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Les personnes qui s’abstiennent de voter font acte de silence. De même en est-il de celles qui s’abstiennent de répondre à une offre ou de décider une question.
Répondre, c’est donner à une demande, à une réclamation une suite expresse; mais la réponse peut consister en une suite donnée qui commande le silence. Ainsi l’Administration peut-elle par son silence donner suite à une demande présentée par un administré.
En matière pénale, en principe, celui qui par son inaction, par son silence, laisse commettre une infraction ou se réaliser un préjudice qu’il aurait pu empêcher par son intervention échappe à toute responsabilité pénale, le silence n’étant pas la cause principale du délit. Toutefois, dans les cas où des motifs sérieux permettent de croire qu’un crime devait être commis, l’abstention ou le silence qui s’est réalisé à l’occasion d’une activité qu’il exerçait ou d’une situation particulière dans laquelle il se trouvait et qui lui imposait l’obligation d’agir pourra constituer une faute pénale [justifiant condamnation]. Tel est le cas de l’automobiliste qui, en n’annonçant pas son approche, est la cause d’un préjudice corporel à un tiers, tel celui du commerçant qui laisse entrer dans son établissement une personne grièvement blessée ou très malade et qui lui refuse, sous prétexte qu’il n’est pas médecin, de lui fournir des soins, ou tel encore le cas du propriétaire qui, par son silence, ne prend pas les précautions nécessaires pour que les choses dont il a la propriété ne causent pas d’accidents.
Autres cas de silence emportant une responsabilité pénale : le juge qui ne fait pas cesser une détention dont il sait qu’elle est arbitraire, la défaillance d’un témoin de rendre témoignage en faveur d’un prévenu dont on peut prouver l’innocence, la lâcheté du témoin qui, par son silence, laisse condamner un innocent ou celle d’un juré de faire apparaître ce fait au cours des délibérations du jury, le refus de prêter main-forte à l’autorité policière ou de sécurité publique à la demande de celle-ci en cas de désordre ou de calamités publiques, le fait de taire un projet ou un acte de trahison, d’espionnage ou de terrorisme, le silence du pharmacien qui néglige d’avertir le médecin traitant d’une erreur commise dans la délivrance d’un médicament dangereux, alors que, par ses connaissances professionnelles, il est en mesure d’apprécier l’urgence de cet avertissement et qui choisit de s’embusquer dans un silence affreux, condamnable, effrayant. « De nombreuses infractions demeurent impunies, car peu de gens se plaisent à assurer les fonctions désagréables et périlleuses d’accusateur; les coupables riches et puissants peuvent acheter le silence des témoins ou paralyser les éventuels accusateurs par la crainte qu’ils inspirent. »
Le silence peut aussi entraîner une responsabilité en matière contractuelle ou délictuelle. Ainsi en est-il du transporteur qui, par son silence intentionnel, omet de prendre toutes les mesures propres à assurer un transport sans danger, du dépositaire qui s’abstient de prendre toutes les mesures de garde nécessaires ou du médecin qui s’abstient de soigner ses patients. « L’officier de l’état civil ne doit mentionner dans les actes que les déclarations, même mensongères, des parties sans suppléer à leur silence par ses renseignements personnels. »
Ce qui est implicite ou tacite est une forme de silence. Dans un contrat, l’obligation de divulgation par la partie la mieux informée est implicite; on dit qu’elle est passée sous silence, même si elle constitue un devoir implicite que les parties doivent respecter. Est implicite ou tacite ce qui est passé sous silence, ce qui n’est pas formellement, expressément exprimé, ce qui est tenu sous silence tout en manifestant une volonté. Le pacte, l’aveu 1, l’acceptation, l’offre, l’accord, l’acquiescement, le consentement, le contrat, le mandat, la permission, la promesse, la résiliation, la révocation tacites ou encore l’assertion, la condition, le covenant, la fiducie, la garantie, la concession, la réserve, la servitude implicites sont toutes des formes de silence qui emportent, d’une manière ou d’une autre, obligation. Par exemple, est tacite ce qui, dans le silence du contrat, est sous-entendu, ce qui se déduit des faits, du comportement, des déclarations des parties et est implicite ce qui renvoie à certaines clauses, lesquelles, étant non écrites, se rattachent à ce qu’on nomme le silence du contrat. « Il s’agit ici de dégager, dans le silence de l’acte de donation, une règle interprétative de volonté. »
S’il y a obligation implicite de sécurité attachée à un contrat ou consentement implicite accordé à l’accomplissement d’un certain agissement, le silence est de rigueur, il est obligatoire. En outre, le silence gardé sur la notification du rejet d’une réclamation pendant le délai imparti par la loi vaut décision implicite de rejet. Une décision est dite implicite lorsqu’elle résulte du silence de l’Administration pendant le délai légal par elle fixée pour se prononcer à compter du dépôt de la demande.
En matière de dol, la dissimulation, soit le fait de cacher ce que l’on doit révéler, comportement qui peut être constitutif de fraude 2, de recel, de complicité, est assimilée au silence. Par exemple, le fait de dissimuler des revenus, des documents, des faits propres à éclairer la justice est qualifié de silence de leur auteur. De même, la réticence ou la tromperie est un silence gardé intentionnellement en vue de tromper l’autre partie.
Le silence du législateur peut se manifester dans l’inaction ou l’abstention de ce dernier à ne pas édicter de disposition dont le besoin se fait sentir. La loi peut passer sous silence une clause ou une disposition importante d’origine jurisprudentielle ou doctrinale ou encore un régime juridique, tel le régime dotal ou le régime sans communauté de biens. C’est le contraire de la prévision législative. On appelle comblement, recomblement ou encore complètement le fait de combler pareille lacune législative, de remplir un vide législatif.
Dans le discours législatif, les expressions Sauf disposition expresse contraire, Sauf disposition expresse de la présente loi signalent le silence de la loi, elles donnent à entendre qu’il y a silence de la loi.
Il en est de même des parties à une convention : dans le silence du texte qui les gouverne (les formules courantes « Sauf stipulation expresse des parties », « À défaut de disposition contraire », « En l’absence de déclaration formelle des parties » signalent le silence de la convention), les parties doivent s’entendre ou soumettre leur cas d’espèce à l’autorité judiciaire, qui le réglera au regard des principes d’équité et de justice, dans l’esprit des conventions analogues et conformément au droit en vigueur.
Le tribunal ou l’arbitre saisi du litige doit établir ce qu’on appelle une norme supplétive, laquelle est obligatoire et supplée au silence du texte en cause. « Dans le silence du contrat, le tribunal doit considérer que les risques commencent à courir à partir de la signature de la police ou de la remise à l’assuré de la note de couverture. » « Le droit communautaire prévoit, dans certains cas spécifiques, que le silence d’une institution a valeur de décision lorsque cette institution a été invitée à prendre position et qu’elle ne s’est pas prononcée à l’expiration d’un certain délai. »
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton