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Par exemple, les décisions arbitrales sont généralement précédées d’un intitulé formé du mot vu, lequel est obligatoirement suivi du titre de la loi pertinente, puis de l’expression dans l’affaire de qui énonce la nature du grief avant de présenter les parties à l’instance. « VU la Loi sur les relations industrielles et DANS L’AFFAIRE d’un grief (…) » Vu et Dans l’affaire de sont des formules qui ne peuvent jamais être interchangeables. Il serait illogique de dire : [Dans l’affaire de la] Loi sur les relations industrielles.
La Cour de cassation s’éloignera parfois de cette convention d’écriture et, plutôt que de déclarer, par exemple : « Attendu que, selon le principe qui veut que (…) », elle s’exprime ainsi : « LA COUR : – Sur le moyen unique; Vu le principe selon lequel (…) ». Il eût fallu en ce cas réserver l’attendu à sa fonction première qui est d’annoncer l’énoncé des faits et de la procédure.
Vu est le visa qui figure dans l’en-tête ou l’intitulé d’un arrêt français et qui énonce les conditions de la saisine du tribunal ou de la cour, tandis qu’Attendu précède l’exposition des faits et de la procédure.
La locution prépositive au vu de (et sa variante superlative au seul vu du) permet de former plusieurs expressions figées : au vu de la preuve, au vu des témoignages, au vu des circonstances. Elle signifie, selon le cas, sur présentation de, en considération de. Sa signification procédurale : sur remise de l’acte, celui-ci devient exécutoire au seul vu (= sur présentation, sur production) du document dont s’agit, est plus technique que sa signification usuelle : « Attendu que le tribunal, au vu du rapport (= sur constatation du rapport, sur sa prise en compte) dont les conclusions ne sont pas contestées, compte tenu des justificatifs produits (…), est en mesure de fixer comme suit le préjudice du demandeur. » « Le juge se détermine au vu de la preuve rapportée. »
La locution vu de signifie aussi sur le fondement de. « La Commission ne pouvait rejeter la plainte au vu de l’entente conclue entre les parties. » « Le reste de la preuve n’a pas été examiné à fond au vu de toutes les circonstances. »
Sur le vu de, variante de au vu de, s’emploie dans la langue notariale et dans le style judiciaire pour désigner le fait de la présentation et de l’examen d’actes, de pièces devant être communiqués ou produits. Sur le vu de ces pièces, de ces documents, c’est-à-dire après leur réception et leur examen.
La locution au vu et au su de signifie ouvertement, manifestement, au grand jour, à la connaissance de, et annonce un fait à l’origine de la responsabilité de celui qui a vu et qui a su et qui, ayant vu et ayant su, n’a rien fait pour empêcher l’accomplissement de l’acte et qui, par son inaction et sa passivité, a permis d’une certaine façon que l’acte soit consommé. Le silence ou l’inaction constatés dans la connaissance d’un fait survenu sont susceptibles de mettre en branle la procédure de la poursuite pénale. « Toutefois, si les participants agissent en qualité d’associés au vu et au su des tiers, chacun d’eux est tenu à l’égard de ceux-ci aux obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l’un des autres, avec solidarité, si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. »
Il faut employer cette locution à bon escient. On ne peut pas dire, par exemple, que quelqu’un exprime un point de vue [au vu et au su de tous], quand on veut dire qu’il l’exprime publiquement. De plus, la tournure [au vu et au su de tous, et publiquement] est superfétatoire : publiquement suffit.
La locution [au vu et au su] employée absolument devient un barbarisme. On ne peut pas dire, par exemple : « Le ministre peut, à l’étranger, faire des choses tout à fait légales, [au vu et au su] et dans les règles. » Il eût fallu dire ici : « au su et au vu de tous » ou « au vu et au su de toute la communauté internationale ».
Dans l’usage courant, au vu de tous (et sa variante au vu et au su de tous) signifie publiquement, ouvertement. Elle s’emploie pour affirmer qu’un fait est survenu, qu’un événement s’est produit ou qu’un acte a été accompli de façon si publique et notoire que toute dénégation ou contestation à ce sujet est futile. « Le lobbying est une activité suffisamment légitime pour qu’elle puisse s’exercer, non dans l’ombre, mais au vu et au su de tous. »
La préposition vu signifie eu égard à, en considérant telle chose, étant donné, en raison de; elle reste invariable du fait de sa nature grammaticale : Vu la culpabilité de l’accusé, Vu les résultats escomptés, Vu les sommes attribuées.
L’usage est nettement hésitant et contradictoire devant l’emploi de la locution conjonctive vu que. Les affirmations des lexicographes ne sont pas nécessairement admises par tous les linguistes et les chroniqueurs. Des grammairiens limitent son appartenance au domaine particulier du style administratif ou juridique, d’autres, à celui du style commercial. Considérant le niveau de langue et le registre d’emploi, certains estiment que la locution est familière, alors que d’autres la jugent pédante. Selon des lexicographes, elle est vieillie, d’autres considèrent que c’est un régionalisme.
Construite avec l’indicatif ou le conditionnel, la locution conjonctive vu que signifie puisque, car, parce que, attendu que, (en) considérant que, étant donné que; elle marque donc la causalité. « Même si l’âge est déjà constaté au moment de la publication, il paraît utile d’obliger le célébrant à procéder à cette vérification, vu qu’il doit s’assurer que les futurs époux ont la capacité d’exprimer le consentement requis et vu, également, les obligations qu’il doit assumer lorsque les futurs époux sont mineurs. »
Devant pareille confusion, ne vaut-il pas mieux, somme toute, lui préférer puisque et les autres équivalents mentionnés, qui ne posent pas ce genre de traquenard?
© Centre de traduction et de terminologie juridiques (CTTJ), Faculté de droit, Université de Moncton