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Juridictionnaire

virtualité / virtuel, elle

  1. La virtualité juridique occupe l’entier domaine des actes en puissance, de l’incomplétude et de l’imperfection. Tout ce qui prend forme sans être amené par quelque événement ou circonstance à son achèvement ou à son exercice peut être qualifié de virtuel comme l’est tout acte dépourvu des attributs qui lui sont nécessaires pour pouvoir être accompli, autrement dit pour être complet ou parfait. En ce sens, la complétude et la perfection en droit sont des antonymes de la virtualité.

    Dans pareille perspective, un droit, un intérêt, un privilège, un transport, un transfert peut être soit complet (= il est achevé, il est parfait), soit incomplet ou virtuel (= il est inachevé, il est imparfait).

    Ainsi, le droit virtuel n’est pas encore acquis par son titulaire éventuel. Sa virtualité réside dans la possibilité ou dans l’éventualité qu’il soit exercé. Dès le moment de son exercice, il perd sur-le-champ sa qualification de droit virtuel et devient un droit complet. « Même lorsque le transfert est virtuel ou inachevé, de sorte qu’il serait sans effet dans une donation entre vifs, il peut suffire à constituer une donation valide (…) C’est lorsque le transfert est virtuel ou inachevé que l’equity prévoit une exception à la règle voulant qu’elle ne complète pas une donation incomplète. »

    De même, le propre du contrat d’assurance consiste à permettre à l’assuré de détenir le produit virtuel de la police d’assurance, laquelle a pour seul objet de constater la conclusion du contrat. Par exemple, s’agissant d’une assurance vie, dans l’éventualité du décès de la personne assurée, le produit de sa police sera versé à son bénéficiaire au moment du décès. Ce produit n’est pas [éventuel] mais virtuel dans la mesure où il ne sera réalisé au regard du bénéficiaire que si la condition du décès est remplie. Par conséquent, l’assuré détient ce produit virtuel.

    En outre, la cotisation à un régime de pension représente un avantage qui est, certes, réel et acquis. Toutefois, un tel avantage reste incomplet et éventuel selon que l’entrée à la retraite est à venir et que le salarié travaille toujours.

    Enfin, le fait pour le particulier d’avoir droit à un remboursement fiscal constitue un avantage réel (il existe légalement) et acquis (on ne peut lui retirer ce droit). Il est éventuel puisque sa jouissance est subordonnée à la réalisation d’un événement : la déclaration de revenu et son approbation par l’autorité fiscale. Il est, aussi, virtuel dans la mesure où il demeure incomplet n’étant pas encore réalisé. Sa virtualité constitue un aspect de son imperfection, de son incomplétude.

    Résumons-nous. Un droit virtuel est incomplet parce qu’il est susceptible de se transformer en un droit complet; il est imparfait parce qu’il n’a pas à être exercé pour le moment. Une revendication en puissance est virtuelle de ce seul fait.

  2. Si est qualifié de virtuel ce qui vient de commencer à prendre forme, mais qui n’est pas encore complet, alors en sera-t-il d’un document, d’un instrument ou d’un acte sous seing privé. Il en sera de la sorte également pour le cas d’une infraction telle l’incitation, la tentative ou le complot en vue de la commission d’un acte criminel, puisque le crime lui-même aura pu ne pas avoir été commis.
  3. La distinction à faire entre ce qui est éventuel et ce qui est virtuel est la suivante : est éventuel ce qui est possible mais incertain, tels, en common law, le domaine éventuel, l’intérêt éventuel et le résidu éventuel, par opposition à ce qui est dévolu, tandis qu’est virtuel ce qui attend, pour être parfait, qu’un événement se produise, qu’une condition se réalise. Ce qui permet de dire à juste titre, par exemple, que, dans le droit des biens en régime de common law, les intérêts éventuels sont des formes virtuelles de biens et, dans le droit des fiducies, que la fiducie qui est qualifiée de virtuelle est ainsi qualifiée parce qu’elle est considérée comme une fiducie incomplète ou imparfaite.

    Toujours en common law, le droit virtuel du douaire est un droit imparfait. Le douaire est virtuel et le bénéfice du veuf est virtuel. « Sa femme détenait un droit de douaire qui, à l’époque, était un droit virtuel et qui n’a jamais été exercé. » (= ce droit n’existait qu’en puissance, il était latent, potentiel, et, ainsi, est resté sans effet réel).

  4. Le droit du virtuel est le droit du cyberespace, encore appelé le droit de l’Internet, le droit de l’informatique. En ce sens, le virtuel s’oppose au réel; il est tout ce qui est en ligne ou tout ce qui s’y rapporte. « Lorsque les univers virtuels pénètrent le monde réel, les frontières deviennent floues. On doit alors s’interroger sur la définition juridique des objets virtuels. Sont-ils des biens au sens du droit des biens? » Bien, circuit, commerce, dossier, jeu, monde, objet, plateau, prix, réseau virtuel. Clientèle, devise, économie, entreprise, image, mémoire, propriété, réalité, société, transaction virtuelle.
  5. En linguistique, le sens effectif d’un mot s’oppose à son sens virtuel. Par exemple, le sens effectif du mot déclaratoire est ce qui a pour objet de déclarer le droit, tel le jugement déclaratoire, alors que son sens virtuel est ce qui a pour objet de faire déclarer le droit, la voie de droit qui tend à faire déclarer sa portée, ou la régularité ou l’irrégularité d’une situation de droit, telle l’action déclaratoire.
  • COMMETTRE.
  • DÉVOLUTION.
  • FISC.