l’activité traduisante, d’une servilité à la langue de départ et d’un automatisme de la pensée que de l’incorrection et de l’écart linguistique.
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton